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19/05/2000 | FRANCE | N°188387

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 19 mai 2000, 188387


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 juin 1997 et 16 octobre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la PROVINCE SUD, représentée par son président en exercice domicilé en cette qualité au siège de l'Hôtel de la Province à Nouméa en Nouvelle Calédonie (98800) ; la PROVINCE SUD demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 17 avril 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 21 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a rejeté la demande de l'Ass

ociation Baie de la Moselle tendant à l'annulation du permis de cons...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 juin 1997 et 16 octobre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la PROVINCE SUD, représentée par son président en exercice domicilé en cette qualité au siège de l'Hôtel de la Province à Nouméa en Nouvelle Calédonie (98800) ; la PROVINCE SUD demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 17 avril 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 21 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a rejeté la demande de l'Association Baie de la Moselle tendant à l'annulation du permis de construire du 7 avril 1995 accordé à la Compagnie des chargeurs calédoniens par le président de l'assemblée de la PROVINCE SUD et a, d'autre part, annulé ce permis de construire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-1221 du 28 décembre 1976 ;
Vu la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 ;
Vu la loi n° 88-82 du 22 janvier 1988 ;
Vu la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 ;
Vu la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Bonnat, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la PROVINCE SUD, de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Association Baie de la Moselle et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la Compagnie des chargeurs calédoniens,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une délibération n° 206 du 13 août 1987, le congrès du Territoire de Nouvelle-Calédonie et dépendances a autorisé le port autonome de Nouméa à soustraire du domaine public maritime par voie d'endigage trois parcelles situées dans la baie de la Moselle en vue d'accroître le domaine privé du Territoire ; que, par arrêté du 7 avril 1995, le président de l'assemblée de la PROVINCE SUD a autorisé la Compagnie des chargeurs calédoniens à construire deux immeubles d'habitation sur une partie des parcelles exondées ; que, par un arrêt en date du 17 avril 1997, objet du présent pourvoi, la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de l'Association Baie de la Moselle, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Nouméa du 21 juin 1995 par lequel ce tribunal a rejeté la demande de ladite association dirigée contre le permis de construire du 7 avril 1995, d'autre part, annulé ce permis de construire ;
Considérant que, pour annuler le permis litigieux, la cour administrative d'appel de Paris a estimé, en premier lieu, que la délibération du 13 août 1987 par laquelle le congrès du Territoire de Nouvelle-Calédonie a autorisé l'endigage de parcelles situées dans la baie de la Moselle, était entachée d'incompétence, en second lieu, que la Compagnie des chargeurs calédoniens ne justifiait, à la date du 7 avril 1995 à laquelle la PROVINCE SUD a statué sur sa demande de permis de construire, d'aucun titre délivré par l'Etat, l'habilitant à construire sur une partie de ces parcelles ;
Sur le premier motif de l'arrêt attaqué :
Considérant qu'à la date à laquelle est intervenue la délibération du 13 août 1987 du Congrès du territoire, était en vigueur la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances dont aucune disposition ne précise expressément quelles autorités, de l'Etat ou du territoire, sont compétentes pour ce qui concerne le domaine public maritime ; que, cependant, compte tenu des dispositions de la loi du 28 décembre 1976 précédemment en vigueur dont l'article 7 dispose que le domaine de la compétence de l'Etat comprend le "domaine public maritime et aérien", et de celles de la loi du 22 janvier 1988 qui a abrogé la loi du 6 septembre 1984 et dont l'article 6 dispose que "l'Etat exerce ses droits de souveraineté et de propriété sur son domaine public et privé, terrestre, maritime et aérien", le silence de la loi du 6 septembre 1984 ne peut être interprété, en l'absence de toute autre disposition ayant transféré au territoire la propriété du domaine public maritime, comme conférant provisoirement au Territoire de Nouvelle-Calédonie la compétence sur le domaine public maritime ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la concession d'endigage accordée au port de Nouméa par la délibération du 13 août 1987 du Congrès du territoire émanait d'une autorité incompétente ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 6 mars 1998 portant habilitation du gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer : " Les concessions d'endigage sur le domaine public maritime sis dans le périmètre du port autonome de Nouméa défini par les arrêtés n° 534 et 535 du 8 juillet 1926du gouverneur de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et n° 60-338 CG du 4 novembre 1960 du haut-commissaire de la République dans l'océan Pacifique et aux Nouvelles Hébrides et par la délibération n° 16 des 3 et 4 août 1967 de l'assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie sont validées. /Sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, les actes pris sur le fondement des concessions d'endigage visées au premier alinéa depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 76-1222 du 28 décembre 1976 relative à l'organisation de la Nouvelle-Calédonie et dépendances sont validés en tant que leur régularité serait contestée par le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité ayant autorisé ces concessions ( ...)" ; que la décision d'une juridiction qui a statué en dernier ressort présente, même si elle peut faire l'objet ou est effectivement, comme en l'espèce, l'objet d'un pourvoi en cassation, le caractère d'une décision passée en force de chose jugée ; qu'il suit de là que les dispositions précitées de la loi du 6 mars 1998, qui n'étaient pas en vigueur à la date de l'arrêt attaqué, ne sauraient être utilement invoquées à l'appui du présent pourvoi ;
Sur le second motif :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 8 de la loi du 9 novembre 1988, en vigueur à la date du permis litigieux du 7 avril 1995, identiques à celles précitées de l'article 6 de la loi du 22 janvier 1988, que l'Etat exerçait à cette date les droits de souveraineté et de propriété sur le domaine public maritime ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de la délibération n° 19 du 8 juin 1973 de l'assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie et dépendances, relative à la réglementation du permis de construire : "La demande de permis de construire doit être signée par le propriétaire du terrain où doit être édifiée la construction, son mandataire ou le titulaire d'un titre l'habilitant à construire" ; qu'à défaut pour la Compagnie des chargeurs calédoniens de justifier d'un titre délivré par l'Etat l'habilitant à s'établir sur son domaine public maritime pour y construire le projet litigieux, la cour, qui n'a pas fondé son arrêt sur un moyen relevant d'une cause juridique nouvelle en appel, n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que le permis de construire délivré le 7 avril 1995 par le président de l'assemblée de la PROVINCE SUD était entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la PROVINCE SUD n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 17 avril 1997 de la cour administrative d'appel de Paris ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la PROVINCE SUD à payer à l'Association Baie de la Moselle la somme de 15 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que l'Association Baie de la Moselle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la PROVINCE SUD la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés ;
Article 1er : La requête de la PROVINCE SUD est rejetée.
Article 2 : La PROVINCE SUD versera à l'Association Baie de la Moselle la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la PROVINCE SUD, à l'Association Baie de la Moselle, à la Compagnie des chargeurs calédoniens et au secrétaire d'Etat à l'outre-mer.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 188387
Date de la décision : 19/05/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

