Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 juin 1998 et le mémoire complémentaire, enregistré le 26 octobre 1998, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a accordé à l'E.A.R.L. "La Cherre", dont le siège est ... Labouheyre, décharge de la cotisation de taxe de défrichement à laquelle elle avait été assujettie par avis de mise en recouvrement du 12 décembre 1990 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code forestier ;
Vu la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de l'E.A.R.L. "La Cherre",
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-1 du code forestier : "Une taxe est due à l'occasion de toute décision autorisant un défrichement ..." ; qu'aux termes de l'article L. 314-4 du même code : "Sont toutefois exemptés de la taxe, les défrichements de terrains situés ... en zones défavorisées, lorsqu'ils ont pour objet l'installation d'un jeune agriculteur ou l'agrandissement d'une exploitation dans la limite de trois fois la surface minimum d'installation" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que l'E.A.R.L. "La Cherre", dont Mme Y... est l'unique associée et la gérante, a, le 29 novembre 1990 été autorisée à procéder à un défrichement ayant pour objet l'agrandissement d'une exploitation située dans une zone défavorisée, sans que la limite de trois fois la surface minimum d'installation soit de ce fait dépassée ; qu'elle a, néanmoins, été assujettie à la taxe de défrichement, pour un montant de 152 255 F, l'administration lui refusant le bénéfice de l'exemption prévue à l'article L. 314-4 précité du code forestier en se fondant sur la circonstance que l'époux de X... Van Heeswyck exploitait par ailleurs, un fonds agricole dont la superficie excédait déjà, à elle seule, la limite fixée par ledit article, et sur les dispositions de l'article 23 de la loi d'orientation agricole du 4 juillet 1980, alors en vigueur, aux termes desquelles : " ... L'exploitation par chacun des époux d'un fonds agricole séparé ne peut avoir pour effet de les placer dans une situation plus favorable, en ce qui concerne leurs statuts économique, social et fiscal, que celle dont ils bénéficieraient s'ils exploitaient ensemble un fonds équivalant à la réunion de leurs deux exploitations" ;
Considérant qu'eu égard à son objet et à son champ d'application, la législation relative à la taxe de défrichement ne constitue pas un élément spécifique du "statut" des exploitants agricoles, au sens des dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 4 juillet 1980 ; que, par suite, en jugeant que ces dispositions ne pouvaient avoir pour effet de justifier, pour l'application de l'exemption prévue à l'article L. 314-4 du code forestier, que soient éventuellement prises en compte les superficies cumulées de deux fonds distincts et séparément exploités par des époux, la cour administrative d'appel a, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, fait une exacte appréciation de la portée desdites dispositions ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à demander que l'arrêt attaqué, par lequel la cour administrative d'appel a déchargé l'E.A.R.L. "La Cherre" de la taxe litigieuse, soit annulé ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, d'ordonner que l'Etat versera à l'E.A.R.L. "La Cherre", au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, la somme de 15 000 F ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à l'E.A.R.L. "La Cherre", au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 15 000 F.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à l'E.A.R.L. "La Cherre".