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23/06/2000 | FRANCE | N°205785

France | France, Conseil d'État, 23 juin 2000, 205785


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE SUD BRETAGNE DIFFUSION, dont le siège est ..., la SOCIETE NORD BRETAGNE DIFFUSION, dont le siège est ... et la SOCIETE LORIENT DIFFUSION, dont le siège est ..., agissant en exécution d'un jugement du 19 janvier 1999 du tribunal de grande instance de Quimper ; la SOCIETE SUD BRETAGNE DIFFUSION et autres demandent au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de l'arrêté en date du 24 septembre 1993 du ministre de la culture fixant la composition de la commission créée

par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ...

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE SUD BRETAGNE DIFFUSION, dont le siège est ..., la SOCIETE NORD BRETAGNE DIFFUSION, dont le siège est ... et la SOCIETE LORIENT DIFFUSION, dont le siège est ..., agissant en exécution d'un jugement du 19 janvier 1999 du tribunal de grande instance de Quimper ; la SOCIETE SUD BRETAGNE DIFFUSION et autres demandent au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de l'arrêté en date du 24 septembre 1993 du ministre de la culture fixant la composition de la commission créée par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle et de la décision en date du 22 décembre 1993 de ladite commission, relative au barème de la rémunération due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes par les services privés de radiodiffusion sonore et de déclarer que l'arrêté ministériel et la décision de la commission susvisés sont entachés d'illégalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;
Vu la loi n° 93-924 du 20 juillet 1993 ;
Vu le décret n° 47-233 du 23 janvier 1947 autorisant les ministres à déléguer par arrêté leur signature, modifié en dernier lieu par le décret n° 87-390 du 15 juin 1987 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Auditeur,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de la culture et de la communication :
Sur la légalité de l'arrêté du 24 septembre 1993 du ministre de la culture fixant la composition de la commission prévue par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 23 janvier 1947, modifié par le décret n° 87-390 du 15 juin 1987 : "Les ministres et secrétaires d'Etat peuvent donner délégation pour signer tous actes individuels ou réglementaires, à l'exception des décrets, ainsi que toutes ordonnances de paiement, de virement ou de délégation et tous ordres de recettes : 1° Aux directeurs, directeurs adjoints et chefs de leur cabinet en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'a pas été donnée à l'une des personnes mentionnées au 2° ci-dessous ; 2° Aux directeurs, chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs de leur administration centrale en ce qui concerne les affaires des services relevant de leur autorité" ;
Considérant que M. Hubert X..., directeur de cabinet du ministre de la culture et de la francophonie, a reçu délégation de ce ministre, par arrêté du 5 avril 1993, à l'effet de signer au nom du ministre tous actes ou décisions, à l'exclusion des décrets ; que le ministre de la culture et de la francophonie a également donné délégation de signature, par arrêté du 7 juin 1993, à Mme Francine Y..., directeur de l'administration générale, à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 25 juin 1990 relatif à l'organisation de la direction de l'administration générale : "La sous-direction des affaires juridiques ... coordonne l'élaboration et concourt à l'application des textes législatifs et réglementaires, notamment ceux relatifs à la propriété littéraire et artistique, et aux professions artistiques" ; que cet arrêté n'a pas pour effet de conférer à la direction de l'administration générale une compétence exclusive pour l'élaboration des textes relatifs à la propriété littéraire et artistique, et aux professions artistiques ; qu'a cet égard, l'arrêté du 21 septembre 1989 relatif à l'organisation de la direction de la musique et de la danse dispose dans son article 1er que cette direction traite "de la politique du ministère dans le domaine des industries et des métiers de la musique, et de l'audiovisuel en liaison avec les autres administrations concernées", et prévoit la participation de ladite direction à l'élaboration des textes relatifs à la propriété littéraire et artistique, et aux professions artistiques ; que, par suite et en application du décret précité, M. Hubert X..., directeur de cabinet, était compétent pour signer au nom du ministre de la culture et de la francophonie l'arrêté en date du 24 septembre 1993 fixant la composition de la commission créée par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle issu de l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985 ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, les utilisations de phonogrammes publiés à des fins de commerce ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs ; qu'aux termes de l'article L. 214-3 dudit code : "Le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d'activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes ..." ; que l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985, ultérieurement codifié sous l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, dispose que : "A défaut d'accord intervenu avant le 30 juin 1986, ou si aucun accord n'est intervenu à l'expiration du précédent accord, le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont arrêtés par une commission présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation et composée, en outre, d'un membre du Conseil d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat, d'une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de la culture et en nombre égal, d'une part, de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à la rémunération, d'autre part, de membres désignés par les organisations représentant les personnes qui, dans la branche d'activité concernée, utilisent les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 214-1. Les organisations appelées à désigner les membres de la commission, ainsi que le nombre des personnes que chacune est appelée à désigner, sont déterminées par arrêté du ministre de la culture" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 86-537 du 14 mars 1986, ultérieurement codifié à l'article R. 214-1 du code précité : "La commission prévue à l'article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 siège soit en formation plénière, soit en formations spécialisées dans une ou plusieurs branches d'activité. Chacune de ces formations est présidée par le président de la commission et comprend un nombre égal de représentants des bénéficiaires du droit à rémunération et de représentants des utilisateurs de phonogrammes" ; qu'enfin, aux termes de l'article 2 du décret du 14 mars 1986, ultérieurement codifié à l'article R. 214-2 du code précité : "La commission comprend douze représentants des organisations de bénéficiaires du droit à rémunération et douze représentants des organisations d'utilisateurs de phonogrammes, désignés dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985" ;

