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29/12/2000 | FRANCE | N°209110

France | France, Conseil d'État, 2 ss, 29 décembre 2000, 209110


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juin 1999, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 février 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 septembre 1998 en tant qu'il fixait l'Algérie comme pays vers lequel sera reconduit M. Brahim Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordo...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juin 1999, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 février 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 septembre 1998 en tant qu'il fixait l'Algérie comme pays vers lequel sera reconduit M. Brahim Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 31 juillet 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bordry, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé l'article 2 de son arrêté du 8 septembre 1998 fixant l'Algérie comme pays vers lequel M. Brahim Y..., ressortissant algérien, sera reconduit à la frontière ; que M. Y... défère au Conseil d'Etat, par la voie de l'appel incident, ledit jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 1er du même arrêté, ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 24 mars 1998, de la décision du 9 mars 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée ne pouvait pas intervenir sans que sa situation au regard du droit au séjour ne soit réexaminée d'office par l'administration compte-tenu de la loi du 11 mai 1998 modifiant l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que la circonstance que la décision attaquée ne viserait pas l'accord franco-algérien est sans conséquence sur sa légalité ;
Considérant que si M. Y... fait valoir qu'il est entré en France depuis 1990, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant et qu'ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il suit de là que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision de reconduite à la frontière ;
Sur la légalité de la décision ordonnant la reconduite de M. Y... vers son pays d'origine :

Considérant que M. X... a reçu délégation du PREFET DE POLICE afin deformer les requêtes devant le Conseil d'Etat par l'arrêté n° 96-11928 du 2 décembre 1996 publié au bulletin municipal de la ville de Paris du 17 décembre 1996 ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir présentée par M. Y... doit être écartée ;
Considérant que le second alinéa de l'article 27 bis ajouté à l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la loi du 24 août 1993 dispose qu'"un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ..." ; que ce dernier texte énonce que : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants" ;
Considérant que, tant en première instance que devant le Conseil d'Etat, M. Y... s'est borné à faire état, d'une part, de son origine kabyle et de son appartenance à un parti d'opposition, d'autre part, du climat général d'insécurité régnant en Algérie et des actes de barbarie commis dans sa région d'origine, sans préciser ni justifier de façon probante les risques qu'il encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'article 2 de son arrêté du 8 septembre 1998 fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de M. Y... ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 1er du jugement en date du 5 février 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé la décision du PREFET DE POLICE en date du 8 septembre 1998 fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de M. Y... est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris, tendant à l'annulation de ladite décision est rejetée.
Article 3 : L'appel incident ainsi que les conclusions de M. Y... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 6 000 F sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Brahim Y..., et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 ss
Numéro d'arrêt : 209110
Date de la décision : 29/12/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 02 décembre 1996
Arrêté du 08 septembre 1998 art. 1
Loi du 24 août 1993
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 98-349 du 11 mai 1998
Ordonnance du 02 novembre 1945 art. 22, art. 27 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2000, n° 209110
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bordry
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:209110.20001229
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