La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2000 | FRANCE | N°216585

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 10 novembre 2000, 216585


Vu la requête enregistrée le 21 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir son arrêté du 23 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Zohra Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Zohra Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces

du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homm...

Vu la requête enregistrée le 21 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir son arrêté du 23 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Zohra Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Zohra Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, le représentant de l'Etat dans le département peut "décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Zohra Y..., de nationalité marocaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 9 juillet 1998, de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 6 juillet 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas visé au I-3° de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que si à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme Y... a fait valoir d'une part, qu'elle réside en France de manière habituelle depuis le 13 août 1991, qu'elle travaille et qu'elle a des attaches familiales en France, notamment une cousine résidant à Paris avec ses enfants et, d'autre part, qu'au Maroc aucun membre de sa famille ne serait en mesure de la prendre en charge et qu'elle-même ne pourrait exercer d'activité professionnelle lui permettant de subvenir à ses besoins, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, célibataire et sans enfants, conserve des attaches familiales dans son pays d'origine et, notamment, son père et sa mère ainsi que ses frères et soeurs ; que, dans ces conditions et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 26 novembre 1998 litigieux n'a pas porté au droit de Mme Y... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Zohra Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant que, par un arrêté du 13 novembre 1995, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a donné à M. Jean-Jacques X..., secrétaire général, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant qu'il résulte de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, applicable à la date de la décision attaquée, que ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière : "8. ( ...) L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi" ;
Considérant que la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière indique que Mme Y... pourra être reconduite à destination de son pays d'origine ; que si Mme Y... souffre d'hypertension artérielle, des suites d'un traumatisme crânien et d'une fracture costale, et si ces pathologies nécessitent des soins réguliers, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne puisse bénéficier de traitements appropriés dans son pays d'origine ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière est intervenu en méconnaissance des dispositions précitées du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu des conditions du séjour en France de Mme Y... ci-dessus rappelées, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à demander l'annulation du jugement du 3 décembre 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Zohra Y... ;
Article 1er : Le jugement du 3 décembre 1999 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par Mme Zohra Y... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, à Mme Zohra Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 216585
Date de la décision : 10/11/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 98-349 du 11 mai 1998
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 25


Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2000, n° 216585
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Derepas
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:216585.20001110
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award