46-01-04 OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - REGIME ADMINISTRATIF -CANouvelle-Calédonie - Domaine public maritime - Silence de la loi du 6 septembre 1984 - Portée - Compétence de l'Etat.

46-01-04 Compte tenu des dispositions de la loi du 28 septembre 1976 dont l'article 7 disposait que le domaine de la compétence de l'Etat comprend le "domaine public maritime et aérien" et de celles de la loi du 22 janvier 1988 qui a abrogé la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et dont l'article 6 dispose que "l'Etat exerce ses droits de souveraineté et de propriété sur son domaine public et privé, terrestre, maritime et aérien", le silence de la loi du 6 septembre 1984 sur l'autorité compétente pour ce qui concerne le domaine public maritime ne peut être interprété, en l'absence de toute autre disposition ayant transféré au territoire la propriété du domaine public maritime, comme conférant provisoirement au territoire de Nouvelle-Calédonie la compétence sur le domaine public maritime.


Références :

Arrêté du 07 avril 1995
Loi 76-1221 du 28 décembre 1976 art. 7
Loi 76-1222 du 28 décembre 1976
Loi 84-821 du 06 septembre 1984 art. 6
Loi 88-1028 du 09 novembre 1988 art. 8
Loi 88-82 du 22 janvier 1988 art. 6
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 98-145 du 06 mars 1998 art. 5


Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2000, n° 188387
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mlle Bonnat
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:188387.20000519
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