Vu la requête présentée par le PREFET DE POLICE, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er mars 2000 ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 23 décembre 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. Y... Ahmed, l'arrêté du 2 décembre 1998 du PREFET DE POLICE décidant la reconduite à la frontière de M. X..., en tant qu'il fixe le Bangladesh comme pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Imbert-Quaretta, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Prada-Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou de reconduite à la frontière, de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application du deuxième alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort de la rédaction de l'arrêté du 2 décembre 1998 du PREFECTURE DE POLICE que cette décision doit être regardée comme permettant la reconduite de M. X... dans son pays d'origine ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des documents produits et notamment des lettres de la mère de l'intéressé et de son avocat bangladais, faisant état de procédures judiciaires et de mesures de rétorsion déjà prises à l'encontre de sa famille, que M. X... serait exposé, en cas de retour dans son pays, à des poursuites et soumis à un emprisonnement du fait de son engagement politique antérieur ; que cette circonstance, nonobstant le renouvellement de son passeport en 1998, est de nature à faire légalement obstacle à la reconduite de l'intéressé à destination de son pays d'origine ;
Considérant qu'il suit de là que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. X... la somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y... Ahmed, au PREFET DE POLICE et au ministre de l'intérieur.