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09/06/2000 | FRANCE | N°153472

France | France, Conseil d'État, 09 juin 2000, 153472


Vu la requête enregistrée le 15 novembre 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Erika X..., épouse Y..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 septembre 1993 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre son placement en détention administrative ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 3 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu

l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'...

Vu la requête enregistrée le 15 novembre 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Erika X..., épouse Y..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 septembre 1993 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre son placement en détention administrative ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 3 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X... épouse Y..., de nationalité brésilienne, entrée régulièrement en France en septembre 1992 à l'âge de 25 ans, mais demeurée irrégulièrement sur le territoire à l'expiration de son visa, et ayant épousé le 12 mars 1993 un ressortissant français, s'est vu notifier, lorsqu'elle s'est présentée à la préfecture de police le 17 mars 1993 pour obtenir le récépissé de sa demande de carte de résident, une décision du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'elle a reçu le 4 mai 1993 à la suite de l'annulation de cet arrêté de reconduite à la frontière par un jugement du tribunal administratif de Paris, un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 4 octobre 1993 ; que, toutefois, convoquée le 20 septembre 1993 à la préfecture de police, Mme X... y a été retenue, du 20 septembre 1993 à 14 heures jusqu'au 21 septembre 1993 à 12 heures, sans qu'une nouvelle décision de reconduite à la frontière lui fût notifiée et sans que cette mesure de rétention administrative fît l'objet d'une décision écrite et motivée ; que Mme X... a saisi le 20 septembre 1993 à 19 heures 45 le président du tribunal administratif de Paris de conclusions tendant à l'annulation des décisions implicites du préfet de police relatives à un placement en rétention et à une reconduite à la frontière ; que Mme X... demande l'annulation du jugement du 23 septembre 1993 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant que ce jugement, après avoir rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre un arrêté de reconduite à la frontière qui n'est pas intervenu, a rejeté comme également irrecevables les conclusions tendant à ce que soit annulé son placement en rétention administrative le 20 septembre 1993 pour une durée de vingt-quatre heures ;
Considérant que pour rejeter les conclusions dirigées contre l'arrêté de rétention, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance qu'il n'était pas compétent pour examiner ces conclusions ; qu'il lui appartenait dans une telle hypothèse de renvoyer ces conclusions au tribunal administratif statuant collégialement ; que, par suite, en les rejetant comme irrecevables, il a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ces conclusions ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'affaire d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions présentées par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'aux termes de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, "Peut être maintenu, s'il y a nécessité, par décision écrite motivée du représentant de l'Etat dans le département, dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l'étranger qui : 1° - Soit, devant être remis aux autorités compétentes d'un Etat de la Communauté économique européenne en application de l'article 33, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; 2° - Soit, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; 3° - Soit, devant être reconduit à la frontière, ne peut quitter immédiatement le territoire français" ;
Considérant qu'il est constant qu'à la date des faits, Mme X... ne faisait pas l'objet d'un arrêté d'expulsion et ne devait pas davantage être reconduite à la frontière ni remise aux autorités compétentes d'un autre Etat de la Communauté économique européenne et qu'au demeurant son placement en rétention administrative n'a pas fait l'objet d'une décision écrite et motivée ; qu'ainsi cette mesure de placement en rétention administrative de l'intéressée est illégale et doit être annulée sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle peut être qualifiée de voie de fait ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme X... la somme de 3 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 23 septembre 1993 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées devant ce tribunal par Mme X... et tendant à l'annulation de la décision du préfet de police la plaçant le 20 septembre 1993 en rétention administrative.
Article 2 : La décision du préfet de police plaçant le 20 septembre 1993 Mme X... en rétention administrative est annulée.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser la somme de 3 000 F à Mme X....
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Erika X..., épouse Y..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 35 bis


Publications
Proposition de citation: CE, 09 jui. 2000, n° 153472
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. de la Verpillière
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de la décision : 09/06/2000
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 153472
Numéro NOR : CETATEXT000008057741 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2000-06-09;153472 ?
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