Vu la requête enregistrée le 9 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abdelkrim X... demeurant chez Maître Claire Y...
... à "Les mureaux" (78130) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 novembre 1998 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 1998 du préfet de l'Essonne décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) ordonne qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 2 novembre 1998 ;
4°) enjoigne au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de résident ou une carte de séjour, sous astreinte de 1 000 F par jour de retard ;
5°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu l'accord entre la France et l'Algérie en date du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 introduit par l'article 77 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 2 novembre 1998 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que si M. X..., de nationalité algérienne, est resté irrégulièrement en France après l'expiration du visa qui lui avait été délivré en novembre 1991 ; qu'il ressort des pièces du dossier que sa soeur et trois de ses tantes y séjournent régulièrement ; qu'il vit maritalement avec une ressortissante française qui est gravement malade, et qu'il est très intégré à la vie de la commune, où il joue un rôle dans l'encadrement des équipes sportives ; que, dans ces conditions, l'arrêté du 21 octobre 1998 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé sa reconduite à la frontière est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa vie personnelle ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne que soit délivré un titre de séjour à M. X... :
Considérant que, s'il incombe à l'administration de ne pas méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision annulant l'arrêté du 21 octobre 1998, l'exécution de cette décision n'implique pas nécessairement, la délivrance à M. X... d'une carte de résident ou d'une carte de séjour ; que les conclusions de M. X... tendant à ce qu'il soit prescrit à l'administration de lui délivrer une carte de résident ou un titre de séjour ne peuvent, dès lors, être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 2 novembre 1998 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 21 octobre 1998 décidant la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 10 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelkrim X..., au préfet de l'Essonne et au ministre de l'intérieur.