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07/06/2000 | FRANCE | N°194294

France | France, Conseil d'État, 07 juin 2000, 194294


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 février 1998 et 17 juin 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI dont le siège est ... ; l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 24 septembre 1997 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a annulé la décision du conseil d'administration de l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI du 9 sept

embre 1996 prononçant contre M. David X... la sanction d'un retar...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 février 1998 et 17 juin 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI dont le siège est ... ; l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 24 septembre 1997 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a annulé la décision du conseil d'administration de l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI du 9 septembre 1996 prononçant contre M. David X... la sanction d'un retard à l'avancement d'échelon pour une durée d'un an ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 16 884 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 modifiée relative à l'enseignement supérieur ;
Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation ;
Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié relatif au statut des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur ;
Vu le décret n° 90-1011 du 14 novembre 1990 modifié relatif au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ;
Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 modifié relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI et de Me Luc-Thaler, avocat de M. David X...,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations de ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans les circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 29 et 29-1 de la loi du 26 janvier 1984 relative à l'enseignement supérieur que la section disciplinaire du conseil d'administration des établissements publics à caractère scientifique, culturel et technologique peut prononcer à l'encontre des enseignants-chercheurs les sanctions du retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans, de l'abaissement d'échelon, de l'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans, de l'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche, de la mise à la retraite d'office et de la révocation ; qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation : "Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statue en appel et en dernier ressort sur les décisions disciplinaires prises par les instances universitaires compétentes à l'égard des enseignants-chercheurs" ; qu'ainsi les décisions prises par le conseil supérieur de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire sont susceptibles de porter atteinte à l'exercice du droit d'exercer les fonctions de professeur des universités, lequel revêt le caractère d'un droit civil au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les attributions des professeurs des universités ne comportent pas de participation à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions visant à sauvegarder les intérêts généraux de l'Etat et des autres personnes publiques ; qu'il suit de là que les stipulations de l'article 6-1 précitées s'appliquent à la procédure suivie devant les formations de jugement statuant en matière disciplinaire dans l'enseignement supérieur ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée du conseil national de l'enseignement supérieur et la recherche statuant en matière disciplinaire qu'elle a été prise après une audience non publique, alors qu'en première instance, l'audience devant la section disciplinaire compétente du conseil d'administration de l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI n'avait pas davantage été publique ; qu'il en résulte que la procédure suivie devant le conseil national est irrégulière ;

Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article 12 du décret du 14 novembre 1990 "le rapport et les pièces du dossier sont déposés par le rapporteur au secrétariat du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche pour être tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil statuant en matière disciplinaire, dix jours francs avant la date fixée pour la séance de jugement" et qu'aux termes de son article 13 "Le président du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire convoque chacune des personnes intéressées devant le formation de jugement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, quinze jours au moins avant la date de la séance de jugement ( ...). Sur sa demande, le président ou le directeur d'un établissement mentionné aux articles 2 et 3 du décret du 13 juillet 1992 susvisé, ou son représentant est entendu ainsi que le recteur d'académie ou son représentant, s'il est auteur de l'appel" ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le président de l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI, n'a été informé ni de la date de la séance de jugement, ni des modalités de consultation du rapport et des pièces du dossier ; qu'il suit de là qu'il n'a pas été mis à même d'exercer les droits que lui reconnaissent les articles 12 et 13 du décret du 14 novembre 1990 ; que la méconnaissance de ces formalités substantielles a également entaché la décision attaquée d'un vice de procédure ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI, est fondée à demander l'annulation de la décision du 24 septembre 1997 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a, d'une part, annulé la décision du 9 septembre 1996 par laquelle la section disciplinaire de l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI, a infligé une sanction à M. X... et, d'autre part, décidé de ne prononcer aucune sanction à son encontre ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que l'Etat n'a pas la qualité de partie dans la présente instance ; que, par suite, les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit condamné à verser à l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 24 septembre 1997 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a annulé la décision du 9 septembre 1996 par laquelle la section disciplinaire de l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI a infligé une sanction à M. X... et décidé de ne prononcer aucune sanction à son encontre est annulée.
Article 2 : Les conclusions de l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : L'affaire est renvoyée au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI, à M. David X... et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 194294
Date de la décision : 07/06/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

30-02-05 ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET GRANDES ECOLES.


Références :

Décret 90-1011 du 14 novembre 1990 art. 12, art. 13
Loi 84-52 du 26 janvier 1984 art. 29, art. 29-1
Loi 89-486 du 10 juillet 1989 art. 23, art. 6-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2000, n° 194294
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Picard
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:194294.20000607
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