La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2000 | FRANCE | N°197857

France | France, Conseil d'État, 23 juin 2000, 197857


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 juillet 1998 et 9 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL DRL dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la SARL DRL demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 7 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 1995 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à

l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 juillet 1998 et 9 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL DRL dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la SARL DRL demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 7 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 1995 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987 et 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SARL DRL,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, créée en 1986, la SARL DRL, implantée à Gasny (Eure), exerce une activité d'enseignement et de formation professionnelle ; qu'elle a estimé être en droit de prétendre, au titre de ses premiers exercices, au bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés ouverte aux entreprises nouvelles, à raison de leurs bénéfices industriels et commerciaux, par l'article 44 quater du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée en 1990 et a porté sur les exercices 1987 et 1988, l'administration a remis en cause l'application de ce régime d'imposition à la société en cause, au motif que son activité n'aurait pas revêtu un caractère industriel et commercial ; que la SARL DRL se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 1995 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des années 1987 et 1988 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts, dans sa version alors applicable : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à une régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues à l'article 44 bis-II 2° et 3°, et III, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel la création est intervenue" ;
Considérant que si les bénéfices des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés sont, quelle que soit la nature de leur activité, imposés, en vertu de l'article 209-I du code général des impôts, en tant que bénéfices industriels et commerciaux, il résulte néanmoins des travaux préparatoires de l'article 7 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 dont sont issues les dispositions précitées de l'article 44 quater, que le législateur a entendu réserver le régime prévu audit article aux entreprises dont l'activité est de nature industrielle ou commerciale et en exclure, quelle que soit leur forme juridique, les entreprises exerçant des professions ou des activités d'une autre nature ; que si les activités d'enseignement ne revêtent pas en principe un caractère commercial, il en va différemment lorsque les bénéfices qu'elles procurent ne peuvent être regardés comme provenant principalement de l'activité d'enseignement des dirigeants de l'entreprise et de la mise en oeuvre de leurs compétences propres en matière pédagogique ou technique ;

Considérant qu'en jugeant que l'administration avait pu à bon droit regarder la SARL DRL comme se livrant à une activité libérale, sans répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré par la société requérante de ce que l'essentiel de son activité d'enseignement était exercé par recours à la sous-traitance, la cour a entaché son arrêt d'une omission de statuer ; que l'arrêt attaqué doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si les moyens matériels mis en oeuvre par la société requérante pour dispenser des cours dans les locaux de ses entreprises clientes étaient modestes cette activité d'enseignement s'est effectuée en grande partie par le recours à la collaboration d'entreprises sous-traitantes et d'intervenants extérieurs, chargés de dispenser lesdits cours, ainsi que l'atteste le montant des honoraires versés aux intéressés au cours des deux exercices qui ont fait l'objet de la vérification ; que la seule circonstance que, d'une part, la société n'ait employé, en son sein, qu'un attaché commercial et deux vacataires intervenant pour des durées très ponctuelles et que, d'autre part, M. X..., devenu gérant de l'entreprise après avoir été enseignant, ait personnellement déployé une importante activité de gestion de l'entreprise, ne saurait, dans ces conditions, être de nature à retirer à l'activité de la société son caractère commercial et par suite, à faire obstacle à l'application au bénéfice de ladite société des dispositions précitées de l'article 44 quater du code général des impôts ; qu'il s'ensuit que, par ce seul motif, la SARL DRL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à la décharge des impositions complémentaires et pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1987 et 1988 et à demander la décharge desdites impositions et pénalités ;
Sur les conclusions de la SARL DRL tendant à la condamnation de l'Etat au paiement d'intérêts moratoires et des frais qu'elle a engagés aux fins de constituer des garanties :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, quant l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal, les intérêts moratoires et, le cas échéant, les sommes engagées par le contribuable pour constituer des garanties autres q'une consignation, lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par les articles R. 208-1 à R. 208-6 dudit livre ; que la société DRL ne fait état d'aucune demande à l'administration en ce sens ; qu'ainsi, en l'absence de litige né et actuel, elle n'est pas recevable à demander que l'Etat soit condamné à lui rembourser ces frais ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles exposés en cour d'appel:
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à payer à la SARL DRL une somme de 16 360 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 7 avril 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 4 juillet 1995 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.
Article 2 : La SARL DRL est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés et pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1987 et 1988.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL DRL une somme de 16 360 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL DRL devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL DRL et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 197857
Date de la décision : 23/06/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES.


Références :

CGI 44 quater, 209
CGI Livre des procédures fiscales L208, R208-1 à R208-6
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 83-1179 du 29 décembre 1983 art. 7 Finances pour 1984
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2000, n° 197857
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:197857.20000623
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award