Vu la requête enregistrée le 20 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Albert X... demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 septembre 1998 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux du 1er septembre 1998, tendant à ce que soit rapportée la décision du 13 août 1998 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice lui a refusé l'autorisation de participer aux épreuves du concours exceptionnel de recrutement de magistrats permettant l'accès aux fonctions de conseiller de cour d'appel du premier groupe du premier grade de la hiérarchie judiciaire-session 1998 ;
2°) d'annuler les opérations relatives audit concours et les nominations intervenues à la suite de celui-ci ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée ;
Vu la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 ;
Vu la loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Benassayag, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre le refus d'admission à concourir opposé à M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi organique du 24 février 1998 : "A titre exceptionnel, un recrutement par concours de magistrats du premier groupe du premier grade de la hiérarchie judiciaire appelés à exercer directement les fonctions de conseiller de cour d'appel est autorisé dans la limite de dix postes au cours de l'année 1998 et dix postes au cours de l'année 1999. Les candidats doivent être âgés de cinquante ans au moins au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours, justifier à cette date de quinze ans d'activité professionnelle et remplir les autres conditions mentionnées à l'article 1er" et qu'aux termes de l'article 1er de la même loi : "Les candidats doivent être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat, que ce diplôme soit national ou reconnu par l'Etat, ou d'un diplôme délivré par un Etat membre de la Communauté européenne et considéré comme équivalent par le ministre de la justice après avis d'une commission ou d'un diplôme délivré par un institut d'études politiques ou d'un certificat attestant la qualité d'ancien élève d'une école normale supérieure ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'article 76 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature que la limite d'âge pour les magistrats de l'ordre judiciaire est fixée à soixante-cinq ans ; qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier la conformité de ces dispositions de valeur législative à des dispositions de valeur constitutionnelle ; que la fixation d'une telle limite d'âge n'est pas incompatible avec les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. X..., qui n'a pas la qualité de magistrat, n'est pas justiciable des dispositions combinées des articles 1er et 3 de la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 qui prévoient la possibilité de maintenir en activité au-delà de la limite d'âge de soixante-cinq ans les magistrats dans les fonctions de conseiller, de substitut général, de juge ou de substitut ; que, dans ces conditions, et eu égard au fait que M. X... était âgé de plus de soixante-cinq ans au 1er janvier 1998, le garde des sceaux, ministre de la justice était tenu de faire application à l'intéressé de la limite d'âge fixée par l'article 76 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et qui s'impose tant aux membres du corps judiciaire en fonction qu'aux candidats aux différentes voies de recrutement dans le corps judiciaire et notamment au recrutement organisé par la loi organique du 24 février 1998 ;
Considérant que, dès lors que l'autorité administrative se trouvait, comme il vient d'être vérifié, en situation de compétence liée pour opposer à l'intéressé un refus d'admission à concourir, le moyen tiré de ce que cette mesure émanerait d'une autorité incompétente ne peut qu'être rejeté car il est inopérant ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des résultats du concours de recrutementexceptionnel pour l'accès aux fonctions de conseiller de cour d'appel du second grade organisé au titre de l'année 1998 :
Considérant que l'annulation des résultats du concours n'est demandée que par voie de conséquence de l'illégalité prétendue du refus d'admission à concourir opposé au requérant ; que cette illégalité n'étant pas établie, les conclusions à fin d'annulation des résultats du concours ne peuvent qu'être écartées ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Albert X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.