Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 4 juin et 4 octobre 1999, présentés pour M. Luciano X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 6 avril 1999 accordant son extradition aux autorités italiennes ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F par application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la convention d'application des accords de Schengen du 19 juin 1990 ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article 12-2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 : "Il sera produit à l'appui de la requête : a) l'original ou l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les formes prescrites par la loi de la Partie requérante ; b) un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée. Le temps et le lieu de leur perpétration, leur qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables seront indiqués le plus exactement possible ; et c) une copie des dispositions légales applicables ou, si cela n'est pas possible, une déclaration sur le droit applicable, ainsi que le signalement aussi précis que possible de l'individu réclamé ou tous autres renseignements de nature à déterminer son identité et sa nationalité" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'extradition des autorités italiennes en date du 17 avril 1998 était accompagnée de divers textes applicables en Italie, dont l'article 73 du décret du Président de la République en date du 9 octobre 1990 réprimant la détention et le trafic de stupéfiants et indiquant les peines prévues ; que la circonstance que la demande d'extradition n'ait pas été accompagnée de l'article 14 du même décret n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité, ledit article se bornant à indiquer les critères à appliquer pour l'établissement des tableaux prévus par l'article 73 précité ; que la demande d'arrestation provisoire n'avait pas à être transmise aux autorités françaises, le signalement du requérant dans le système d'information Schengen, effectué conformément à l'article 95 de la convention d'application de l'accord de Schengen, en date du 19 juin 1990 ayant, en vertu de l'article 64 de cette convention, le même effet qu'une demande d'arrestation provisoire au sens de l'article 16 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ; qu'ainsi, les stipulations de l'article 12-2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 n'ont pas été méconnues ;
Considérant que le décret attaqué mentionne les infractions reprochées à M. X..., précise que ces infractions sont punissables en droit français et ne sont pas prescrites, que les faits répondent aux prescriptions de l'article 61 de la convention précitée du 19 juin 1990 et que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 n'ont pas été méconnues ; que ledit décret n'avait pas à contenir la date et le lieu des infractions précitées ni l'indication des textes applicables en droit français et en droit italien ; qu'il satisfait ainsi aux exigences de motivation prévues à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne :
Considérant que si le décret attaqué est susceptible de porter atteinte au droit du requérant au respect de sa vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes résidant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes et des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que les charges retenues contre M. X... l'aient été dans des conditions contraires à l'ordre public français ; que la circonstance qu'elles l'auraient été au moyen notamment de déclarations d'un témoin repenti n'est pas contraire à l'ordre public français ;
Considérant que les faits reprochés au requérant sont punissables en droit français ; que le décret attaqué n'est entaché ni d'erreur de droit ni de détournement de pouvoir ; que l'allégation selon laquelle le décret attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 3-2 de la convention européenne d'extradition n'est accompagnée d'aucun élément permettant d'apprécier son bien-fondé ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Luciano X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.