Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 28 mai 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Daniel DRAI, demeurant 58, cours Vitton à Lyon (69006) ; M. DRAI demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 3 février 1998 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 mars 1997 du conseil régional de Rhône-Alpes infligeant la peine de l'interdiction d'exercer la médecine pendant six mois, a décidé que cette peine prendrait effet le 1er juillet 1998 et cesserait de porter effet le 31 décembre 1998 à minuit et a mis à sa charge les frais de l'instance, d'un montant de 1 163 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil, notamment son article 1351 ;
Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 395 et L. 417 ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le décret 79-506 du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Dumortier , Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. DRAI et la SCP Vier, Barthélemy du Conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de M. Schwartz , Commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 395 et L. 417 du code de la santé publique :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 395 du code de la santé publique en vigueur à la date de la décision attaquée : "Le conseil départemental n'a pas de pouvoir disciplinaire. Au cas où des plaintes sont portées devant lui contre des médecins, il les transmet au conseil régional avec un avis motivé" ; qu'aux termes de l'article L. 417 du même code : "Le conseil régional exerce, au sein de l'Ordre des médecins, la compétence disciplinaire en première instance./ Le conseil régional peut être saisi par le Conseil national ou par les conseils départementaux de l'Ordre ou les syndicats de médecins de son ressort, qu'ils agissent de leur propre initiative ou à la suite de plaintes. Il peut également être saisi par le ministre de la santé publique et de la population, par le directeur départemental de la santé, par le préfet, par le procureur de la République, ou par un médecin inscrit au tableau de l'Ordre. ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que le conseil départemental de l'Ordre des médecins du Rhône, par une délibération du 14 mars 1996 a transmis au conseil régional de l'Ordre des médecins de Rhône-Alpes, sans s'y associer, la plainte contre M. DRAI portée devant lui pour Mademoiselle L., mineure au moment des faits, par son père ; que la plainte ainsi transmise a ensuite été retirée ; que, par une décision du 14 septembre 1996, le conseil régional de l'Ordre des médecins de Rhône-Alpes en a pris acte en constatant qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur cette plainte ; que cette décision qui n'a pas été contestée est devenue définitive ;
Considérant, toutefois, que cette décision mettant définitivement fin à l'instance disciplinaire engagée contre M. DRAI par la transmission de la plainte de Mlle L ..., sur le fondement de l'article L. 395 précité du code de la santé publique, ne faisait pas obstacle à ce que le conseil départemental de l'Ordre des médecins du Rhône fît usage du pouvoir propre de saisine que lui confère l'article L. 417 du même code pour demander au conseil régional d'infliger à M. DRAI une sanction en raison des mêmes faits ; qu'ainsi, en jugeant que la plainte du conseil départemental sur laquelle le conseil régional s'est prononcé par décision du 8 mars 1997 était recevable, la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins n'a méconnu ni la décision du conseil régional du 14 septembre 1996 ni les articles L. 395 et L. 417 précités du code de la santé publique ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 33 du code de déontologie médicale dans sa rédaction à la date des faits : "Tout médecin doit s'abstenir, même en dehors de l'exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : "Le médecin ne doit jamais se départir d'une attitude correcte et attentive envers le malade. Il doit respecter la dignité de celui-ci" ;
Considérant que, pour infliger à M. DRAI la sanction contestée, la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins s'est fondée sur le fait que ce praticien avait filmé à leur insu, à l'aide d'un camescope, au moins trois des patientes qui s'étaient confiées à lui pour une consultation gynécologique et a estimé que ces agissements, nonobstant toute excuse liée à l'exécution par M. DRAI d'une recherche scientifique, étaient attentatoires à la dignité de ses patientes et de nature à déconsidérer la profession ; que sa décision ne repose pas sur une inexacte qualification des faits ; qu'en estimant que ceux-ci étaient constitutifs d'un manquement à l'honneur professionnel, la section disciplinaire n'a pas fait une inexacte application de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. DRAI n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La requête de M. DRAI est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel DRAI, au Conseil national de l'Ordre des médecins, au conseil départemental de l'Ordre des médecins du Rhône et au ministre de l'emploi et de la solidarité.