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28/07/2000 | FRANCE | N°211872

France | France, Conseil d'État, 3 / 8 ssr, 28 juillet 2000, 211872


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 27 août et le 8 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME LAPALUN, ayant son siège à Petit Bourg, à Rivière Salée (97215), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE ANONYME LAPALUN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 19 juillet 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 19 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté comme irrec

evable la demande de l'association de défense du patrimoine martiniquais e...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 27 août et le 8 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME LAPALUN, ayant son siège à Petit Bourg, à Rivière Salée (97215), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE ANONYME LAPALUN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 19 juillet 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 19 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté comme irrecevable la demande de l'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés tendant à l'annulation de l'autorisation de lotir délivrée par le maire de Ducos, le 16 juin 1997, à la SOCIETE ANONYME LAPALUN ;
2°) de rejeter la requête présentée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux par l'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Séners, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE ANONYME LAPALUN,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme : "En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif./ La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du référé ou du recours ( ...)" ; qu'aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : "Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission ( ...)" ; qu'enfin aux termes de l'article L. 2131-8 du code général des collectivités territoriales : "Sans préjudice du recours direct dont elle dispose, si une personne physique ou morale est lésée par un acte mentionné aux articles L. 2131-2 et L. 2131-3, elle peut, dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'acte est devenu exécutoire, demander au représentant de l'Etat dans le département de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 2131-6" ;
Considérant que la saisine du préfet sur le fondement des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, par une personne qui s'estime lésée par un acte d'une collectivité locale, si elle a été formée dans le délai du recours contentieux ouvert contre cet acte, a pour effet de proroger ce délai jusqu'à l'intervention de la décision explicite ou implicite par laquelle le préfet se prononce sur la demande dont il s'agit ; que, dès lors, une telle saisine doit être regardée comme un recours administratif au sens de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme et être notifiée par son auteur, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement, à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ANONYME LAPALUN est fondée à soutenir qu'en jugeant que la saisine du préfet sur le fondement des dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ne constitue pas un recours au sens de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il est constant que la demande adressée au préfet de la Martinique, le 30 juin 1997, par l'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés, tendant à ce que le préfet défère au tribunal administratif l'autorisation de lotir délivrée le 16 juin 1997 à la SOCIETE ANONYME LAPALUN par le maire de Ducos, n'a pas été notifiée à l'auteur et au bénéficiaire de cette autorisation dans les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme ; que, par suite, en application de ces dispositions, le recours contentieux présenté par l'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés devant le tribunal administratif de Fort-de-France, le 6 octobre 1997, après l'expiration du délai de recours contentieux ouvert contre l'autorisation de lotir, était irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de l'autorisation de lotir ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Ducos, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à l'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés à payer à la SOCIETE ANONYME LAPALUN, d'une part, et à la commune de Ducos, d'autre part, une somme de 5 000 F chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 19 juillet 1999 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par l'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : L'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés versera à la SOCIETE ANONYME LAPALUN et à la commune de Ducos une somme de 5 000 F chacune au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME LAPALUN , à l'association de défense du patrimoine martiniquais et des mal logés, à la commune de Ducos et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 3 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 211872
Date de la décision : 28/07/2000
Sens de l'arrêt : Annulation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 - RJ2 COLLECTIVITES TERRITORIALES - DISPOSITIONS GENERALES - CONTROLE DE LA LEGALITE DES ACTES DES AUTORITES LOCALES - DEFERE PREFECTORAL - CASaisine du préfet par une personne lésée afin qu'il défère l'acte - Document d'urbanisme ou décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme - Obligation de notifier la saisine à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation (article L - 600-3 du code de l'urbanisme) - Existence.

135-01-015-02, 54-01, 68-06-01 La saisine du préfet, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2131-8 du code général des collectivités territoriales, par une personne qui s'estime lésée par un acte d'une collectivité locale, si elle a été formée dans le délai de recours contentieux ouvert contre cet acte, a pour effet de prolonger ce délai jusqu'à l'intervention de la décision explicite ou implicite par laquelle le préfet se prononce sur la demande dont il s'agit (1). Dès lors, une telle saisine doit être regardée comme un recours administratif au sens de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme et être notifié par son auteur, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement, à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation (2).

- RJ1 - RJ2 PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - CAObligation de notifier le recours contentieux ou administratif formé à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation (article L - 600-3 du code de l'urbanisme) - Champ d'application - Inclusion - Saisine du préfet afin qu'il défère l'acte.

- RJ1 - RJ2 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - CAObligation de notifier le recours contentieux ou administratif formé à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation (article L - 600-3 du code de l'urbanisme) - Champ d'application - Inclusion - Saisine du préfet afin qu'il défère l'acte.


Références :

Code de l'urbanisme L600-3
Code général des collectivités territoriales L2131-6, L2131-8
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. Section, 1991-01-25, Brasseur, p. 23. 2.

Rappr. Avis, 1996-05-06, Andersen, p. 150


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2000, n° 211872
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Séners
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:211872.20000728
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