La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/12/2000 | FRANCE | N°199320

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 29 décembre 2000, 199320


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 septembre 1998 et 4 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Colette X... demeurant ... à La Grande Motte (34280) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 4 juin 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, à la demande de la société Hydro Agri Spécialités France : 1) annulé le jugement du 17 juin 1997 du tribunal administratif de Marseille annulant la décision du 6 juin 1994 par laquelle le ministre du travail, de l

'emploi et de la formation professionnelle a autorisé le licencieme...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 septembre 1998 et 4 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Colette X... demeurant ... à La Grande Motte (34280) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 4 juin 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, à la demande de la société Hydro Agri Spécialités France : 1) annulé le jugement du 17 juin 1997 du tribunal administratif de Marseille annulant la décision du 6 juin 1994 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a autorisé le licenciement de Mme X..., 2) rejeté ses demandes présentées devant ledit tribunal et 3) rejeté ses conclusions tendant au versement de la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) de statuer au fond et d'annuler les décisions en date des 7 décembre 1993 et 6 juin 1994 autorisant son licenciement ;
3°) de condamner la société Hydro Agri Spécialités France à lui verser une somme de 15 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de Mme X... et de la SCP Gatineau, avocat de la société Hydro Agri Spécialités France,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X..., membre du comité d'entreprise de la société Hydro Azote Spécialités France, se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, sur requête de la société, a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 17 juin 1997 qui avait annulé la décision en date du 6 juin 1994 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle avait confirmé l'autorisation de licenciement la concernant accordée le 7 décembre 1993 par l'inspecteur du travail ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Hydro Azote Spécialités France a engagé en juillet 1993 une procédure de licenciement collectif dans la perspective de la cessation à la fin de 1993 de son activité "jardin" qui était déficitaire ; qu'elle a notamment demandé le 11 août 1993 l'autorisation de licencier Mme X..., déléguée technico-commercial au sein de cette branche d'activité et par ailleurs membre du comité d'entreprise ; qu'un groupe d'anciens salariés de la société Hydro Azote Spécialités France a créé à compter du 3 janvier 1994 une nouvelle société "Europark" en vue de la reprise de l'activité jardin de la société Hydro Azote Spécialités France et de certains des moyens d'exploitation correspondant à cette activité ;
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail relatives aux conditions de licenciement respectivement des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel et du mandat de représentant syndical au comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
Considérant, en premier lieu que le mémoire du ministre de l'emploi et de la solidarité enregistré le 28 novembre 1997 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille ne comportait l'énoncé d'aucun moyen dont Mme X... n'avait pas déjà eu connaissance aucours de la procédure ; que, dès lors, la cour a pu, sans méconnaître les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 138 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, s'abstenir de communiquer ledit mémoire à la partie défenderesse avant de porter l'affaire au rôle de l'audience au cours de laquelle elle en a délibéré ;

