Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 novembre 1996 et 28 février 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES COMMUNES RIVERAINES DU LAC D'ANNECY, dont le siège est sis au ... ; le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES COMMUNES RIVERAINES DU LAC D'ANNECY demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 24 septembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 7 avril 1992 du tribunal administratif de Grenoble rejetant la requête formée par l'Association des propriétaires riverains du lac d'Annecy et MM. A..., B...
Z..., X... et Y... à l'encontre de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 23 janvier 1992 portant déclaration d'utilité publique et l'a condamné à verser aux intéressés la somme de 5 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES COMMUNES RIVERAINES DU LAC D'ANNECY et de Me Cossa, avocat de l'Association des propriétaires riverains du lac d'Annecy et autres,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'après avoir relevé que le projet, déclaré d'utilité publique par un arrêté du 23 janvier 1992 du préfet de la Haute-Savoie, d'acquisition par la commune de Veyrier-du-Lac de terrains en vue de réaliser la voie dite "avenue du Général Doyen" et de permettre la création d'un espace vert et d'une aire de jeux au lieu-dit "La Chapelle", avait pour seul objet de régulariser la maîtrise par la commune de la totalité de l'assiette d'une voie existante, la cour a jugé que "ces circonstances doivent être regardées en l'espèce comme constitutive d'un détournement de pouvoir" ; que, si la cour pouvait, en l'absence de dénaturation des faits, apprécier souverainement l'existence d'un détournement de pouvoir, elle ne pouvait légalement le déduire de la seule circonstance que la commune poursuivait le but de régulariser une emprise irrégulière sur une voie privée sans avoir recherché si l'opération répondait à un but d'intérêt général ; que, par suite, son arrêt est entaché d'erreur de droit et doit être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "Lorsque les conclusions du commissaire ou de la commission chargée de l'enquête sont favorables, l'utilité publique peut, dans les cas autres que ceux énumérés à l'article R. 11-2, être déclarée : ( ...) 3° Par arrêté du préfet du lieu des immeubles concernés par l'opération ( ...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire-enquêteur a donné un avis favorable au projet sous réserve que l'avenue du Général Doyen reste piétonne et que l'environnement soit préservé ; que la première de ces réserves a été levée dans le projet déclaré d'utilité publique ; que la seconde remarque énoncée par le commissaire-enquêteur constitue non une réserve mais une simple recommandation qui n'affecte pas le sens favorable de son avis ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie était compétent, en application des dispositions précitées, pour déclarer par arrêté l'utilité publique du projet litigieux ;
Considérant que l'article 1er des statuts du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES COMMUNES RIVERAINES DU LAC D'ANNECY lui donne notamment pour mission "d'équiper le lac et ses abords ( ...) (études générales, zones d'accueil, centres nautiques ou sportifs, voies d'accès au lac ( ...)" ; que l'opération déclarée d'utilité publique par l'arrêté préfectoral du 23 janvier 1992 entrait dans cette mission et, la commune de Veyrier-du-Lac ayant, par convention, concédé audit syndicat l'aménagement du lac et de ses abords, le syndicat pouvait être désigné comme bénéficiaire de l'expropriation ;
Considérant que le dossier d'enquête doit mettre le public en mesure de connaître le coût réel de l'opération tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à la date de l'enquête ; que la circonstance que le coût de l'opération a dépassé celui qui était prévu dans l'estimation sommaire des dépenses est sans influence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette estimation ait été, à la date à laquelle elle a été faite, entachée d'erreurs de nature à vicier la procédure ;
Considérant que s'il est constant que la réalisation par la commune de Veyrier-du-Lac sur les terrains privés qui longent l'avenue du Général Doyen d'une voie goudronnée sur laquelle ont été installés des réseaux publics a constitué une emprise irrégulière, d'ailleurs constatée par un jugement du 3 mars 1992 du tribunal de grande instance d'Annecy, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Chambéry en date du 15 février 1994 condamnant la commune de Veyrier-du-Lac à indemniser les propriétaires en raison de cette emprise irrégulière, cette circonstance n'était pas de nature à priver la commune du droit d'acquérir les terrains en cause par la voie de l'expropriation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération ait été engagée dans le but de faire échec aux décisions de justice susmentionnées ;
Considérant que le projet litigieux a pour objet, d'une part, de maintenir ouverte à la circulation du public une voie partiellement installée sur des terrains privés, mais dont l'aménagement a été effectué par la commune qui en assure l'entretien et la gestion, et, d'autre part, d'acquérir les terrains indispensables à l'aménagement d'un parc public et d'une aire de jeux ; que ce projet répond ainsi à un but d'intérêt général ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à la configuration des lieux, la commune ait disposé de terrains de nature à permettre l'exécution de cette opération dans des conditions équivalentes ; que la circonstance que les riverains avaient élaboré un projet différent pour l'aménagement de la voie est sans influence sur l'utilité publique de l'opération ; que les atteintes très limitées à la propriété privée, les coûts financiers modestes et l'impact modéré du projet sur l'environnement au regard notamment des dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Association des propriétaires riverains du lac d'Annecy, M. A... et M. C... ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 23 janvier 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Association des propriétaires riverains du lac d'Annecy, M. A... et M. C... à payer au SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES COMMUNES RIVERAINES DU LAC D'ANNECY la somme de 18 090 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, ces dispositions font obstacle à ce que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES COMMUNES RIVERAINES DU LAC D'ANNECY, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à l'Association des propriétaires riverains du lac d'Annecy, à M. A... et à M. C... la somme qu'ils demandent au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 24 septembre 1996 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association des propriétaires riverains du lac d'Annecy, M. A... et M. C... devant la cour administrative d'appel de Lyon et leurs conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES COMMUNES RIVERAINES DU LAC D'ANNECY tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES COMMUNES RIVERAINES DU LAC D'ANNECY, à l'association des propriétaires riverains du lac d'Annecy, à M. Roland A..., à M. Daniel C... et au ministre de l'intérieur.