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27/11/2000 | FRANCE | N°207489

France | France, Conseil d'État, 1 / 2 ssr, 27 novembre 2000, 207489


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 6 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE BESANCON (Doubs), représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE BESANCON demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 25 février 1999 de la cour administrative d'appel de Nancy la condamnant à payer la somme de 156 768,50 F à Mme X... et celle de 50 218,16 F à la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon à la suite de l'accident survenu à Mme X... le 17 décembre 1990 ;
2°) sta

tuant au fond en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 198...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 6 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE BESANCON (Doubs), représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE BESANCON demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 25 février 1999 de la cour administrative d'appel de Nancy la condamnant à payer la somme de 156 768,50 F à Mme X... et celle de 50 218,16 F à la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon à la suite de l'accident survenu à Mme X... le 17 décembre 1990 ;
2°) statuant au fond en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de rejeter les demandes de Mme X... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les observations de de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la VILLE DE BESANCON et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme Marie-Françoise X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nancy, statuant en appel d'un jugement du tribunal administratif de Besançon, a déclaré la VILLE DE BESANCON responsable en totalité des conséquences de l'accident survenu à Mme X... le 17 décembre 1990 dans un passage souterrain piétonnier situé sous l'avenue Louise Michel et l'a condamnée à indemniser la victime et la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon ;
Sur la responsabilité de la VILLE DE BESANCON :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis qu'en estimant que, dans les circonstances de l'espèce, il appartenait à la VILLE DE BESANCON de dégager le passage souterrain du verglas qui s'y était formé à la suite des chutes de neige qui s'étaient produites les jours précédents ou, à tout le moins, de signaler le danger que la présence de ce verglas représentait pour les usagers et que la ville n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, de l'entretien normal de l'ouvrage public, la cour administrative d'appel de Nancy s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation et n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'ainsi la VILLE DE BESANCON n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il décide que les conséquences dommageables de la chute dont a été victime Mme X... dans le passage souterrain engagent sa responsabilité ;
Sur l'existence d'une faute de la victime :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme X... qui habitait à proximité du passage souterrain où s'est produit l'accident connaissait les lieux et que, compte tenu des conditions météorologiques des jours précédents, elle pouvait raisonnablement s'attendre à la présence de verglas dans le passage ; qu'elle n'a pas pris toutes les précautions qu'exigeait la situation ; que, dans ces conditions, en estimant que Mme X... n'avait commis aucune imprudence, la cour administrative d'appel a procédé à une inexacte qualification du comportement de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE BESANCON est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel en tant qu'il la déclare entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident litigieux ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur le partage de responsabilité :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en mettant à la charge de la VILLE DE BESANCON les deux tiers des conséquences dommageables de l'accident ;
Sur le préjudice :

