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27/10/2000 | FRANCE | N°178391

France | France, Conseil d'État, 5 / 7 ssr, 27 octobre 2000, 178391


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 28 juin 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE ; le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 décembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat la somme de 367 531,94 F en remboursement des frais qu'elle a engagés pour les soins et l'éducation spéciale à domicile dispensés au jeune

Jonathan X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 28 juin 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE ; le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 décembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat la somme de 367 531,94 F en remboursement des frais qu'elle a engagés pour les soins et l'éducation spéciale à domicile dispensés au jeune Jonathan X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Falque-Pierrotin, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE, de Me de Nervo, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat et de Me Choucroy, avocat de M. et Mme X...,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : "L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond" ; que la cour administrative d'appel de Nancy, devant laquelle le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE avait opposé la prescription quadriennale aux créances dont se prévalait la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat, a écarté cette argumentation en relevant, par l'arrêt attaqué, que le centre hospitalier n'avait pas invoqué cette prescription avant que le tribunal administratif de Strasbourg se soit prononcé sur le fond du litige ; qu'en constatant ainsi que les conditions d'application de la loi du 31 décembre 1968 dont le bénéfice avait été sollicité par le centre hospitalier n'étaient pas remplies, la cour a répondu à l'argumentation dont elle était saisie et n'a pas fondé sa décision sur un moyen relevé d'office dont, en application des dispositions de l'article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, elle aurait dû informer les parties ;
Sur le moyen relatif à la prescription quadriennale :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE était en mesure d'opposer la prescription quadriennale à la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat en application des dispositions précitées de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 avant le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, dès lors que la caisse avait produit devant ce tribunal une demande chiffrée correspondant aux frais qu'elle avait engagés ; que, par suite, et alors même que, par un premier arrêt du 30 juin 1994, la cour avait ordonné une mesure d'instruction sur le montant exact des sommes dues à la caisse primaire, elle n'a commis aucune erreur de droit en jugeant, par l'arrêt attaqué, que le centre hospitalier ne pouvait opposer cette prescription pour la première fois en appel ;
Sur le moyen relatif aux frais de soins et d'éducation spéciale à domicile pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat :

Considérant que, par son arrêt du 30 juin 1994, la cour administrative d'appel de Nancy a condamné le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE, reconnu entièrement responsable des troubles dont est atteint depuis sa naissance le jeune Jonathan X..., à verser à M. et Mme X..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur, une rente annuelle de 220 000 F réparant les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence subis par l'enfant en précisant que les frais de son placement éventuel dans une institution spécialisée s'imputeraient sur cette rente dans la limite de la part, fixée aux trois quarts, réparant l'atteinte à son intégrité physique ; que, par l'arrêt attaqué du 28 décembre 1995, la cour a condamné le centre hospitalier à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat une indemnité de 367 531,94 F représentant notamment des frais de soins et d'éducation spéciale à domicile exposés par elle en faveur de Jonathan X... et rejeté les conclusions du centre hospitalier tendant à ce que le montant de ces frais soit également déduit de la rente versée aux parents de la victime ; que lecentre hospitalier soutient que la cour n'a pu sans erreur de droit refuser cette imputation ;
Considérant que la rente que le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE doit verser en application de l'arrêt du 30 juin 1994 a pour objet, ainsi qu'il a été dit, de réparer les troubles que le jeune Jonathan subit dans ses conditions d'existence du fait de son invalidité ; que les frais de soins et d'éducation spéciale à domicile qui, en vertu de l'article 7 de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, incombent soit à l'assurance maladie, soit, à défaut, à l'aide sociale, n'avaient pas à être pris en considération lors de l'évaluation de ce chef de préjudice ; qu'à la différence de la prise en charge du placement en internat dans un établissement spécialisé, la prise en charge de ces frais n'a pas pour effet de supprimer des charges, telles que la rémunération de l'assistance d'une tierce personne, dont il a été tenu compte dans cette évaluation ; qu'ainsi l'indemnité due à la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat au titre des frais de soins et d'éducation spéciale à domicile exposés en faveur de Jonathan X... ne fait pas double emploi avec la rente servie à la victime ; qu'il suit de là que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant, par l'arrêt attaqué, les conclusions du centre hospitalier tendant à ce que cette indemnité s'impute sur la rente ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat la somme de 10 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER SAINTE-CATHERINE DE SAVERNE, à M. et Mme Alain X..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 5 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 178391
Date de la décision : 27/10/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 - RJ2 - RJ3 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE SUBIS PAR LA VICTIME D'UN ACCIDENT - CARente réparant ces troubles - Frais à prendre en compte pour l'évaluation de la rente - Frais de soins et d'éducation spéciale à domicile - Absence.

60-04-03-03-01, 60-05-04-01 Centre hospitalier reconnu entièrement responsable, par un arrêt de cour administrative d'appel, des troubles dont est atteint un enfant depuis sa naissance et condamné à verser à ses représentants légaux une rente réparant les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence. Arrêt précisant que les frais de son placement éventuel dans une institution spécialisée s'imputeraient sur cette rente dans la limite de la part, fixée aux trois quarts, réparant l'atteinte à son intégrité physique. Les frais de soins et d'éducation spéciale à domicile qui, en vertu de l'article 7 de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, incombent soit à l'assurance maladie, soit, à défaut, à l'aide sociale, n'ont pas à être pris en compte lors de l'évaluation du préjudice lié aux troubles de toute nature dans les conditions d'existence (1). A la différence de la prise en charge du placement en internat dans un établissement spécialisé (2), la prise en charge de ces frais n'a pas pour effet de supprimer des charges, telles que la rémunération de l'assistance à une tierce personne, dont il a été tenu compte dans cette évaluation. Ainsi, l'indemnité due à la caisse primaire d'assurance maladie au titre des frais de soins et d'éducation spéciale à domicile exposés en faveur de l'enfant ne fait pas double emploi avec la rente qui est servie à celui-ci. La cour administrative d'appel a pu dès lors, sans erreur de droit, mettre cette indemnité à la charge du centre hospitalier et rejeter les conclusions de celui-ci tendant à ce que le montant des frais correspondants soit imputé sur la rente (3).

- RJ1 - RJ2 - RJ3 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - DROITS DES CAISSES DE SECURITE SOCIALE - IMPUTATION DES DROITS A REMBOURSEMENT DE LA CAISSE - CARente réparant les troubles de toute nature dans les conditions d'existence - Dépenses à imputer - Frais de soins et d'éducation spéciale à domicile - Absence.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-1
Loi du 30 juin 1975 art. 7
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 7
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Rappr. 1976-06-04, CPAM du Nord-Finistère et Gourves, p. 308, et Section 1977-05-13, Marie, p. 221, pour des frais de rééducation professionnelle. 2.

Cf. 1990-01-17, Grandin, p. 6 ;

1991-03-20, C.H. de Bourg-en-Bresse c/ Epoux B., p. 97. 3.

Rappr. CAA de Nantes, 1994-02-10, Consorts A. et C.H.R. de Rennes, p. 616


Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2000, n° 178391
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Falque-Pierrotin
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:178391.20001027
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