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19/05/2000 | FRANCE | N°208443

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 19 mai 2000, 208443


Vu la requête, enregistrée le 31 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Kamel Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 avril 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 1er avril 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du 2 avril fixant le pays à destination duquel il devait être reconduit ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ce

t arrêté et cette décision ;
3°) d'ordonner qu'il soit reconduit dans un a...

Vu la requête, enregistrée le 31 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Kamel Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 avril 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 1er avril 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du 2 avril fixant le pays à destination duquel il devait être reconduit ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) d'ordonner qu'il soit reconduit dans un autre pays que l'Algérie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pignerol, Auditeur,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a pu, comme il l'a fait, et sans commettre d'erreur de droit, statuer par une seule décision tant sur la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 1er avril 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière que sur celle dirigée contre la décision fixant le pays à destination duquel il devait être reconduit ;
Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que, par un arrêté du 11 janvier 1999, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le préfet des Yvelines a donné à M. X... délégation pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. X... n'aurait pas eu compétence pour signer l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué manque en fait ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. Y... le 1er avril 1999 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision ; qu'ainsi il répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée relative à la motivation des actes administratifs ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification qui lui a été faite, le 25 février 1999, de la décision du 12 février 1999 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :"Les étrangers sont, en ce qui concerne leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales" ; que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, publié au Journal officiel du 22 mars 1969 en vertu du décret du 18 mars 1969, régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France ; qu'il suit de là que les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l'accord précité ; qu'ainsi, M. Y... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions fixées par le 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour ;
Considérant que si M. Y... soutient qu'il est entré en France en 1989, à l'âge de dix-sept ans, que deux de ses frères, dont l'un est de nationalité française, et l'une de ses soeurs vivent en France et qu'il ne pourrait pas se réadapter à la vie en Algérie, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. Y..., dont les parents et cinq frères et soeurs résident en Algérie, l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant que si M. Y... fait valoir que ses opinions politiques et religieuses ainsi que sa situation au regard de ses obligations militaires seraient de nature à lui faire courir des risques vitaux en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte, à l'appui de ses allégations, aucun élément probant de nature à établir qu'il serait personnellement exposé à des menaces ou à des traitements inhumains ou dégradants ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision fixant l'Algérie comme pays à destination duquel il doit être reconduit aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 1er avril 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du 2 avril 1999 fixant le pays de renvoi ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne que M. Y... soit reconduit à destination d'un pays autre que l'Algérie :
Considérant qu'en dehors du cas prévu par l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée susvisée, dont les conditions d'application ne sont pas remplies en l'espèce, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; qu'ainsi, les conclusions de M. Y... tendant à ce qu'il soit reconduit à destination d'un pays autre que l'Algérie sont, en tout état de cause, irrecevables ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Kamel Y..., au préfet des Yvelines et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 11 janvier 1999
Arrêté du 01 avril 1999
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8, art. 3
Décret du 18 mars 1969
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 2, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation: CE, 19 mai. 2000, n° 208443
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pignerol
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Formation : 4 ss
Date de la décision : 19/05/2000
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 208443
Numéro NOR : CETATEXT000008057425 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2000-05-19;208443 ?
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