Considérant que les pertes de salaires dont a justifié Mme X... s'élèvent à 6 768,50 F ; que les frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, de kinésithérapie et de transport consécutifs à l'accident se sont élevés à 50 218,60 F ; que, les séquelles de l'accident entraînant pour Mme X... une incapacité permanente partielle de 15 %, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature qu'elle subit dans ses conditions d'existence en les évaluant à 120 000 F, dont la moitié au titre des troubles physiologiques ; que le préjudice résultant des souffrances physiques endurées et le préjudice esthétique qu'elle a subis peuvent être évalués à la somme globale de 30 000 F ; que Mme X... ne justifie, en revanche, d'aucun préjudice moral distinct des préjudices déjà mentionnés ; que ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité de 5 000 F pour ce chef de préjudice ne peuvent, dès lors, être accueillies ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total du préjudice imputable à l'accident subi par Mme X... s'élève à 206 986,56 F et que le préjudice indemnisable s'élève aux deux tiers de cette somme, soit à 137 991,04 F ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon, qui a été mise en cause en première instance et a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la ville à lui rembourser le montant de ses débours consécutifs à l'accident subi par Mme X... et à qui le jugement du tribunal administratif écartant toute responsabilité de la ville a été notifié le 7 mars 1996, n'a présenté devant la cour administrative d'appel de Nancy de conclusions tendant à ce que la ville de Besançon soit condamnée à lui rembourser le montant des sommes qu'elle avait exposées en faveur de Mme X... qu'après l'expiration du délai d'appel ; que ces conclusions sont tardives et, par suite, irrecevables ;
Sur les droits de Mme X... :
Considérant qu'en dépit de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon tendant au remboursement des sommes exposées par elle, il y a lieu, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour fixer le montant de l'indemnité due à Mme X..., de défalquer de la part de la condamnation mise à la charge de la VILLE DE BESANCON représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime qui s'élève à 77 991,04 F, le montant des sommes exposées par la caisse ; que l'indemnité à laquelle peut prétendre Mme X... s'élève en conséquence à 87 772, 98 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que l'indemnité de 87 772,98 F due à Mme X... portera intérêts à compter du 6 mai 1993, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Besançon ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que Mme X... a demandé la capitalisation des intérêts le 29 avril 1996 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, en application de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la VILLE DE BESANCON la somme de 2 800 F correspondant aux frais de l'expertise ordonnée en première instance ; qu'en revanche, la production du rapport de Météo-France n'ayant pas été ordonnée par le juge administratif, les conclusions de Mme X... tendant à ce que les frais qu'elle a exposés pour obtenir ce rapport soient mis à la charge de la VILLE DE BESANCON au titre des dépens ne peuvent être accueillies ;
En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner la VILLE DE BESANCON à payer à Mme X... une somme de 8 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que la VILLE DE BESANCON obtienne la somme qu'elle demande au même titre ;
Article 1er : Les articles 2 à 6 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 25 février 1999 sont annulés.
Article 2 : La VILLE DE BESANCON est condamnée à verser à Mme X... la somme de 87 772,98 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 6 mai 1993. Les intérêts échus le 29 avril 1996 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Besançon sont mis à la charge de la VILLE DE BESANCON.
Article 4 : La VILLE DE BESANCON est condamnée à verser à Mme X... une somme de 8 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon devant la cour administrative d'appel de Nancy sont rejetées.
Article 6 : Le surplus des conclusions de Mme X... devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejeté.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la VILLE DE BESANCON devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE BESANCON, à Mme Françoise X..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 207489
Date de la décision : 27/11/2000
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - DROITS DES CAISSES DE SECURITE SOCIALE - Mise en cause d'une caisse primaire en première instance - Demande tendant au remboursement du montant des débours consécutifs à l'accident subi par la victime - Notification à la caisse du jugement écartant toute responsabilité - Conclusions de la caisse présentées en appel après l'expiration du délai de recours - Irrecevabilité pour tardiveté.

60-05-04 Recours en responsabilité consécutif à un accident - Caisse primaire d'assurance maladie mise en cause en première instance et ayant demandé au tribunal administratif de condamner la commune à lui rembourser le montant des débours consécutifs à l'accident subi par Mme R.. Jugement écartant toute responsabilité de la commune notifié à la caisse. Dans ces conditions, les conclusions de la caisse tendant à la condamnation de la commune présentées à la cour après l'expiration du délai d'appel sont tardives. Irrecevabilité des conclusions.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - DROITS DES CAISSES DE SECURITE SOCIALE - IMPUTATION DES DROITS A REMBOURSEMENT DE LA CAISSE - ARTICLE L - 376-1 (ANCIEN ARTICLE L - 397) DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE - Condamnation d'une commune à la réparation d'un préjudice consécutif à un accident - Irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie tendant au remboursement des sommes exposées par elle - Déduction du montant des sommes exposées par la caisse de la part de la condamnation mise à la charge de la commune représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime - Existence.

60-05-04-01-01 Condamnation d'une commune à la réparation d'un préjudice consécutif à un accident. En dépit de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie tendant au remboursement des sommes exposées par elle, il y a lieu, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour fixer le montant de l'indemnité due à la victime, de défalquer le montant des sommes exposées par la caisse de la part de la condamnation mise à la charge de la commune représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime.


Références :

Code civil 1154
Code de la sécurité sociale L376-1
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2000, n° 207489
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mlle Landais
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:207489.20001127
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