Vu la requête enregistrée le 22 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 mai 1999, par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... de Jesus Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que si M. Y... soutient que, depuis son entrée en France en 1988, il vit en couple avec un ressortissant colombien, qui a bénéficié d'une mesure de régularisation en 1991 et qui est titulaire d'une carte de résident, il ne conteste pas avoir conservé des liens familiaux en Colombie ; qu'il ne produit, en outre, aucun document établissant son insertion durable dans la société française ; qu'il résulte ainsi des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE n'a pas porté aux droits de l'intéressé au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité colombienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 mai 1998, de la décision du 7 mai 1998 par laquelle le PREFET DE POLICE a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans l'un des cas dans lesquels en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle une carte de séjour lui a été refusée, M. Y... résidait en France habituellement depuis plus de quinze ans ; qu'il ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 12 bis 3° et 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, qui estpostérieure à la décision lui refusant un titre de séjour ainsi que celles de la circulaire du 24 juin 1997 qui n'ont pas de valeur réglementaire ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision du 7 mai 1998 lui refusant un titre de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ;
Considérant, enfin, que si M. Y..., dont les demandes tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié ont été rejetées par la juridiction compétente, soutient qu'un retour dans son pays d'origine comporterait pour lui des risques, ces allégations ne sont, en tout état de cause, pas assorties de précisions ni de justifications de nature à en établir le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 15 mai 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. X... de Jesus Y... et au ministre de l'intérieur.