La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2000 | FRANCE | N°211624

France | France, Conseil d'État, 1 / 2 ssr, 28 juillet 2000, 211624


Vu la requête, enregistrée le 17 août 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DE L'HERAULT, représenté par le président en exercice du conseil général ; le DEPARTEMENT DE L'HERAULT demande que le Conseil d'Etat annule la décision en date du 18 mars 1999 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de l'Hérault en date du 18 février 1997, ensemble la décision de la commission d'aide sociale en date du 4 avril 1996, décidant la récupération à l'encontre de Mm

e X... Colette, de M. Roger Y..., de Mme Maryse Z..., de M. Daniel Y....

Vu la requête, enregistrée le 17 août 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DE L'HERAULT, représenté par le président en exercice du conseil général ; le DEPARTEMENT DE L'HERAULT demande que le Conseil d'Etat annule la décision en date du 18 mars 1999 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de l'Hérault en date du 18 février 1997, ensemble la décision de la commission d'aide sociale en date du 4 avril 1996, décidant la récupération à l'encontre de Mme X... Colette, de M. Roger Y..., de Mme Maryse Z..., de M. Daniel Y..., de M. Christian Y..., de M. William Y..., en leur qualité de donataires, de l'allocation compensatrice pour tierce personne versée à leur mère Mme Elise Y..., donatrice, pour la période du 15 janvier 1988 au 31 octobre 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, d'après le premier alinéa de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale relatif à la récupération des allocations d'aide sociale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997, des recours peuvent être exercés par le département dans les hypothèses suivantes : "a) Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; b) Contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande ; c) Contre le légataire" ;
Considérant que ces dispositions sont applicables à la récupération d'une allocation compensatrice instituée par l'article 39 de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, qui figure au nombre des prestations d'aide sociale ; que le II de l'article 39 de la loi précitée énonce qu'il n'est exercé aucun recours en récupération "à l'encontre de la succession du bénéficiaire décédé" lorsque ses héritiers sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante la charge du handicapé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, saisi par le DEPARTEMENT DE L'HERAULT d'une demande en récupération de prestations d'aide sociale dirigée contre les six enfants de Mme Y..., au titre de l'allocation compensatrice accordée à leur mère depuis le 15 janvier 1988, la commission d'admission à l'aide sociale de Bédarieux a, par une décision du 4 avril 1996, autorisé la récupération à l'encontre des six enfants de Mme Y..., dans la limite du tiers de la valeur de la donation évaluée à 56 787,50 F, intervenue à leur profit en mars et avril 1987 ;
Considérant que la commission départementale d'aide sociale de l'Hérault, statuant sur le recours introduit par le département, a, le 18 février 1997, porté le montant de la récupération à la valeur de la donation ; que, saisie en appel par plusieurs enfants de Mme Y..., la commission centrale d'aide sociale, après avoir relevé dans sa décision en date du 18 mars 1999, que les conditions prévues au b) de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale pour la récupération sur les donataires étaient réunies, a estimé néanmoins, que, Mme Y... étant décédée le 13 janvier 1997, soit moins de 10 ans après la donation, il y avait lieu de rapporter les biens ayant fait l'objet de la donation à sa succession et, par suite, de faire application à la demande de récupération des dispositions du a) de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale concernant la succession et en a déduit, sur le fondement des dispositions précitées du II de l'article 39 de la loi du 30 juin 1975 qu'aucune action en récupération ne pouvait être engagée à l'encontre des enfants de Mme Y... ;

Considérant que si, en vertu de l'article 1077 du code civil, les biens reçus par les descendants au titre d'une donation-partage constituent un avancement d'hoirie imputable sur leur part de réserve et si l'article 784 du code général des impôts prévoit que les droits de mutation sont calculés en ajoutant à la valeur des biens compris dans la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures à l'exception de celles passées depuis plus de dix ans, il ne résulte pas de ces dispositions qu'une action en récupération engagée contre les bénéficiaires d'une donation-partage doit, dans l'hypothèse où le donateur décède moins de dix ans après la donation, être regardée comme fondée sur les dispositions du a) de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale concernant la succession ; qu'ainsi, la décision de la commission centrale d'aide sociale en date du 18 mars 1999 est entachée d'une erreur de droit et doit, dès lors, être annulée ;
Considérant qu'en vertu de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans lescirconstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la situation financière de MM. Daniel et Roger Y... et Mme Maryse Z..., auteurs de l'appel interjeté à l'encontre la décision de la commission départementale d'aide sociale en date du 18 février 1997, ne leur permet pas de participer au remboursement de la dette d'aide sociale résultant du versement de l'allocation compensatrice à leur mère ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ladite décision ainsi que la décision de la commission d'admission à l'aide sociale du 4 avril 1996, en tant qu'elles concernent les trois personnes dont s'agit ;
Article 1er : La décision de la commission centrale d'aide sociale en date du 18 mars 1999 est annulée.
Article 2 : La décision de la commission départementale d'aide sociale en date du 18 février 1997 et de la commission d'admission à l'aide sociale de Bédarieux du 4 avril 1996 sont annulées en tant qu'elles concernent MM. Daniel et Roger Y... et Mme Z....
Article 3 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE L'HERAULT, à MM. Daniel et Roger Y..., à Mme Maryse Z... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 211624
Date de la décision : 28/07/2000
Sens de l'arrêt : Annulation renvoi
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

04 AIDE SOCIALE -CAActions en récupération - Article 146 a) du code de la famille et de l'aide sociale - Champ d'application - Exclusion - Récupération sur donation-partage.

04 Si, en vertu de l'article 1077 du code civil, les biens reçus par les descendants au titre d'une donation-partage constituent un avancement d'hoirie imputable sur leur part de réserve et si l'article 784 du code général des impôts prévoit que les droits de mutation sont calculés en ajoutant à la valeur des biens compris dans la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures à l'exception de celles passées depuis plus de dix ans, il ne résulte pas de ces dispositions qu'une action en récupération engagée contre les bénéficiaires d'une donation-partage doit, dans l'hypothèse où le donateur décède moins de dix ans après la donation, être regardée comme fondée sur les dispositions du a) de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale concernant la récupération sur une succession.


Références :

CGI 784
Code civil 1077
Code de la famille et de l'aide sociale 146
Instruction du 18 février 1997
Loi 75-534 du 30 juin 1975 art. 39
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 97-60 du 24 janvier 1997


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2000, n° 211624
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Lafouge
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:211624.20000728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award