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17/05/2000 | FRANCE | N°194962

France | France, Conseil d'État, 17 mai 2000, 194962


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 mars 1998 et 25 mai 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE demeurant ... ; la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 janvier 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a annulé, à la demande de M. X..., le jugement du 26 avril 1995 du tribunal administratif de Paris annulant la décision du 18 novembre 1993 du ministre du travail et des affaires socia

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 mars 1998 et 25 mai 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE demeurant ... ; la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 janvier 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a annulé, à la demande de M. X..., le jugement du 26 avril 1995 du tribunal administratif de Paris annulant la décision du 18 novembre 1993 du ministre du travail et des affaires sociales refusant d'autoriser son licenciement et, d'autre part, l'a condamnée à verser à M. X... la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) de condamner M. X... à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE et de Me Hemery, avocat de M. Guy X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE (MGEN) se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 janvier 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé, à la demande de M. X..., le jugement du 26 avril 1995 du tribunal administratif de Paris annulant la décision du 18 novembre 1993 du ministre du travail et des affaires sociales refusant d'autoriser son licenciement, a rejeté la demande qu'elle avait présentée devant le tribunal aux fins d'annulation de cette décision ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges de fond, que, dans le cadre d'une réorganisation d'ensemble du secteur lourdement déficitaire de ses établissements à caractère médical ou médico social et, notamment, des cinq centres de consultations médicales qu'elle avait ouverts à Paris, Nice, Strasbourg, Nancy et Lyon et qui employaient 428 médecins vacataires, la MGEN a conclu le 25 février 1993 avec deux syndicats représentatifs de ces médecins, un accord prévoyant l'intégration de ceux-ci dans le champ d'application de la convention collective hospitalière de la mutuelle et la mise en place d'un nouveau mode de rémunération comportant une partie fixe fonction de l'ancienneté et une partie liée à l'activité du praticien ; que 66 médecins, dont M. X..., ayant refusé de signer l'avenant à leur contrat de travail fixant ces nouvelles conditions, la MGEN a engagé à leur encontre une procédure de licenciement pour motif économique ; que M. X..., détenant un mandat de délégué syndical, la MGEN a sollicité auprès de l'administration compétente l'autorisation de procéder à son licenciement ; que par la décision du 18 novembre 1993, le ministre du travail et des affaires sociales a refusé cette autorisation en se fondant sur l'insuffisance des efforts de la MGEN pour reclasser l'intéressé ;
Considérant qu'en vertu, notamment, des dispositions des articles L. 412-18, les délégués syndicaux bénéficient d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des suppressions d'emplois ou des modifications des contrats de travail envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 321-1 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une suppression d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation d'un secteur d'activité ; qu'ainsi qu'il a été dit, la MGEN a sollicité l'autorisation de licencier M. X... à la suite du refus de ce dernier d'accepter une modification de son contrat de travail consécutive aux mesures de réorganisation des centres médicaux de la MGEN, rendus nécessaires par les déficits de ce secteur ; que, par suite, en jugeant que le motif économique invoqué par la MGEN à l'appui de sa demande de licenciement était dénué de réalité dès lors que ces déficits ne suffisaient pas à obérer la situation financière globale de la MGEN, laquelle demeurait largement excédentaire, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas légalement justifié sa décision ; que la MGEN est par suite fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 et de régler l'affaire au fond ;
Considérant que l'obligation pour l'employeur de rechercher le reclassement du salarié ou de s'assurer que son reclassement est impossible s'applique même dans le cas où, comme en l'espèce, la demande de licenciement est consécutive au refus par l'intéressé d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail et que les autres emplois susceptibles de lui être proposés seraient régis par des clauses identiques ; qu'ainsi, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du ministre du travail et des affaires sociales refusant son licenciement, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que, dans les circonstances de l'espèce, aucune obligation de rechercher son reclassement ne pesait sur la MGEN ;
Considérant, toutefois, que saisi de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient au Conseil d'Etat de se prononcer sur les autres moyens soulevés par la MGEN à l'appui de sa demande ;
Considérant que si la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE, qui soutient principalement que le refus du docteur X... d'accepter les modifications de son contrat de travail faisait obstacle à son reclassement, allègue par ailleurs qu'elle aurait cependant fait toutes diligences pour faire des propositions de reclassement interne aux salariés qu'elle entendait licencier, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est bornée à diffuser, pour l'ensemble de ses salariés licenciés, une seule offre de poste de médecin généraliste ; qu'elle ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait procédé à une recherche individuelle d'emploi pour le requérant ; qu'elle ne peut, dès lors, être regardée comme ayant rempli ses obligations de reclassement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 18 novembre 1993 du ministre du travail et des affaires sociales ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la MGEN à payer à M. X... la somme de 12 000 F que celui-ci réclame sur le fondement des mêmes dispositions ;
Article 1er : L'arrêt du 27 janvier 1998 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 26 avril 1995 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande de la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la MUTUELLE GENERALE DEL'EDUCATION Y... est rejeté.
Article 4 : La MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE versera à M. X... la somme de 12 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE, à M. Guy X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 194962
Date de la décision : 17/05/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES.


Références :

Code du travail L321-1, L412-18
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 17 mai. 2000, n° 194962
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:194962.20000517
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