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31/05/2000 | FRANCE | N°192006

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 31 mai 2000, 192006


Vu 1°), sous le n° 192006, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 décembre 1997 et 20 mars 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PANTOCHIM S.A., dont le siège est ... Belgique ; la SOCIETE PANTOCHIM S.A. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 3 octobre 1997 par laquelle le ministre de l'agriculture a refusé d'abroger l'arrêté du 27 mars 1992 pris pour l'application de l'article 32 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991) ;
2°) de condamner l'Etat

lui verser la somme de 31 500 000 F avec intérêts de droit en réparatio...

Vu 1°), sous le n° 192006, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 décembre 1997 et 20 mars 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PANTOCHIM S.A., dont le siège est ... Belgique ; la SOCIETE PANTOCHIM S.A. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 3 octobre 1997 par laquelle le ministre de l'agriculture a refusé d'abroger l'arrêté du 27 mars 1992 pris pour l'application de l'article 32 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991) ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 31 500 000 F avec intérêts de droit en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du maintien, à compter du 29 mars 1997, du régime d'aides instauré par l'article 32 de la loi de finances pour 1992 et l'arrêté susmentionné du 27 mars 1992, ainsi qu'une somme de 3,5 MF par mois d'application de ce régime d'aide au-delà du 31 décembre 1997 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu 2°), sous le n° 196303, l'ordonnance enregistrée le 5 mai 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris transmet au Conseil d'Etat une requête de la SOCIETE PANTOCHIM S.A. ;
Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 22 janvier 1998, présenté pour la SOCIETE PANTOCHIM S.A. ; la société demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision susmentionnée du 3 octobre 1997 du ministre de l'agriculture refusant de réparer le préjudice qu'elle a subi ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 31 730 137 F, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3,5 MF par mois d'application de l'article 32 de la loi de finances pour 1992 et de l'arrêté du 27 mars 1992 au-delà du 31 décembre 1997, augmentée des intérêts ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le Traité de Rome ;
Vu la loi de finances pour 1992 (loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991), notamment son article 32, la loi de finances pour 1993 (loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992), notamment son article 89 et la loi de finances rectificative pour 1993 (loi n° 93-1353 du 30 décembre 1993), notamment son article 30 ;
Vu l'arrêté du 27 mars 1992 portant application de l'article 32 de la loi de finances pour 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la SOCIETE PANTOCHIM S.A.,

- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes de la SOCIETE PANTOCHIM S.A. présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu d'y statuer par une seule décision ;
Considérant que l'article 32 de la loi de finances pour 1992 (loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991), modifié par l'article 89 de la loi de finances pour 1993 (loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992) et par l'article 30 de la loi de finances rectificative pour 1993 (loi n° 93-1353 du 30 décembre 1993) instituait une exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers pour un certain nombre de produits, notamment l'alcool éthylique et les esters d'huile de colza et de tournesol, élaborés sous contrôle fiscal dans des unités pilotes en vue d'être utilisés comme carburant ou combustible dans le cadre de projets expérimentaux ; que l'arrêté interministériel du 27 mars 1992 portant application de ces dispositions a précisé l'étendue de l'exonération, a défini lesnotions de projet expérimental et d'unité pilote ainsi que les conditions d'utilisation des produits concernés, et a prévu que chaque unité pilote devait faire l'objet d'un agrément par l'administration ;
Considérant que, par une décision en date du 18 décembre 1996, la Commission a, en application de l'article 93-2 du Traité CE (devenu article 88-2 CE), estimé que l'article 32 de la loi de finances pour 1992 modifié, était incompatible avec plusieurs dispositions de droit communautaire, notamment avec le régime des aides d'Etat défini à l'article 92 du Traité CE (devenu, après modifications, article 87 CE) et a enjoint à la France d'y mettre fin au plus tard le 29 mars 1997 ;
Considérant que, par un courrier en date du 9 juin 1997, la SOCIETE PANTOCHIM S.A., qui produit de l'ester méthylique d'huiles végétales et de colza, a demandé au ministre de l'agriculture et de la pêche d'abroger l'arrêté susmentionné du 27 mars 1992 et de réparer le préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait du maintien en vigueur de cet arrêté au-delà du 29 mars 1997 ; que, dans sa réponse en date du 3 octobre 1997, le ministre s'est borné à indiquer à la SOCIETE PANTOCHIM S.A. que le dispositif d'exonération mis en place par l'article 32 de la loi de finances pour 1992 serait modifié avant la fin de l'année 1997 par l'intervention d'une nouvelle loi ; qu'il a ainsi opposé un refus à la demande d'abrogation de l'arrêté du 27 mars 1992 qui lui était adressée ;
Considérant, en premier lieu, que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; que l'arrêté du 27 mars 1992, pris, ainsi qu'il a été dit, pour l'application d'une disposition législative incompatible avec le Traité CE, était privé de base légale ; que, dès lors, en refusant de l'abroger, le ministre de l'agriculture et de la pêche a entaché sa décision du 3 octobre 1997 d'excès de pouvoir ; que, dans cette mesure, la SOCIETE PANTOCHIM S.A. est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant, en second lieu, que la SOCIETE PANTOCHIM S.A. soutient que le maintien illégal de l'arrêté litigieux lui a causé un préjudice dont elle est en droit de demander réparation ; que toutefois, si elle fait état du manque à gagner qui a résulté pour elle de l'impossibilité de commercialiser, comme certains de ses concurrents, des biocarburants en France, un tel préjudice, qui résulte du fait qu'elle n'a pas bénéficié de l'exonération prévue par les dispositions susmentionnées et qu'elle n'a donc pu pratiquer des prix acceptables par le marché, ne saurait être regardé comme ayant un lien direct avec la faute commise par le ministre en maintenant en vigueur l'arrêté du 27 mars 1992 au-delà du 29 mars 1997 ; que, dans ces conditions, sa demande tendant à la réparation d'un tel préjudice ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE PANTOCHIM S.A. une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du ministre de l'agriculture et de la pêche du 3 octobre 1997 est annulée en tant qu'elle refuse d'abroger l'arrêté du 27 mars 1992 pris pour l'application de l'article 32 de la loi de finances pour 1992.
Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE PANTOCHIM S.A. la somme de 15 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE PANTOCHIM S.A. est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PANTOCHIM S.A. et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 192006
Date de la décision : 31/05/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES ECONOMIQUES.


Références :

Arrêté du 29 mars 1997
Arrêté interministériel du 27 mars 1992
Loi 91-1322 du 30 décembre 1991 art. 32 Finances pour 1992
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 92-1376 du 30 décembre 1992 art. 89 Finances pour 1993
Loi 93-1353 du 30 décembre 1993 art. 30 Finances rectificative pour 1993
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 93-2, art. 92


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2000, n° 192006
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Ménéménis
Rapporteur public ?: M. Courtial

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:192006.20000531
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