Vu 1°), sous le n° 202076, la requête enregistrée le 24 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT" demeurant ... ; l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT" demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir l'article 1er du décret n° 98-1040 du 18 novembre 1998 portant modification de la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle, en tant qu'il insère un article R. 321-9 nouveau au chapitre 1er du II du livre III de ce code ;
Vu 2°), sous le n° 203626, la requête enregistrée le 19 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Jacques X..., agissant en qualité de gérant de la société Groupement des artistes et concepteurs-créateurs d'environnement (G.R.A.C.E.), dont le siège est ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er du décret n° 98-1040 du 18 novembre 1998 portant modification de la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle, en tant qu'il insère un article R. 321-9 nouveau au chapitre 1er du titre II du livre III de ce code ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 et par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Benassayag, Conseiller d'Etat,
- de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre de la culture et de la communication,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT" et de la SOCIETE "GROUPEMENT DES ARTISTES ET CONCEPTEURS-CREATEURS D'ENVIRONNEMENT" (G.R.A.C.E.) sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions du ministre de la culture tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement de la société G.R.A.C.E. :
Considérant que la requête de la société G.R.A.C.E. ne mentionne pas l'intention de la requérante de présenter un mémoire complémentaire ; que, dès lors, le ministre de la culture n'est pas fondé, quel que soit l'intitulé de ladite requête, à demander en application de l'article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 susvisé, et au motif qu'aucun mémoire complémentaire n'a été produit dans le délai de quatre mois, que le Conseil d'Etat donne acte du désistement de la requérante ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête de la société G.R.A.C.E. :
Sur la légalité du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, modifié par l'article 4-2 de la loi n° 97-283 du 27 mars 1997, codifié à l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, les sociétés de perception et de répartition des droits ... "utilisent à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d'artistes : 1° 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée ; 2° La totalité des sommes perçues en application des articles L. 122-10, L. 132-20-1, L. 214-1, L. 217-2 et L. 311-1 et qui n'ont pu être réparties à l'expiration du délai prévu au dernier alinéa de l'article L. 321-1." ; que le décret attaqué insère au code de la propriété intellectuelle un article R. 321-9 ainsi rédigé : "L'aide à la création mentionnée à l'article L. 321-9 s'entend : a) D'une part, des concours apportés à la création d'une oeuvre, à son interprétation, à la première fixation d'une oeuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme ; b) D'autre part, des actions propres à assurer la défense et la promotion de la création. L'aide à la formation d'artistes mentionnée au même article s'entend de la formation d'auteurs et de la formation d'artistes-interprètes" ;
Considérant que l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT" et la société G.R.A.C.E. soutiennent que l'autorité titulaire du pouvoir réglementaire aurait, ce faisant, donné de l'aide à la création définie à l'article L. 321-9 une interprétation illégale, car trop extensive, et aurait eu en réalité pour objectif de légaliser des pratiques non conformes à la loi des sociétés de perception et de répartition des droits ;
Considérant, d'une part, que si le législateur, par l'article L. 321-9, a entendu exclure de l'aide que peuvent accorder les sociétés de perception et de répartition des droits toute aide à la diffusion, l'aide accordée à la première fixation d'une oeuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme constitue non une aide à la diffusion de cette oeuvre ou de cette interprétation mais une aide à la création au sens de la loi ; que l'aide à la formation peut légalement concerner tant les auteurs que les artistes-interprètes ;
Considérant, d'autre part, que l'auteur du décret attaqué pouvait légalement prévoir que l'aide serait également accordée aux actions propres à assurer la défense et la promotion de la création dès lors que le b) de l'article R. 321-9, résultant du décret attaqué, ne saurait être regardé comme autorisant l'emploi de fonds au soutien d'actions, d'opérations ou de manifestations qui n'auraient pas directement pour objet la création d'oeuvres ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT" et la société G.R.A.C.E. ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret attaqué ;
Sur les conclusions de l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT" et de la société G.R.A.C.E. tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT" et à la société G.R.A.C.E. les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions du ministre de la culture tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT" et la société G.R.A.C.E. à payer à l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes de l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT" et de la société G.R.A.C.E. sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions du ministre de la culture et de la communication tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION "PROTECTION DES AYANTS DROIT", à la société G.R.A.C.E., au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.