Vu la requête, enregistrée le 10 juin 1999 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES ; le PREFET DES ALPES-MARITIMES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 mai 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. Youri X..., l'arrêté du 3 mai 1999 par lequel le PREFET DES ALPES-MARITIMES a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Edouard Philippe, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés a intérêt au maintien du jugement attaqué ; qu'ainsi son intervention en défense est recevable ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., ressortissant ukrainien entré régulièrement en France en 1997, s'est maintenu sur le territoire plus d'un mois après avoir reçu notification, le 23 avril 1998, de la décision du 7 avril 1998 par laquelle le PREFET DES ALPES-MARITIMES a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le PREFET DES ALPES-MARITIMES a, par une décision du 3 mai 1999, ordonné la reconduite à la frontière de M. X... ; que, par un jugement du 11 mai 1999, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté au motif que, portant à la situation personnelle de l'intéressé une atteinte excessive par rapport aux buts qu'il poursuivait, il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la circonstance que, par un jugement devenu définitif du 10 mai 1995, le tribunal administratif de Nice ait rejeté le recours formé par M. X... à l'encontre de la décision du 12 juin 1992 par laquelle le PREFET DES ALPES-MARITIMES avait refusé de lui délivrer un titre de séjour, est sans incidence sur la légalité de la décision en date du 3 mai 1999 par laquelle le PREFET DES ALPES-MARITIMES, après avoir rejeté une nouvelle demande de régularisation formulée par M. X... a, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ordonné la reconduite à la frontière de l'intéressé ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le PREFET DES ALPES-MARITIMES, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice n'a pas méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... est entré régulièrement sur le territoire français en 1997 après avoir séjourné en France entre 1990 et 1996 ; que M. X... vit avec un ressortissant français atteint d'un handicap physique exigeant une aide et un soutien indispensables à sa vie quotidienne ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment à l'ancienneté et à la stabilité de la relation entre M. X... et son compagnon ainsi qu'au degré d'intégration de M. X... dans le village dans lequel il réside et où il a participé à la création d'une entreprise, la décision du PREFET DES ALPES-MARITIMES ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... a porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES ALPES-MARITIMES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 3 mai 1999 ;
Article 1er : L'intervention du groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés est admise.
Article 2 : La requête du PREFET DES ALPES-MARITIMES est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES ALPES-MARITIMES, à M.Youri X..., au groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés et au ministre de l'intérieur.