La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2000 | FRANCE | N°217312

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 28 juillet 2000, 217312


Vu la requête enregistrée le 11 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 janvier 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 7 janvier 2000 décidant la reconduite à la frontière de M. Djelloul X... ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de cet arrêté que M. X... a présentée devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres p

ièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'...

Vu la requête enregistrée le 11 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 janvier 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 7 janvier 2000 décidant la reconduite à la frontière de M. Djelloul X... ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de cet arrêté que M. X... a présentée devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Delion, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Djelloul X..., qui est de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 17 septembre 1999, de la décision du 15 septembre 1999 par laquelle le PREFET DE L'ESSONNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire dans un délai d'un mois ; qu'il entrait, dès lors, dans le champ d'application des dispositions précitées ;
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X..., qui est entré en France en mars 1994 sous couvert d'un visa de court séjour fait valoir qu'il est marié depuis le 13 août 1994 avec une ressortissante algérienne qui séjourne régulièrement sur le territoire français où elle a vécu, en partie, depuis 1968 et que deux enfants sont nés de cette union, dont l'un en France, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la possibilité offerte à son épouse, mais que celle-ci n'a pas utilisée, de présenter une demande tendant au bénéfice du regroupement familial, en l'absence de toute impossibilité pour l'intéressé d'emmener avec lui en Algérie son épouse et ses enfants, qui ont la nationalité algérienne, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, par suite, à tort que, pour annuler l'arrêté contesté, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... fait valoir l'ensemble des circonstances susmentionnées tenant à sa vie familiale ; que celles-ci ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 : "Dans toutes lesdécisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, ces stipulations n'ont pas été méconnues par la décision attaquée ;
Considérant, en troisième lieu, que M. X... ne peut se prévaloir utilement des stipulations des articles 7 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits à leurs ressortissants ;
Considérant que si M. X... se prévaut, enfin, par voie d'exception de ce que la décision rejetant sa demande de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'entre pas dans le champ d'application desdites dispositions ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'il ressort des termes de la notification de l'arrêté litigieux que celui-ci doit être regardé comme comportant une mesure distincte fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite de M. X... ;
Considérant que si, à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette décision, M. X... soutient qu'en raison de son appartenance au Front des forces socialistes, son retour en Algérie lui ferait courir des risques importants, il n'a fourni à l'appui de ces allégations aucune précision de nature à établir qu'il serait exposé en Algérie à des risques personnels ; que M. X... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient, en l'espèce, été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à demander l'annulation du jugement du 20 janvier 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 7 janvier 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 20 janvier 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Versailles par M. Djelloul X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ESSONNE, à M. Djelloul X... et auministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 217312
Date de la décision : 28/07/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 07 janvier 2000
Décret 90-917 du 08 octobre 1990
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2000, n° 217312
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Delion
Rapporteur public ?: M. Touvet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:217312.20000728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award