La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/09/2000 | FRANCE | N°217553

France | France, Conseil d'État, 10 ss, 04 septembre 2000, 217553


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA CORREZE ; le PREFET DE LA CORREZE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 21 janvier 2000 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a annulé ses arrêtés en date du 31 décembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Sada Y... et désignant l'Algérie comme pays de destination ;
2°) rejette les demandes présentées par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Limoges ;
Vu les autres

pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits d...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA CORREZE ; le PREFET DE LA CORREZE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 21 janvier 2000 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a annulé ses arrêtés en date du 31 décembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Sada Y... et désignant l'Algérie comme pays de destination ;
2°) rejette les demandes présentées par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Limoges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévy, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de l'appel :
Considérant que M. X..., secrétaire général de la préfecture de la Corrèze, a reçu délégation de signature du PREFET DE LA CORREZE, par un arrêté en date du 15 novembre 1999, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture en date du 15 novembre 1999, pour signer, notamment, les appels formés devant le Conseil d'Etat contre des jugements statuant sur des demandes dirigées contre des arrêtés de reconduite à la frontière et de désignation du pays de destination ; que la requête signée par délégation par M. X... le 15 février 2000 est, par suite, recevable ;
Sur les conclusions du PREFET DE LA CORREZE :
Considérant que, pour annuler par le jugement attaqué l'arrêté en date du 31 décembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y..., le président du tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour annuler, par le même jugement, l'arrêté de même date désignant l'Algérie comme pays de destination, il s'est fondé sur la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Y..., née en 1954, célibataire et sans enfant, est entrée en France le 3 avril 1999 sous couvert d'un visa touristique de trente jours ; que, si elle fait état de ce qu'elle ne conserve pas d'attaches familiales en Algérie depuis le décès de ses parents et la disparition d'un de ses frères, de la nationalité française d'un autre de ses frères, décédé, et de la présence en France de sa soeur et de ses deux autres frères, de leurs conjoints, enfants et petits enfants, dont une grande partie de nationalité française, ainsi que de son mariage religieux, le 11 septembre 1999, avec un ressortissant français et ancien combattant d'Algérie, qu'elle envisage d'épouser civilement lorsque son divorce sera définitivement prononcé et si elle évoque, enfin, les soins qu'elle apporte à sa soeur, malade, l'arrêté en date du 31 décembre 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas, compte tenu de la très brève durée et des conditions de son séjour en France, de son absence de mariage civil et du caractère récent de son concubinage comme des effets d'une mesure de reconduite à la frontière, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il est intervenu ; que le PREFET DE LA CORREZE est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur la méconnaissance de ces stipulations pour l'annuler ;

Considérant, d'autre part, que pour justifier les craintes pour sa vie et sa sécurité qu'elle déclarait éprouver en cas de retour en Algérie, Mlle Y... se prévalait de sa situation de femme célibataire et de la qualité d'ancien combattant de son futur époux ; que, toutefois, la seule situation de femme célibataire ne suffit pas à justifier des risques qu'encourrait personnellement Mlle Y..., qui ne fournit pas, par ailleurs, d'éléments suffisants pour établir qu'elle serait exposée à de tels risques en raison de l'union qu'elle a contractée ; que le PREFET DE LA CORREZE est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Limoges a, en se fondant sur la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegardedes droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, annulé son arrêté du 31 décembre 1999 désignant l'Algérie comme pays de destination de Mlle Y... ;
Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens formulés devant le tribunal administratif de Limoges et en appel au soutien des conclusions de Mlle Y... dirigées contre les deux décisions du 31 décembre 1999 ;
Considérant que M. X..., secrétaire général de la préfecture de la Corrèze, avait reçu par arrêté du PREFET DE LA CORREZE en date du 15 novembre 1999 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture en date du 15 novembre 1999 délégation pour signer tant des arrêtés de reconduite à la frontière que des arrêtés fixant le pays de destination ; qu'ainsi les moyens tirés de son incompétence pour signer les arrêtés du 31 décembre 1999 ne sauraient être accueillis ;
Considérant que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mlle Y..., en bénéficiant de l'ensemble des garanties prévues par les articles 22 et 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, et, notamment, du droit à un recours suspensif, n'a pas été privée du droit à un recours effectif prévu par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle ne saurait utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du protocole n° 7 à cette convention, qui ne sont applicables qu'aux étrangers résidant légalement sur le territoire d'un Etat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du PREFET DE LA CORREZE en date du 7 mai 1999 refusant l'admission au séjour de Mlle Y... et l'invitant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois lui a été notifiée le 10 mai 1999 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté du 31 décembre 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière est entaché d'erreur de fait en énonçant qu'elle n'a pas déféré dans le délai prescrit à cette invitation et entrait, ainsi, dans le champ du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, manque en fait ;
Considérant, enfin, que, dans les circonstances de fait ci-dessus rappelées, le PREFET DE LA CORREZE n'a pas, en ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y..., entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de celle-ci ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA CORREZE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet des demandes présentées par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Limoges ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 21 janvier 2000 est annulé.
Article 2 : Les demandes de Mlle Y... devant le tribunal administratif de Limoges sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA CORREZE, à Mlle Sada Y... et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 15 novembre 1999
Arrêté du 31 décembre 1999
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 27 bis, art. 22, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation: CE, 04 sep. 2000, n° 217553
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lévy
Rapporteur public ?: Mme Maugüé

Origine de la décision
Formation : 10 ss
Date de la décision : 04/09/2000
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 217553
Numéro NOR : CETATEXT000008071844 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2000-09-04;217553 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award