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19/06/2000 | FRANCE | N°196741

France | France, Conseil d'État, 19 juin 2000, 196741


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés les 26 mai et 28 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert B., demeurant 37, rue de Fontenay à Sceaux (92330) ; M. B. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 4 mars 1998 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 novembre 1994 par laquelle le conseil régional de l'Ile-de-France lui a infligé la peine de l'avertissement et a mis à sa ch

arge les frais de l'instance ;
2°) de constater que le bénéfice ...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés les 26 mai et 28 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert B., demeurant 37, rue de Fontenay à Sceaux (92330) ; M. B. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 4 mars 1998 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 novembre 1994 par laquelle le conseil régional de l'Ile-de-France lui a infligé la peine de l'avertissement et a mis à sa charge les frais de l'instance ;
2°) de constater que le bénéfice de l'amnistie lui est acquis pour les faits ayant motivé la sanction ;
3°) de condamner le Conseil national de l'Ordre des médecins à lui verser une somme de 12 060 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. B. et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera ( ...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (. ) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 du décret du 26 octobre 1948 relatif au fonctionnement des conseils de l'Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins : "La section disciplinaire du Conseil national est saisie des appels des décisions des conseils régionaux en matière disciplinaire ( ...) ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 23 du même décret : " Le secrétariat du Conseil national de l'Ordre des médecins ( ) notifie l'appel au président du conseil régional en cause qui doit lui faire parvenir sans délai le dossier de l'affaire. L'appel est également notifié à l'auteur de la plainte ainsi que, le cas échéant, au conseil départemental au tableau duquel est inscrit le praticien et aux personnes en cause, lesquels doivent présenter leurs observations écrites dans le délai d'un mois " ; qu'aux termes du quatrième alinéa du même article 23 : "( ...) Le président de la section disciplinaire désigne un rapporteur parmi les membres de cette section appartenant à l'Ordre du praticien mis en cause. Ce rapporteur dirige l'instruction de l'affaire ; il a qualité pour recueillir les témoignages qu'il croit devoir susciter et pour procéder à toutes constatations utiles " ; que l'article 26 du même décret, relatif à l'audience disciplinaire dispose : " Le président de la section disciplinaire dirige les débats. Le rapporteur présente un exposé des faits ( ...) l'appelant a le premier la parole. Dans tous les cas le praticien incriminé peut prendre la parole en dernier lieu ( ...)" ;
En ce qui concerne la participation du rapporteur au délibéré :

Considérant, d'une part, que si en application des dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article 23 précité du décret du 26 octobre 1948 un des membres composant la section disciplinaire est désigné comme rapporteur et peut procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d'instruction qui ont pour objet de vérifier la pertinence desgriefs et observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier pour donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu'ainsi et alors même qu'il incombe par ailleurs au rapporteur, en vertu de l'article 26 du même décret, de faire à l'audience un exposé des faits consistant en une présentation de l'affaire, l'ensemble de ces dispositions n'ont pas pour effet de lui conférer des fonctions qui, au regard du principe d'impartialité comme des autres stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, feraient obstacle à sa participation au délibéré de la section disciplinaire ;
Considérant, d'autre part qu'il n'est pas allégué que le rapporteur désigné en l'espèce aurait exercé ses fonctions en méconnaissance des dispositions précitées du décret du 26 octobre 1948 ou manqué à l'obligation d'impartialité qui s'imposait à lui ;
En ce qui concerne l'absence de communication préalable du " rapport " établi par le rapporteur :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le décret du 26 octobre 1948 a pu légalement prévoir que l'exposé de l'affaire à l'audience est présenté par le membre de la section disciplinaire désigné comme rapporteur ; que le texte de cet exposé, qui peut au demeurant ne pas être écrit, n'est pas soumis au principe du contradictoire applicable à l'instruction entre les parties ; qu'il n'est pas allégué qu'en l'espèce le rapporteur aurait communiqué avant l'audience le texte de son exposé à l'auteur de la plainte formée contre M. B. ; que, par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que, faute de lui avoir communiqué préalablement à l'audience le " rapport " du rapporteur, la section disciplinaire aurait méconnu les règles de procédure applicables et notamment les stipulations précitées de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C. a été opéré sous anesthésie générale dans la matinée du 4 octobre 1990, à la Clinique de la Porte d'Orléans, par M. B., chirurgien orthopédiste et propriétaire de cet établissement ; qu'après l'intervention, qui s'est achevée vers 12 h 45, M. C. a été conduit en salle de réveil où il a été victime d'un arrêt cardio-respiratoire vers 14 heures, avant de sombrer dans un coma profond ; que, transféré alors dans un autre établissement, il y est décédé dans la nuit du 7 au 8 octobre ;

Considérant que pour confirmer la sanction infligée à M. B. par le conseil régional de l'ordre des médecins d'Ile-de-France, la section disciplinaire du Conseil national a retenu la circonstance que la surveillance de la salle de réveil des opérés à la clinique de la Porte d'Orléans n'était pas assurée de façon suffisante malgré la présence de l'anesthésiste à proximité de ladite salle ; que compte tenu de l'argumentation présentée en appel par M. B. qui n'avait pas contesté l'absence de personnel affecté de façon permanente et exclusive à cette surveillance mais s'était borné à soutenir qu'elle était assurée par l'anesthésiste, la section disciplinaire a suffisamment motivé sa décision ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, elle ne s'est pas fondée sur la méconnaissance de dispositions réglementaires applicables aux conditions de fonctionnement des établissements hospitaliers, mais sur une appréciation des précautions qui devaient être prises pour éviter de faire courir au malade des risques injustifiés ; que cette appréciation, qui ne repose pas sur une dénaturation des pièces du dossier soumis aux juges du fond, échappe au contrôle du juge de cassation ;
Considérant qu'en estimant que les faits retenus à la charge de M. B., dans les circonstances susmentionnées, étaient contraires à l'honneur professionnel et dès lors exclus du bénéfice de l'amnistie, les juges du fond ont fait une exacte application de la loi du 3 août 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B. n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins du 4 mars 1998 ;
Sur les conclusions de M. B. tendant à la condamnation du Conseil national de l'Ordre des médecins en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que le Conseil national de l'Ordre des médecins, n'a pas la qualité de partie dans la présente instance et n'a été appelé en la cause que pour produire des observations ; qu'ainsi les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit condamné à verser à M. B. la somme de 12 060 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. B. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Robert B., au Conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 196741
Date de la décision : 19/06/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - MEDECINS.

DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - FAITS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION - MEDECINS.


Références :

Décret 48-1671 du 26 octobre 1948 art. 23, art. 26
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 95-884 du 03 août 1995


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2000, n° 196741
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Picard
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:196741.20000619
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