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22/11/2000 | FRANCE | N°211287

France | France, Conseil d'État, 22 novembre 2000, 211287


Vu 1°), sous le n° 211287, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 6 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE, dont le siège est ... ; la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision n° 1999/08 du 13 juillet 1999 par laquelle la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance a nommé M. Georges Y... administrateur provisoire de la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE pour une période de six moi

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Vu 2°), sous le n° 211288, la requête sommaire et le mémoire...

Vu 1°), sous le n° 211287, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 6 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE, dont le siège est ... ; la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision n° 1999/08 du 13 juillet 1999 par laquelle la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance a nommé M. Georges Y... administrateur provisoire de la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE pour une période de six mois ;
Vu 2°), sous le n° 211288, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 6 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Eatd'annuler la décision n° 1999/08 du 13 juillet 1999 par laquelle la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance a nommé M. Georges Y... administrateur provisoire de la Mutuelle interprofessionnelle de France pour une période de six mois ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la mutualité ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Donnat, Auditeur,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE et de M. X...,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE, et de M. X... sont dirigées contre la décision du 13 juillet 1999 par laquelle la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance a, en application de l'article L. 531-4 du code de la mutualité, confié les pouvoirs dévolus au conseil d'administration de cette mutuelle à un administrateur provisoire ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que les requérants soutiennent que l'article L. 531-4 du code de la mutualité, en ce qu'il permet de substituer aux dirigeants élus d'une mutuelle un administrateur provisoire sans demande en ce sens des adhérents, est incompatible avec les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : "1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. 2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à ( ...) la protection des droits ( ...) d'autrui" ;
Considérant que la restriction apportée à l'autonomie des organismes mutualistes par la possibilité de nommer un administrateur provisoire trouve son fondement dans la loi ; que la raison d'être d'une telle restriction repose sur le souci du législateur d'éviter que des irrégularités graves ou la persistance de difficultés financières de nature à mettre en cause l'existence même de la mutuelle mettent en péril les droits des adhérents ayant cotisé ; que l'objectif ainsi poursuivi se rattache à la "protection des droits d'autrui" au sens des stipulations précitées du paragraphe 2 de l'article 11 de la convention ; qu'en raison tant de la justification de cette restriction que des garanties prévues par l'article L. 531-4 du code de la mutualité, qui dispose que les administrateurs doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer le fonctionnement régulier de la mutuelle et que leur nomination est limitée à 6 mois, renouvelable une fois, et compte tenu de la marge d'appréciation que l'article 11, paragraphe 2, de la convention réserve au législateur national, les dispositions de l'article L. 531-4 du code de la mutualité ne sont, en tout état de cause, pas incompatibles avec les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la décision attaquée serait dépourvue de base légale du fait de l'incompatibilité de l'article L. 531-4 du code de la mutualité avec les stipulations précitées de l'article 11 de la convention ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le défaut de mention des voies et délais de recours n'entache pas d'irrégularité la décision attaquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-6 du code de la mutualité : "Dans tous les cas mentionnés aux articles L. 531-2, L. 531-3, L. 531-4 et L. 531-5, la commission statue après une procédure contradictoire. Les intéressés peuvent demander à être entendus. Ils peuvent se faire représenter ou assister ( ...)" ; qu'aux termes des l'article L. 531-3 du code de la mutualité : "Lorsque le fonctionnement d'une mutuelle n'est pas conforme aux dispositions du présent code ou aux dispositions de ses statuts ou qu'il compromet son équilibre financier, la commission peut enjoindre à la mutuelle de présenter un programme de redressement. Si ce programme ne permet pas le redressement nécessaire, la commission peut, après avertissement adressé à la mutuelle, recourir à la procédure prévue à l'article L. 531-4" ; que l'article L. 531-4 du même code prévoit qu' :"En cas d'irrégularité grave constatée dans le fonctionnement d'une mutuelle, ou si des difficultés financières de nature à mettre en cause l'existence d'une mutuelle persistent sans que les instances dirigeantes réussissent à y faire face, la commission peut confier les pouvoirs dévolus au conseil d'administration à un ou plusieurs administrateurs provisoires./ Le ou les administrateurs provisoires prennent toutes les mesures qui s'avèrent nécessaires pour assurer le fonctionnement régulier de la mutuelle et provoquent des élections afin de renouveler le conseil d'administration" ; qu'aux termes de l'article R. 531-4 du code de la mutualité : "Lors de l'audition, le rapporteur, choisi parmi les membres de l'inspection générale des affaires sociales et les agents ou fonctionnaires commissionnés mentionnés à l'article L. 531-1-2, présente l'affaire./ Le président peut faire entendre toute personne dont il estime l'audition utile./ Le secrétaire général et le commissaire du gouvernement peuvent présenter des observations./ Le représentant de la mutuelle et, le cas échéant, son conseil doivent dans tous les cas pouvoir prendre la parole en dernier" ;
