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16/10/2000 | FRANCE | N°213958

France | France, Conseil d'État, 7 / 5 ssr, 16 octobre 2000, 213958


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 29 octobre et 15 novembre 1999, présentés pour la Société STEREAU dont le siège social est ... (78435) ; la Société STEREAU demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 13 octobre 1999 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon, statuant en application de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a, à la demande de la société OTV et de la société Deg

remont, suspendu la passation du marché de conception-réalisation en vue...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 29 octobre et 15 novembre 1999, présentés pour la Société STEREAU dont le siège social est ... (78435) ; la Société STEREAU demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 13 octobre 1999 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon, statuant en application de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a, à la demande de la société OTV et de la société Degremont, suspendu la passation du marché de conception-réalisation en vue de la modernisation de la station d'épuration de Pierre-Bénite lancée par la communauté urbaine de Lyon et enjoint à la communauté urbaine de Lyon de reprendre l'ensemble de la procédure d'appel d'offres pour la modernisation de la station d'épuration ;
2°) de condamner les sociétés OTV et Degremont à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Edouard Philippe, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la Société STEREAU, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société Degrémont, et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la communauté urbaine de Lyon,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif, ou son délégué, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. /Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement ( ...). /Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du marché ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. ( ...) /Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés" ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les sociétés Degrémont et OTV ont demandé au président du tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'ensemble des mesures intervenues au cours de la procédure de passation du marché de conception-réalisation qu'envisage de conclure la communauté urbaine de Lyon pour la modernisation de la station d'épuration de Pierre-Bénite et, d'autre part, d'ordonner à la communauté urbaine de Lyon de lancer un nouvel appel d'offres ; que, par une ordonnance du 13 octobre 1999, le président délégué du tribunal administratif de Lyon a suspendu la passation dudit marché et enjoint à la communauté urbaine de Lyon de reprendre l'ensemble de la procédure d'appel d'offres ; que la Société STEREAU, dont l'offre avait été retenue par la communauté urbaine de Lyon, demande l'annulation de cette ordonnance ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant que les mentions portées sur une décision juridictionnelle font foi jusqu'à preuve contraire ; que l'ordonnance du 13 octobre 1999 attaquée indique que le président de la troisième chambre du tribunal administratif est délégué par le président du tribunal administratif ; que l'absence de mention dans les visas de l'ordonnance attaquée de la date de la décision par laquelle le président du tribunal administratif de Lyon a donné délégation au président de la troisième chambre de ce tribunal aux fins de juger les requêtes introduites sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel n'entache pas d'irrégularité cette ordonnance ; que la Société STEREAU n'est, dès lors pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée, prise par le président délégué du tribunal administratif de Lyon, serait irrégulière ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel prévoient que le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ; que les décisions rendues en cette forme ne sont pas précédées de l'audition de conclusion prononcées par un commissaire du gouvernement ; qu'ainsi la Société STEREAU n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée, aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien fondé de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'aux termes du II de l'article 38 du code des marchés publics : "Les avis d'appel public à la concurrence mentionnent au moins : ( ...) 11° En outre, en cas de marché de conception-réalisation : les motifs d'ordre technique qui rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que si l'avis d'appel public à la concurrence publié le 12 mai 1998 au bulletin officiel des annonces des marchés publics précisait les caractéristiques principales de l'opération envisagée par la communauté urbaine de Lyon, et en particulier les caractéristiques techniques de la station d'épuration existante, il ne mentionnait pas les raisons d'ordre technique rendant nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage ; qu'ainsi, en se fondant notamment sur ce qu'il était constant que ces motifs ne figuraient pas dans l'avis d'appel public à la concurrence pour suspendre la passation du marché de conception-réalisation engagée par la communauté urbaine de Lyon, le président délégué du tribunal administratif de Lyon s'est livré à une appréciation souveraine des faits dénuée de toute dénaturation ;
Considérant que, pour suspendre la passation du marché envisagé par la communauté urbaine de Lyon, le président délégué du tribunal administratif de Lyon s'est en outre fondé sur ce que la levée de la contrainte de durée des phases de conception et de réalisation, qui avait initialement été fixée à quatre ans par le règlement de la consultation et que la communauté urbaine de Lyon a annoncée après la remise des offres des entreprises candidates, avait constitué un bouleversement des conditions du marché et constituait dès lors un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles était soumise la communauté urbaine ; que le caractère obligatoire du règlement de consultation fait obstacle à ce que la personne responsable de la passation du marché apporte, au cours de la procédure, des modifications substantielles aux conditions initiales ; qu'ainsi la Société STEREAU n'est pas fondée à soutenir que le président délégué du tribunal administratif aurait entaché son ordonnance d'une erreur de droit ;

