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08/11/2000 | FRANCE | N°215526

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 08 novembre 2000, 215526


Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X...
Y..., demeurant chez M. Roland Lacanau, ... à Sorgues (84700) ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 20 octobre 1999 par lequel le préfet de Vaucluse a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
Vu les autr

es pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'ho...

Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X...
Y..., demeurant chez M. Roland Lacanau, ... à Sorgues (84700) ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 20 octobre 1999 par lequel le préfet de Vaucluse a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Auditeur,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 241-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, l'instruction et le jugement des recours dirigés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ne sont soumis qu'aux dispositions des articles R. 241-2 à R. 241-20 dudit code, lesquelles ne prévoient pas que les observations produites en défense par l'administration doivent être communiquées au requérant ; qu'en l'absence de dispositions expresses, le principe général du caractère contradictoire de la procédure n'impose pas une telle communication, dès lors que le requérant, régulièrement averti du jour de l'audience, a été mis en mesure de prendre connaissance lors de l'audience du mémoire et des pièces produites par le préfet en réponse à sa demande et a disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ces documents et préparer sa réplique ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y... n'a eu connaissance des observations écrites du préfet de Vaucluse que postérieurement à l'audience ; que, par suite, le principe du caractère contradictoire de la procédure a été méconnu ; que le jugement attaqué doit par suite être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les conclusions présentées par Mme Y... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., de nationalité sénégalaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 19 août 1999, de la décision du préfet de Vaucluse du 18 août 1999 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;

Considérant que si Mme Y..., entrée en France en juillet 1994, vit avec sa fille née en France en septembre 1995, il ressort des pièces du dossier qu'en l'absence de circonstances mettant l'intéressée dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale dans son pays d'origine, où réside d'ailleurs le père de son enfant, l'arrêté du préfet de Vaucluse en date du 20 octobre 1999 n'a pas porté au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si Mme Y... soutient que sa fille souffre de surdité et a dû subir une intervention chirurgicale le 15 décembre 1999, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement approprié de l'affection de l'enfant ne puisse être assuré dans le pays de renvoi ; que, par suite, Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences dudit arrêté sur sa situation personnelle ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté en date du 20 octobre 1999 par lequel le préfet de Vaucluse a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille en date du 29 novembre 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X...
Y..., au préfet de Vaucluse et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 215526
Date de la décision : 08/11/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 20 octobre 1999
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R241-1, R241-2 à R241-20
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 08 nov. 2000, n° 215526
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Le Bihan-Graf
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:215526.20001108
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