Considérant, en deuxième lieu que la cour, après avoir relevé qu'un reclassement avait été recherché pour Mme X... au sein tant de l'entreprise que des sociétés appartenant au même groupe, a estimé que la société Hydro Agri Spécialités France a procédé à un examen particulier des possibilités de reclasser Mme X... ; qu'elle a ainsi porté sur les faits de l'espèce, qu'elle n'a pas dénaturés, une appréciation insusceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en troisième lieu, que les difficultés économiques d'une entreprise doivent être appréciées au regard du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'il ressort des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué et des pièces du dossier soumis au juge du fond que c'est sans entacher son arrêt ni d'une insuffisance de motivation ni d'une erreur de droit, que la cour administrative d'appel, pour écarter le moyen tiré de ce que les licenciements décidés par la société Hydro Agri Spécialités France n'auraient pas de justification économique, a jugé que la situation lourdement déficitaire de la branche jardin de la société Hydro Agri Spécialités France et les difficultés de ce secteur d'activité au sein du groupe auquel la société appartient justifiaient les licenciements auxquels il a été procédé ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour administrative d'appel, en énonçant qu'il n'est pas établi que le licenciement de Mme X... serait en rapport avec les fonctions représentatives qu'elle exerçait, a porté sur les faits de l'espèce, une appréciation insusceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 122-12 du code du travail : "La cessation de l'entreprise, sauf cas de force majeure, ne libère pas l'employeur de l'obligation de respecter le délai-congé et de verser, s'il y a lieu, l'indemnité prévue à l'article L. 122-9" ; que le second alinéa de l'article L. 122-12 dispose que : " S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise" ; qu'il ressort des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué que la cour a relevé que la société Hydro Agri Spécialités France avait supprimé à la fin de l'année 1993 son activité "jardin" et qu'un groupe d'anciens salariés de cette branche avaient constitué une société nouvelle, "Europark", à l'effet de poursuivre cette activité ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette société nouvelle dont le gérant était l'ancien directeur de l'activité "jardin" de la société Hydro Agri Spécialités France en avait repris une grande partie des moyens d'exploitation ; que, dès lors, la cour en ne recherchant pas si cette double circonstance ne constituait pas le transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité était reprise et en se bornant, pour juger que l'article L. 122-12 du code du travail ne trouvait pas à s'appliquer, à constater qu'à la date à laquelle l'autorisation contestée a été accordée, Mme X... continuait d'être employée par la société Hydro Agri Spécialités France, a entaché son arrêt d'une erreur de droit ;

Considérant toutefois que la création de la société "Europark" n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 122-12 du code du travail dès lors que l'activité "jardin" de la société Hydro Agri Spécialités France a cessé le 24 décembre 1993 et que les anciens salariés de cette société, qui ont procédé à compter du 3 janvier 1994 à la création d'"Europark", n'ont pu le faire que parce qu'ils avaient été préalablement licenciés par la société Hydro Agri Spécialités France et que leurs licenciements justifiés comme celui de Mme ARBAUD par des raisons économiques et devenus définitifs à la date de la création d'"Europark", s'étaient accompagnés du versement d'indemnités ; que ce motif, qui avait été invoqué devant les juges du fond et qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif, erroné en droit, retenu dans l'arrêt de la cour administrative d'appel dont il justifie le dispositif ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions de Mme X... et de la société Hydro Agri Spécialités France tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la société Hydro Agri Spécialités France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme X... à payer à la société Hydro Agri Spécialités France la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Hydro Agri Spécialités France tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Colette X..., à la société Hydro Agri Spécialités France et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 199320
Date de la décision : 29/12/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

66-07-01,RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES -CAMaintien du contrat de travail en cas de modification de la situation juridique de l'employeur (article L.122-12 du code du travail) - Champ d'application - Exclusion - Rachat de l'entreprise par ses salariés après leur licenciement (1).

66-07-01 Création d'une société, constituée par les employés d'une branche "jardin" supprimée par leur ancien employeur, à l'effet de poursuivre cette activité, en reprenant une grande partie des moyens d'exploitation de ladite branche, et gérée par l'ancien directeur de cette activité dans l'ancienne société. Cette création n'entre pas dans le champ d'application des dispositions du second alinéa de l'article L. 122-12 relatives au maintien du contrat de travail en cas de modification de la situation juridique de l'employeur, dès lors que l'activité "jardin" de l'ancienne société avait cessé avant la création de la nouvelle et que les salariés n'ont pu créer cette nouvelle société que parce qu'ils avaient préalablement été licenciés par leur employeur et que leurs licenciements, justifiés par des raisons économiques et devenus définitifs à la date de la création de la nouvelle société, s'étaient acoompagnés du versement d'indemnités.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R138
Code du travail L425-1, L436-1, L122-12
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. Cass. soc. 1989-03-07, RJS 1989, n° 295, Bull. IV, n° 180 ;

Cass. soc. 1997-11-12, n° 95-42-53, RJS 1998, n° 281 ;

Cass. Soc., n° 95-41-553


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2000, n° 199320
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Sauron
Rapporteur public ?: Mme Mignon
Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Courjon, SCP Gatineau, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:199320.20001229
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award