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27/10/2000 | FRANCE | N°198920

France | France, Conseil d'État, 5 / 7 ssr, 27 octobre 2000, 198920


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août 1998 et 14 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE ; la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 18 juin 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, réformant un jugement du 14 mai 1991 du tribunal administratif de Paris, a porté à 596 800 F l'indemnité que la commune a été condamnée à verser à la SCI Elisa en réparation du préjudice résultant des dommages causés à un i

mmeuble locatif appartenant à cette société à la suite de la rupture d'une ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août 1998 et 14 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE ; la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 18 juin 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, réformant un jugement du 14 mai 1991 du tribunal administratif de Paris, a porté à 596 800 F l'indemnité que la commune a été condamnée à verser à la SCI Elisa en réparation du préjudice résultant des dommages causés à un immeuble locatif appartenant à cette société à la suite de la rupture d'une canalisation du réseau communal d'assainissement ;
2°) statuant au fond en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de ramener à 389 000 F l'indemnité que la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE doit payer à la SCI Elisa ;
3°) de condamner la SCI Elisa au versement de la somme de 15 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Falque-Pierrotin, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Brouchot, avocat de la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE et de Me Hennuyer, avocat de la SCI Elisa,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de la rupture d'une canalisation d'égout ayant provoqué, le 8 mai 1980, l'effondrement du trottoir situé devant le ... à Nogent-sur-Marne, un immeuble appartenant à la SCI Elisa a présenté des fissures qui ont conduit le maire à en ordonner l'évacuation ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir fixé au 31 décembre 1987 la date à laquelle le dommage avait été connu dans toute son étendue, a condamné la commune, reconnue responsable du dommage, à verser à la SCI Elisa une indemnité de 596 800 F correspondant à la valeur vénale de l'immeuble estimée à cette date, et a rejeté ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité supplémentaire au titre des pertes de loyers subies par la société depuis mai 1980 ;
Sur le pourvoi de la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en retenant, pour estimer la valeur vénale de l'immeuble, non la date de l'accident à l'origine du dommage, mais celle à laquelle le propriétaire avait pu connaître l'étendue exacte de celui-ci et avait été ainsi en mesure de le réparer, soit en faisant exécuter des travaux de réfection, soit en procédant à l'acquisition d'un immeuble équivalant à celui qui avait été sinistré ; qu'ainsi la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur le pourvoi incident de la SCI Elisa :
Considérant que si l'octroi d'une indemnité égale à la valeur vénale de l'immeuble faisait obstacle à ce que le propriétaire obtînt une indemnité supplémentaire au titre des pertes de loyers postérieures à la date à laquelle l'étendue du dommage avait été connue, la cour n'a pu, sans commettre d'erreur de droit, refuser à la SCI Elisa une indemnité réparant les pertes de loyers qu'elle avait subies pendant la période antérieure où elle s'était trouvée dans l'impossibilité tout à la fois de procéder à la réparation du dommage et de louer son immeuble ; qu'il suit de là que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société tendant à l'octroi d'une indemnité au titre des pertes de loyers subies entre le 8 mai 1980 et le 31 décembre 1987 ;
Considérant qu'en vertu de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Elisa a présenté devant le tribunal administratif de Paris des conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité au titre de ses pertes de loyers, en indiquant le montant des loyers en cause ; qu'ainsi la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE n'est pas fondée à soutenir que ces conclusions seraient nouvelles en appelet par suite irrecevables ;

Considérant qu'il est constant que les dommages affectant l'immeuble de la SCI Elisa ont rendu impossible l'occupation de cet immeuble, frappé d'un arrêté de péril ; que la SCI Elisa peut prétendre à une indemnisation des pertes de loyers qu'elle a subies entre le 8 mai 1980, date de l'accident, jusqu'à la date, fixée au 31 décembre 1987 par l'arrêt du 18 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Paris devenu définitif sur ce point, à laquelle l'étendue du dommage a été connue et où elle a ainsi été en mesure de procéder à sa réparation ; qu'il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en condamnant la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE à lui verser à ce titre une indemnité de 518 703 F ; que la part de l'indemnité correspondant aux loyers qui lui auraient été dus au 31 décembre 1982, date de sa demande d'indemnité, porteront intérêt à compter de cette date, et celle correspondant aux loyers qui lui auraient été dus ultérieurement à compter de leurs dates d'échéance respectives ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la SCI Elisa, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à rembourser à la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE à verser à la SCI Elisa la somme que celle-ci demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
Article 1er : L'arrêt du 18 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la SCI Elisa tendant à l'octroi d'une indemnité au titre des pertes de loyers subies par cette société entre mai 1980 et décembre 1987.
Article 2 : La COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE versera à la SCI Elisa une somme de 518 703 F au titre des pertes de loyers subies de mai 1980 à décembre 1987. La part d'indemnité correspondant aux loyers qui auraient été dus avant le 31 décembre 1982 portera intérêts à compter de cette date. La part correspondant aux loyers qui auraient été dus ultérieurement portera intérêts à compter de leurs dates d'échéance respectives.
Article 3 : Le jugement du 14 mai 1991 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : La COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE versera à la SCI Elisa une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : La requête de la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE et le surplus des conclusions de la requête de la SCI Elisa devant la cour administrative d'appel de Paris et de son pourvoi incident devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE NOGENT-SUR-MARNE, à la SCI Elisa et au ministre de l'intérieur.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS - Dommage causé à un immeuble - Octroi d'une indemnité égale à la valeur vénale - Possibilité d'obtenir simultanément une indemnité pour perte de loyers - Existence - au titre de la période antérieure à la date à laquelle l'étendue du dommage a été connue (1).

60-04-03-02-01, 67-02-02 Immeuble endommagé à la suite de la rupture d'une canalisation d'égout ayant provoqué l'effondrement d'un trottoir. Dommage ayant entraîné l'évacuation de l'immeuble. Si l'octroi d'une indemnité égale à la valeur vénale de l'immeuble fait obstacle à ce que le propriétaire obtienne une indemnité supplémentaire au titre des pertes de loyers postérieures à la date à laquelle l'étendue du dommage a été connue et à laquelle la valeur vénale de l'immeuble a été estimée, le propriétaire peut prétendre à une indemnité réparant les pertes de loyers qu'il a subies pendant la période antérieure, où il s'était trouvé dans l'impossibilité tout à la fois de procéder à la réparation du dommage et de louer son immeuble.

- RJ1 TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - REGIME DE LA RESPONSABILITE - Réparation - Dommage causé à un immeuble - Octroi d'une indemnité égale à la valeur vénale - Possibilité d'obtenir simultanément une indemnité pour perte de loyers - Existence - au titre de la période antérieure à la date à laquelle l'étendue du dommage a été connue (1).


Références :

Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1. Comp. 1973-05-25, Electricité de France et société civile immobilière "Au confortable", p. 372 ;

1987-04-03, Gaz de France c/ Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France, T. p. 944


Publications
Proposition de citation: CE, 27 oct. 2000, n° 198920
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Falque-Pierrotin
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : Me Brouchot, Avocat

Origine de la décision
Formation : 5 / 7 ssr
Date de la décision : 27/10/2000
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 198920
Numéro NOR : CETATEXT000008082831 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2000-10-27;198920 ?
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