Considérant qu'une entreprise candidate à l'obtention d'un marché étant susceptible d'être lésée par tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, le président délégué du tribunal administratif de Lyon a pu, sans entacher son ordonnance d'une erreur de droit et après avoir relevé l'absence dans l'avis d'appel public à la concurrence de la mention des motifs d'ordre technique rendant nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage, en déduire, sans rechercher si ces irrégularités avaient en fait porté préjudice aux sociétés Degrémont et OTV, que ces sociétés étaient fondées à demander la suspension de la passation dudit marché ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société STEREAU n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du président délégué du tribunal administratif de Lyon ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que les sociétés Degrémont et OTV, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnées à payer à la Société STEREAU la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner la communauté urbaine de Lyon à payer à la société Degrémont la somme de 5 000 F qu'elle demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
Article 1er : La requête de la Société STEREAU est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Société Degrémont tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société STEREAU, à la société OTV, à la société Degrémont, à la communauté urbaine de Lyon et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 213958
Date de la décision : 16/10/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES - FORMALITES DE PUBLICITE ET DE MISE EN CONCURRENCE - CAIrrégularités - Président de tribunal administratif ayant suspendu la passation du marché - sans rechercher si ces irrégularités ont en fait porté préjudice aux sociétés requérantes - Erreur de droit - Absence.

39-02-005 Une entreprise candidate à l'obtention d'un marché étant susceptible d'être lésée par tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, ne commet pas d'erreur de droit le président du tribunal administratif qui déduit des irrégularités qu'il a relevées que les sociétés requérantes sont fondées à demander la suspension de la passation du marché, sans rechercher si ces irrégularités ont en fait porté préjudice auxdites sociétés.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - PROCEDURES D'URGENCE - CAArticle L - 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel - Procédure - Audition de conclusions prononcées par un commissaire du gouverment - Absence.

39-08-015 Les dispositions de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel prévoient que le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. Les décisions rendues en cette forme ne sont pas nécessairement précédées de l'audition de conclusions prononcées par un commissaire du gouvernement.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - VOIES DE RECOURS - CAProcédure de l'article L - 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel - Notion de partie au sens de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 - Existence - Commune à l'origine de la procédure de passation de marché litigieuse ayant produit des observations en cassation (1).

39-08-04, 54-06-05-11 Une commune, à l'origine de la procédure de passation de marché litigieuse, doit être regardée comme ayant la qualité de partie dans la procédure engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Dès lors, une commune qui a produit des observations en cassation est une partie à l'instance au sens des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 (1).

- RJ1 PROCEDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DEPENS - REMBOURSEMENT DES FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS - CANotion de partie au sens de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 - Existence - Procédure de l'article L - 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel - Commune à l'origine de la procédure de passation de marché litigieuse ayant produit des observations en cassation (1).


Références :

Code des marchés publics 38
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L22
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Rappr. 1999-12-29, SCI Cottages de Chantereine, T. p. 963


Publications
Proposition de citation : CE, 16 oct. 2000, n° 213958
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Edouard Philippe
Rapporteur public ?: M. Savoie

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:213958.20001016
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