La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2000 | FRANCE | N°204743

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 10 novembre 2000, 204743


Vu la requête enregistrée le 16 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 octobre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 juillet 1998 décidant la reconduite à la frontière de M. Ali Y... ;
2°) de rejeter la demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté que M. Ali Y... a présentée devant le tribunal administratif de Paris ;r> Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde ...

Vu la requête enregistrée le 16 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 octobre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 juillet 1998 décidant la reconduite à la frontière de M. Ali Y... ;
2°) de rejeter la demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté que M. Ali Y... a présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Ali Y...,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Ali Y..., qui est de nationalité algérienne, s'est maintenu au-delà du délai ci-dessus mentionné sur le territoire national et entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées ;
Sur la requête d'appel du PREFET DE POLICE :
Considérant que si M. Y... allègue être entré en France en 1991, il ne justifie d'une présence continue sur le territoire que depuis le mois de décembre 1996 ; que l'intéressé est célibataire, sans enfant, et a conservé des attaches familiales en Algérie ; qu'ainsi l'arrêté du 30 juillet 1998 décidant sa reconduite à la frontière n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est par suite à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur une telle atteinte pour annuler l'arrêté du 30 juillet 1998 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Ali Y... devant le tribunal administratif de Paris ou en défense en appel ;
Sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision de reconduite à la frontière :
Considérant que le signataire de la décision attaquée, M. X..., sous-directeur de l'administration des étrangers, a régulièrement reçu délégation du PREFET DE POLICE pour signer en son nom les arrêtés portant reconduite à la frontière d'étrangers en situation irrégulière et les décisions fixant le pays de destination de la reconduite ;
Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui justifient qu'il soit procédé à la reconduite à la frontière de M. Ali Y... ; que, par suite, les moyens tirés de ce que ledit arrêté aurait méconnu l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et de ce qu'il serait insuffisamment motivé doivent être rejetés ;
Considérant que si M. Ali Y... fait valoir qu'il est entré en France en 1991 et qu'il y exploite un commerce depuis 1994, ces circonstances ne suffisent pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure litigieuse surla situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant que le moyen tiré des risques que courrait l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine est inopérant à l'encontre de la décision de reconduite à la frontière ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite :
Considérant qu'en invoquant les risques susmentionnés, M. Ali Y... doit également être regardé comme contestant la décision distincte figurant à l'article 2 de l'arrêté attaqué et fixant le pays de destination de la reconduite ; qu'il ressort des pièces du dossier que le frère de l'intéressé a été assassiné en 1994 en Algérie et que M. Ali Y... a lui-même fait l'objet de menaces dans ce pays ; que, dans ces circonstances particulières, l'arrêté doit être regardé comme intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 30 juillet 1998 indiquant l'Algérie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière visant M. Ali Y... ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la délivrance d'un titre de séjour :
Considérant qu'en dehors du cas prévu par l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 dans sa rédaction issue de la loi du 8 février 1995, dont les conditions d'application ne sont pas remplies en l'espèce, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; qu'ainsi les conclusions de M. Ali Y... tendant à la délivrance d'un titre de séjour sont irrecevables ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de dépens :
Considérant qu'en l'absence de liquidation de dépens dans la présente instance, ses conclusions doivent être rejetées ;
Article 1er : Le jugement susvisé du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 2 octobre 1998 est annulé en tant qu'il annule la décision de reconduite à la frontière du 30 juillet 1998 concernant M. Ali Y....
Article 2 : Les conclusions présentées par M. Ali Y... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision de reconduite à la frontière du 30 juillet 1998 le concernant sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. Y... tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE POLICE est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Ali Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 204743
Date de la décision : 10/11/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 30 juillet 1998 art. 2
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Loi 95-115 du 08 février 1995
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 27 ter, art. 27 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2000, n° 204743
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Derepas
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:204743.20001110
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award