Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 22 décembre 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jacques X..., demeurant à Charnelles (27130) Piseux ; M. et Mme X... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 16 mai 1995 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il n'a qu'en partie seulement annulé l'arrêté du 6 décembre 1989 par lequel le préfet de l'Eure a déclaré d'intérêt général et d'utilité publique la dixième tranche de travaux d'assainissement agricole réalisés par le Syndicat intercommunal d'assainissement des Deux-Vallées sur les communes de Tillières-sur-Avre, Courteilles et Piseux ;
2°) annule pour excès de pouvoir en totalité cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural, et notamment son article 175 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 175 du code rural dans sa rédaction applicable à l'espèce : "Les départements, les communes ainsi que les groupements de ces collectivités et les syndicats mixtes créés en application de l'article L. 166-1 du code des communes peuvent prescrire ou exécuter les travaux entrant dans les catégories ci-dessous définies, lorsqu'ils présentent, du point de vue agricole ou forestier ou du point de vue de l'aménagement des eaux, un caractère d'intérêt général ou d'urgence : ... 5° Assainissement des terres humides et insalubres" ; que les requérants soutiennent que l'arrêté préfectoral attaqué ne pouvait légalement déclarer d'intérêt général la dixième tranche des travaux d'assainissement des Deux-Vallées, dans l'Eure, dès lors qu'elle porte sur des terres humides mais non insalubres ;
Considérant qu'il est constant que, pour déclarer d'intérêt général, par son arrêté attaqué, les travaux d'assainissement agricole décidés par le Syndicat intercommunal d'assainissement des Deux-Vallées sur différentes parcelles d'un même bassin versant situées sur les communes de Courteilles, Piseux et Tillières-sur-Avre, le préfet de l'Eure s'est fondé sur les dispositions du 5° de l'article 175 précitées ; qu'en se fondant sur la circonstance que les terres agricoles qu'il s'agissait d'assainir étaient humides sans rechercher si elles étaient également insalubres, c'est-à-dire si elles présentaient des risques pour la santé, le préfet a méconnu la portée du texte précité ; que, dès lors, l'arrêté en cause est dépourvu de base légale et doit, en conséquence, être annulé en totalité ; que, par suite, M. et Mme X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen n'a pas annulé totalement, comme ils le lui demandaient, l'arrêté du préfet de l'Eure, en date du 6 décembre 1989, portant déclaration d'intérêt général des travaux d'assainissement agricole sur les communes de Tillières-sur-Avre, Courteilles et Piseux ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation totale de l'arrêté du préfet de l'Eure, en date du 6 décembre 1989, portant déclaration d'intérêt général des travaux d'assainissement agricole sur les communes de Tillières-sur-Avre, Courteilles et Piseux.
Article 2 : L'arrêté préfectoral du 6 décembre 1989 est annulé dans sa totalité.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jacques X..., à M. et Mme Jean-Claude Z..., à Mme Charles Y..., au syndicat intercommunal d'assainissement des Deux-Vallées, aux communes de Tillières-sur-Avre, Courteilles et Piseux, au préfet de l'Eure et au ministre de l'intérieur.