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27/11/2000 | FRANCE | N°207896

France | France, Conseil d'État, 1 / 2 ssr, 27 novembre 2000, 207896


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Victor X..., demeurant à Fort-de-France (97200), Pont Démosthène, Immeuble Sobesky, appt. n° 3 ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 février 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie en appel d'un jugement du 26 mars 1996 du tribunal administratif de Fort-de-France, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'équipement

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Victor X..., demeurant à Fort-de-France (97200), Pont Démosthène, Immeuble Sobesky, appt. n° 3 ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 février 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie en appel d'un jugement du 26 mars 1996 du tribunal administratif de Fort-de-France, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'équipement, des transports et du logement rejetant son recours hiérarchique contre la décision du 18 février 1993 du directeur départemental de l'équipement de la Martinique confirmant le retrait définitif de sa carte de docker et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 500 000 F au titre du préjudice subi ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu la loi n° 92-496 du 9 juin 1992 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Donnat, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Bordeaux que M. X... avait soulevé devant celle-ci un moyen tiré de ce que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas établis ; que la cour administrative d'appel n'a pas répondu à ce moyen et a ainsi entaché son arrêt d'irrégularité ; que M. X... est fondé à en demander pour ce motif l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie"; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que selon l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 18 février 1993 par laquelle le directeur départemental de l'équipement de la Martinique a confirmé le retrait définitif de la carte de docker occasionnel de M. X... ne comportait aucune indication des voies et délais de recours ; que, le délai de recours n'ayant, dès lors, pas commencé à courir, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a considéré que le recours hiérarchique présenté par M. X... à l'encontre de cette décision le 8 juin 1993 avait été présenté après l'expiration de ce délai et que sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois sur son recours hiérarchique, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Fort-de-France le 30 novembre 1993, était tardive ; qu'ainsi, le jugement du 26 mars 1996 du tribunal administratif de Fort-de-France doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Fort-de-France ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande :

Considérant qu'en vertu de l'article 10 de l'arrêté du 25 août 1939 du gouverneur de la Martinique réglementant l'accès dans les dépendances des quais et prescrivant des mesures de police dans le port de Fort-de-France, la carte dont doivent être munis les ouvriers dockers peut être retirée par l'inspecteur du travail "en cas de faute grave portant atteinte à la sécurité ou à la bonne exploitation des navires ou des installations portuaires des compagnies de navigation, d'outrage par geste, parole ou menace au personnel sédentaire ou navigant du port" ; que si l'article L. 611-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 juin 1992, confiait les attributions des inspecteurs du travail et de la main-d'oeuvre dans les établissements soumis au contrôle techniquedes ministères chargés des travaux publics, des transports et du tourisme aux fonctionnaires relevant de ces départements ministériels, l'article 2 de la loi du 9 juin 1992 a prévu que ces dispositions n'étaient pas applicables aux entreprises de manutention dans les ports maritimes ; qu'il s'ensuit qu'à la date de la décision litigieuse, le directeur départemental de l'équipement de la Martinique n'était plus compétent sur le fondement de l'article L. 611-4 du code du travail pour prononcer le retrait de la carte de docker occasionnel de M. X... ; que la conventtion collective signée le 20 mai 1983 par le syndicat des manutentionnaires et consignataires de navires et le syndicat professionnel des ouvriers dockers et parties similaires de la Martinique dont l'article 3-6 stipule que "le retrait des cartes ne peut être effectué que par le directeur départemental de l'équipement. Ce retrait se produit pour les raisons suivantes : ( ...) au titre des sanctions ( ...)", ne peut avoir pour effet de modifier la répartition des compétences entre l'inspecteur du travail et le directeur départemental de l'équipement telles qu'elles résultent des textes législatifs et réglementaires en vigueur ; que si, en outre, en vertu des dispositions combinées des articles R. 121-1, R. 351-1, R. 351-2 et R. 341-1 et suivants du code des ports maritimes applicables au port de Fort-de-France, le directeur départemental de l'équipement a, en vertu de ses pouvoirs de police, le droit d'interdire l'accès au port de certaines personnes, ce pouvoir ne comporte pas celui de prononcer le retrait de la carte de docker ; que, dès lors, la décision du 18 février 1993 par laquelle le directeur départemental de l'équipement de la Martinique a confirmé le retrait définitif de la carte de docker occasionnel de M. X... a été prise par une autorité incompétente ; que M. X... est, en conséquence, fondé à demander l'annulation de cette décision, ainsi que celle de la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le recours hiérarchique qu'il lui avait adressé ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que ces conclusions n'ont pas été précédées d'une demande préalable et que le ministre de l'équipement, des transports et du logement n'a pas conclu au fond sur les prétentions du requérant à l'indemnité réclamée ; qu'ainsi, le contentieux n'a pas été lié en ce qui concerne ces conclusions qui sont, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991:

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 février 1999 est annulé.
Article 2 : Le jugement du 26 mars 1996 du tribunal administratif de Fort-de-France, la décision du directeur départemental de l'équipement du 18 février 1993 confirmant le retrait définitif de la carte de docker occasionel de M. X... et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'équipement, des transports et du logement sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Victor X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 1 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 207896
Date de la décision : 27/11/2000
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - COMPETENCE EN MATIERE DE DECISIONS NON REGLEMENTAIRES - AUTRES AUTORITES - CAPossibilité pour une convention collective de modifier la répartition des compétences prévue par les textes législatifs et réglementaires en vigueur - Absence - Pouvoirs de police du directeur départemental de l'équipement - Droit d'interdire l'accès au port de certaines personnes - Existence - Pouvoir de prononcer le retrait de la carte de docker - Absence - nonobstant la circonstance que l'ait prévu une convention collective.

01-02-03-05, 50-025 Une convention collective ne peut avoir pour effet de modifier la répartition des compétences entre l'inspecteur du travail et le directeur départemental de l'équipement telles qu'elles résultent des textes législatifs et réglementaires en vigueur. Si le directeur départemental de l'équipement a, en vertu de ses pouvoirs de police, le droit d'interdire l'accès au port de certaines personnes, ce pouvoir ne comporte pas celui de prononcer le retrait de la carte de docker, nonobstant la circonstance que l'ait prévu la convention collective signée par le syndicat des manutentionnaires et consignataires de navires et le syndicat professionnel des ouvriers dockers et parties similaires de la Martinique.

PORTS - POLICE DES PORTS - CAPouvoirs de police du directeur départemental de l'équipement - Droit d'interdire l'accès au port de certaines personnes - Existence - Pouvoir de prononcer le retrait de la carte de docker - Absence - nonobstant la circonstance que l'ait prévu une convention collective.


Références :

Arrêté du 25 août 1939 art. 10
Code des ports maritimes R121-1, R351-1, R351-2, R341-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R104
Code du travail L611-4
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 92-496 du 09 juin 1992 art. 2, art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2000, n° 207896
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mlle Landais
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:207896.20001127
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