Vu la requête enregistrée le 7 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d' Etat, présentée par M. Hanefija X..., demeurant ... ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d' Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 1999 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 1999 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de condamner le préfet de police à lui verser la somme de 8 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et notamment son article 75-I ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité yougoslave, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 août 1998, de la décision du préfet de police du 21 août 1998, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., qui, s'il a la nationalité yougoslave est de confession musulmane, est entré en France en 1992 ; qu'il vit maritalement depuis cinq ans avec une compatriote appartenant à la population du Kosovo d'origine albanaise, titulaire d'un titre de séjour et d'un emploi stable, qu'il a d'ailleurs ultérieurement épousée ; qu'il élève la fille de sa compagne, scolarisée en France et issue d'une précédente union ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté du préfet de police en date du 4 janvier 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé a porté au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, qu'il a par suite méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la mesure de reconduite prise à son encontre ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 8 000 francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 24 novembre 1999 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 7 janvier 1999 du préfet de police ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... la somme de 8 000 F au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Hanefija X..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.