Vu la requête, enregistrée le 28 février 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Chareddine Mohammed X..., demeurant chez M. Abdelkader Y..., ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 janvier 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 décembre 1999 du préfet de la Dordogne ordonnant qu'il soit reconduit à la frontière ;
2°) de lui accorder l'annulation de cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 15 000 F au titre des frais non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi du 10 juillet 1991, notamment l'article 75-I ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son visa le 8 mars 1999 ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avocat de M. X..., dont le cabinet est à Périgueux, a adressé par télécopie au tribunal administratif de Bordeaux le 11 janvier 2000 à 11 heures une demande d'annulation de l'arrêté du 14 décembre 1999, notifié le 4 janvier 2000 par voie postale, ordonnant la reconduite à la frontière de celui-ci ; qu'il a été informé à 13 heures que l'affaire serait jugée à 14 heures le même jour ; que, malgré le délai très bref imparti par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée au tribunal administratif pour statuer, le délai laissé au requérant entre sa convocation et l'audience n'a pas été suffisant pour lui permettre d'assurer utilement sa défense ; qu'ainsi, M. X... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu en violation des droits de la défense ; qu'il doit donc être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par M. X... ;
Considérant que, par un arrêté en date du 15 juillet 1999, régulièrement publié, le préfet de la Gironde a donné à M. Z..., secrétaire général, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que dès lors, le moyen tiré de ce que l'acte attaqué aurait été pris par une autorité incompétente manque en fait ; que la circonstance que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ne vise pas l'arrêté du 15 juillet 1999 susmentionné, alors qu'il est signé du secrétaire général de la préfecture, n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant que le préfet de la Dordogne pouvait ordonner la reconduite à la frontière de M. X..., sans attendre que le tribunal administratif de Bordeaux ait statué sur sa demande d'annulation du refus opposé à sa demande d'asile territorial ;
Considérant, enfin que, si le requérant invoque les risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine, ce moyen est inopérant à l'encontre de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, qui n'indique pas le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 1999 par lequel le préfet de la Dordogne a ordonné qu'il soit reconduit à la frontière ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 11 janvier 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. X... et sa demande devant le tribunal administratif de Bordeaux sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Chareddine Mohammed X..., au préfet de la Dordogne et au ministre de l'intérieur.