Vu la requête, enregistrée le 21 février 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Karim X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 14 octobre 1999, par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 1998 du préfet de la Seine-Saint-Denis ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 3 juin 1998, de la décision du 18 mai 1998 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'épouse de M. X..., qui est titulaire d'une carte de résident et dont toute la famille est installée et intégrée en France, était, à la date de l'arrêté attaqué, enceinte de plus de huit mois ; que le fils du requérant est d'ailleurs né en France le 25 octobre 1998, peu après la notification, le 8 octobre 1998, de l'arrêté du 6 octobre 1998 ordonnant que M. X... soit reconduit à la frontière ; que, dans ces conditions, M. X... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, qui est intervenu alors que la naissance de son premier enfant était très proche, a porté à son droit à une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît, de ce fait, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 octobre 1998, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné qu'il soit reconduit à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris, en date du 14 octobre 1999 et l'arrêté du 6 octobre 1998 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné la reconduite de M. X... à la frontière, sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Karim X..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.