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20/10/2000 | FRANCE | N°198308

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 20 octobre 2000, 198308


Vu le recours, enregistré le 28 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris :
1°) statuant sur la demande de la société Iveco Fiat SPA tendant à la réformation du jugement n° 9218514 et 9313148 du 20 octobre 1994 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné l'Etat à lui verser des intérêts moratoires affé

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Vu le recours, enregistré le 28 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris :
1°) statuant sur la demande de la société Iveco Fiat SPA tendant à la réformation du jugement n° 9218514 et 9313148 du 20 octobre 1994 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné l'Etat à lui verser des intérêts moratoires afférents au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 4 183 465,15 F relatif à l'année 1991, ainsi que les intérêts des intérêts, à compter de la date de restitution de cette somme, a condamné l'Etat à verser à la société Iveco Fiat SPA lesdits intérêts moratoires entre la date de présentation de la réclamation formée par la société et celle du versement effectif de la somme ainsi que les intérêts de ces intérêts et a maintenu la condamnation de l'Etat à verser à la société, au titre des frais irrépétibles, la somme de 4 000 F qui avait été prononcée par le tribunal administratif ;
2°) a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement précité en tant qu'il a condamné l'Etat à payer à la société Iveco Fiat SPA des intérêts moratoires afférents au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 4 183 465,15 F relatif à l'année 1991 ;
3°) a condamné l'Etat à payer à la société Iveco Fiat SPA une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société Iveco Fiat SPA,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Iveco Fiat SPA a présenté le 11 juin 1992, en application des dispositions des articles 242-O M à 242-O T de l'annexe II au code général des impôts relatives au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis établis hors de France, une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent à l'année 1991, s'élevant à la somme de 4 222 364,25 F ; qu'à défaut de décision prise à l'expiration du délai de six mois imparti à l'administration par l'article R. *198-10 du livre des procédures fiscales pour statuer sur les réclamations, la société Iveco Fiat SPA a saisi le tribunal administratif de Paris le 14 décembre 1992 afin d'obtenir la restitution de la somme demandée ainsi que le versement des intérêts moratoires ; que, postérieurement à cette saisine, la demande de la société Iveco Fiat SPA a été admise par l'administration à concurrence de 4 183 465,15 F, le surplus de la demande étant rejetée au motif que la société n'avait pas produit les originaux des factures correspondantes ; que par réclamation du 13 avril 1993, la société Iveco Fiat SPA a demandé le paiement d'intérêts moratoires sur cette somme et, en l'absence de décision prise par l'administration, a saisi le tribunal administratif de Paris du litige relatif à ces intérêts moratoires le 18 octobre 1993 ; que le ministre se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, après avoir réformé le jugement n° 9218514 et 9313148 du tribunal administratif de Paris du 20 octobre 1994, condamné l'Etat à verser à la société Iveco Fiat SPA les intérêts moratoires afférents au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 4 183 465,15 F relatif à l'année 1991 à compter de la date de présentation de la réclamation jusqu'à la date du paiement effectif de cette somme, les intérêts sur la dette d'intérêts dus au jour du paiement du principal et une somme de 4 000 F au titre des frais irrépétibles et a, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement précité en tant qu'il a condamné l'Etat à payer à la société Iveco Fiat SPA des intérêts moratoires afférents au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 4 183 465,15 F relatif à l'année 1991 ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la société Iveco Fiat SPA ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : "Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de lajuridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire ..." et qu'aux termes de l'article L. 199 du même code : "En matière d'impôts directs et de taxe sur le chiffre d'affaire ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif ..." ; que, d'autre part, aux termes de l'article R. *198-10 du livre des procédures fiscales : "L'administration des impôts ou l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation ..." et qu'aux termes de l'article R. *199-1 du même code : "L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévue à l'article R. *198-10. Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu de décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai ..." ;
Considérant, en premier lieu, que les demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée présentées par des assujettis établis hors de France sur le fondement de l'article 271-IV du code général des impôts aux termes duquel : "La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat" constituent, au sens des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, des réclamations contentieuses qui sont soumises à des conditions et délais particuliers fixés par le décret n° 80-1079 du 24 décembre 1980, dont les dispositions ont été reprises sous les articles 242-O M à 242-O T de l'annexe II au code général des impôts ; que la décision que prend le service sur une réclamation de cette nature, lorsqu'elle ne donne pas entièrement satisfaction au redevable et même si elle est précédée d'opérations de vérification ou de contrôle, n'a pas le caractère d'une procédure de reprise et de redressement ; qu'il résulte de la combinaison des articles R. *198-10 et R. *199-1 du livre des procédures fiscales précités que lorsque le service n'a, dans le délai de six mois qui lui est imparti, ni statué sur ladite réclamation ni avisé le contribuable de la nécessité d'un délai supplémentaire, il est considéré comme ayant rejeté implicitement la réclamation dont il était saisi, ce qui permet au demandeur de saisir le tribunal administratif ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article 242-O Q de l'annexe II au code général des impôts précise le délai dans lequel la demande de remboursement doit être formulée et mentionne qu'elle est "accompagnée des originaux des factures, documents d'importation et de toutes pièces justificatives" ; qu'il ressort de ces dispositions que pour obtenir le remboursement de la taxe qu'ils sollicitent, les assujettis établis dans un Etat membre de la Communauté doivent, à peine d'irrecevabilité de leur demande, joindre les originaux des factures, documents d'importation et toutes pièces justificatives ; que ces documents doivent être produits devant l'administration avant que celle-ci ne statue sur la demande ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'administration a statué sur la demande de remboursement qu'avait déposée la société Iveco Fiat SPA, celle-ci contenait, pour un montant de 4 183 465,15 F, toutes les pièces justificatives ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que le remboursement accordé à la société Iveco Fiat SPA postérieurement au 14 décembre 1992 présentait le caractère d'un dégrèvement d'office au motif que le délai de réponse qui lui était imparti ne pouvait courir qu'à partir du moment où la demande contenait tous les documents justificatifs prévus par l'article 242-O Q de l'annexe II au code général des impôts et n'était pas expiré au jour de sa décision ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : "Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation tendant àla réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement ..." ; que le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée obtenu par la société Iveco Fiat SPA est intervenu postérieurement au rejet par l'administration d'une réclamation ; qu'il a eu le caractère d'un dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la circonstance que le droit à remboursement ne procéderait pas, à l'origine, d'une erreur commise par l'administration dans l'assiette ou le calcul d'une imposition, est sans incidence ; qu'il doit dès lors donner lieu au paiement d'intérêts moratoires sur les sommes de 4 183 465,15 F ; que ces intérêts moratoires doivent courir, s'agissant de la procédure de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée facturée à des assujettis établis hors de France pour laquelle il n'y a pas de paiement antérieur de la part de l'assujetti, à compter de la date de la réclamation qui a fait apparaître le crédit remboursable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions de la société Iveco Fiat SPA tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la société Iveco Fiat SPA la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société Iveco Fiat SPA une somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société Iveco Fiat SPA.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 198308
Date de la décision : 20/10/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

60-02-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES ECONOMIQUES.


Références :

CGI L199, R199-1
CGI Livre des procédures fiscales R198-10, L190, L208
CGIAN2 242 Q
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2000, n° 198308
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Courtial

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:198308.20001020
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