Considérant que l'arrêté attaqué a, en ce qui concerne les représentants des utilisateurs de phonogrammes dans la formation spécialisée dans la radiodiffusion sonore de droit privé, attribué un siège au syndicat des radios généralistes privées pour les services de radiodiffusion sonore visés au troisième alinéa (2°) de l'article 41-3 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, et un siège à l'Union des radios locales privées pour les services de radiodiffusion sonore visés à l'article 29 de cette loi ; que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, les cinq catégories de services définies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur le fondement dudit article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée en vue des appels à candidatures pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre ne constituent pas des branches d'activité distinctes au sens des articles L. 214-3 et L. 214-4 précités du code de la propriété intellectuelle ; que, par suite, le ministre a pu légalement prévoir dans la composition de la commission dont il s'agit un seul siège au titre des services de radiodiffusion sonore visés à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ;
Considérant que les requérants soutiennent que la composition de ladite commission a pour effet d'instaurer un monopole au profit de la société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE) en méconnaissance des articles 85 (devenu article 81 CE), prohibant les ententes qui ont pour objet et pour effet de fausser le libre jeu de la concurrence et sont susceptibles d'affecter les échanges entre les Etats-membres, et 86 (devenu article 82 CE) du Traité instituant la communauté européenne prohibant les abus de position dominante ; que cette composition, qui prévoit, d'une part, une représentation paritaire entre les représentants des utilisateurs de phonogrammes et ceux des artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes, et, d'autre part, la présence de magistrats indépendants, n'est pas, en tout état de cause, de nature à conférer à la société pour la perception de la rémunération équitable la possibilité d'exploiter de façon abusive une position dominante ;
Sur la légalité de la décision en date du 22 décembre 1993 de la commission créée par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle fixant le barème et l'assiette de calcul de la rémunération due au titre de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle :
Considérant que l'absence de négociation préalable, invoquée par les sociétés requérantes, entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant des phonogrammes imposait, en vertu des textes précités, l'intervention de la commission créée par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Considérant qu'en l'absence d'accord spécifique à chacune des branches d'activité dont il s'agit, la commission devait fixer les règles applicables à tous les services de radiodiffusion de la branche considérée en ce qui concerne l'assiette, le taux et les modalités de versement dont il s'agit et pouvait prévoir des abattements déductibles de l'assiette de calcul de la rémunération ;

Considérant que la commission créée par l'article L. 214-4 du code précité, issu de l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985, a pu légalement prévoir par la décision contestée que le taux et l'assiette de calcul de la rémunération due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes seraient identiques pour les services de radiodiffusion sonore visés respectivement aux articles 41-3 et 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ;
Considérant que le principe d'égalité ne s'opposant pas à ce que les dispositions différentes soient appliquées à des situations qui le sont également, la décision susvisée en date du 22 décembre 1993 a pu, sans violer ledit principe, prévoir que serait déduit de l'assiette de calcul de la rémunération due un abattement de 22 % pour les services qui réalisent et diffusent, à des heures significatives, au moins cinq heures par jour de programmes d'intérêt local non musicaux produits par un personnel rémunéré par le service, dès lors que cette disposition est justifiée par une différence dans la situation des bénéficiaires ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête des SOCIETES SUD BRETAGNE DIFFUSION, NORD BRETAGNE DIFFUSION et LORIENT DIFFUSION doit être rejetée ;
Article 1er : La requête des SOCIETES SUD BRETAGNE DIFFUSION, NORD BRETAGNE DIFFUSION et LORIENT DIFFUSION est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SUD BRETAGNE DIFFUSION, à la SOCIETE NORD BRETAGNE DIFFUSION, à la SOCIETE LORIENT DIFFUSION et au ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 205785
Date de la décision : 23/06/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de légalité

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - DELEGATIONS - SUPPLEANCE - INTERIM - DELEGATION DE SIGNATURE.

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Références :

Code de la propriété intellectuelle L214-4, L214-1, L214-3, R214-1, R214-2
Décret 47-233 du 23 janvier 1947 art. 1
Décret 86-537 du 14 mars 1986 art. 1, art. 2
Décret 87-390 du 15 juin 1987
Loi du 03 juillet 1985 art. 24
Loi 86-1067 du 30 septembre 1986 art. 41-3, art. 29, art. 85, art. 81, art. 82
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 85, art. 86 (art. 81, art. 82)


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2000, n° 205785
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Le Bihan-Graf
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:205785.20000623
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