Considérant que si les requérants soutiennent que l'un des membres de la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance ayant siégé le 13 juillet 1999 ne pouvait se prononcer sur la situation de la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE au motif qu'un contentieux l'aurait opposé à celle-ci, ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ; qu'eu égard à la nature de la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance et au fait que la décision qu'elle prend lorsqu'elle désigne un ou plusieurs administrateurs provisoires en application des dispositions de l'article L. 531-4 du code de la mutualité a le caractère d'une mesure conservatoire et non d'une sanction, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6-1 ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'Etat à l'encontre d'une telle décision ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles R. 531-1, deuxième alinéa, R. 531-2, R. 531-4, R. 531-5 et R. 531-6 du code de la mutualité que les règles de quorum et de procédure prévues par ces dispositions ne s'appliquent que lorsque la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance statue en matière disciplinaire ; que la décision par laquelle la commission, en application des dispositions précitées de l'article L. 531-4 du code de la mutualité, nomme un ou des administrateurs provisoires ne constitue pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, une sanction disciplinaire ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient intervenues à l'issue d'une procédure méconnaissant les dispositions de l'article R. 531-4, selon lesquelles "Le secrétaire général et le commissaire du gouvernement peuvent présenter des observations", est inopérant ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-6 du code de la mutualité : "Danstous les cas mentionnés aux articles L. 531-2, L. 531-3, L. 531-4 et L. 531-5, la commission statue après une procédure contradictoire. Les intéressés peuvent demander à être entendus. Ils peuvent se faire représenter ou assister ( ...)" ; que si les requérants soutiennent que la procédure contradictoire prévue par l'article L. 531-6 du code de la mutualité n'a pas été respectée dès lors que les faits reprochés à la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE ne lui auraient pas été préalablement communiqués, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée se fonde, pour justifier la nomination d'un administrateur provisoire, soit sur des observations qui figuraient au rapport définitif de contrôle rédigé par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France, auxquelles la mutuelle requérante a été mise à même de répondre, soit sur des griefs qui lui ont été communiqués lors de l'audition à laquelle il a été procédé le 13 juillet 1999 ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 531-6 du code de la mutualité ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1-1 du code de la mutualité, la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance "veille au respect par les mutuelles des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont propres./ Elle s'assure que les mutuelles sont toujours en mesure de remplir les engagements qu'elles ont contractés à l'égard des adhérents et qu'elles présentent la marge de sécurité prescrite ( ...)" ; que ces dispositions, ainsi que celles précitées de l'article L. 531-4, ont pour objet de permettre à la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance de prendre, en fonction de la nature et de la gravité des difficultés ou irrégularités constatées dans le fonctionnement administratif ou financier d'une mutuelle, les mesures destinées à remédier aux situations visées par les dispositions législatives précitées ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE a instauré, entre les trois couvertures maladie qu'elle proposait, une discrimination entre membres ou catégories de membres en imposant une surtarification globale de nature à léser les intérêts des adhérents au régime nommé "garantie de santé" ; que, contrairement aux dispositions de l'article L. 121-2 du code de la mutualité, elle n'a pas été en mesure de justifier cette discrimination "par les risques apportés, les cotisations fournies ou la situation de famille des intéressés" ; que l'examen du fonctionnement de la mutuelle a également mis en évidence une violation de l'article L. 125-7 du même code qui "interdit aux administrateurs de prendre ou de conserver un intérêt dans une entreprise ayant traité avec la mutuelle" ; que la mutuelle n'a pas été, en outre, en mesure de justifier certaines des indemnités versées à ses administrateurs au regard des dispositions de l'article L. 125-5 du code de la mutualité, qui prévoient que, sauf délibération de l'assemblée générale : "Les fonctions de membre du conseil d'administration sont gratuites" ; que l'examen des comptes de la mutuelle a, enfin, fait apparaître qu'elle avait détenu une créance sur une même personne morale supérieure à dix pour cent de son actif, contrairement aux dispositions de l'article R. 124-6 du code de la mutualité ; qu'en estimant au vu de cet ensemble de circonstances, qu'existaient, au sens de l'article L. 531-4 du code de la mutualité, des irrégularités graves dans le fonctionnement de la mutuelle de nature à justifier la nomination d'un administrateur provisoire, la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance n'a pas entaché sa décision d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE et M. X... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 13 juillet 1999 par laquelle la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance a nommé M. Georges Y... administrateur provisoire de la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE pour une période de six mois ;
Article 1er : Les requêtes de la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE et de M. X... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE DE FRANCE, à M. Michel X..., à la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 211287
Date de la décision : 22/11/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

42-01 MUTUALITE ET COOPERATION - MUTUELLES.


Références :

Code de la mutualité L531-4, L531-6, L531-3, R531-4, R531-1, L531-1-1, L121-2, L125-7, L125-5, R124-6
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6


Publications
Proposition de citation : CE, 22 nov. 2000, n° 211287
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Donnat
Rapporteur public ?: Mme Boissard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:211287.20001122
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