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10/01/2001 | FRANCE | N°210141

France | France, Conseil d'État, 10 janvier 2001, 210141


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 juillet 1999 et 5 novembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Jacqueline A... demeurant ... à Rhode-Saint-Genese (Belgique) ; Mme Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 3 mai 1999 par lequel la cour administrative de Marseille a, sur recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 1997 condamnant l'Etat à lui verser la somme de 50 000 F en réparation du pré

judice subi du fait d'une erreur cadastrale ;
2°) de condamner l...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 juillet 1999 et 5 novembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Jacqueline A... demeurant ... à Rhode-Saint-Genese (Belgique) ; Mme Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 3 mai 1999 par lequel la cour administrative de Marseille a, sur recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 1997 condamnant l'Etat à lui verser la somme de 50 000 F en réparation du préjudice subi du fait d'une erreur cadastrale ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 767 400 F augmenté des intérêts légaux ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 472 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le mémoire en réplique enregistré le 6 décembre 2000 présenté pour Mme Z... ; Mme Z... conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu le décret n° 55-471du 30 avril 1955 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 761-1 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, Mme Z...,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre, "La révision du cadastre est effectuée en comparant les données de celui-ci avec l'état actuel des propriétés et en constatant les changements survenus" ; qu'aux termes de l'article 1426 du code général des impôts en vigueur au moment de l'opération de rénovation du cadastre de la commune d'Aix-en-Provence, effectuée en 1973 : "Les mutations cadastrales consécutives aux mutations de propriété sont faites à la diligence des propriétaires intéressés. Dans les communes à cadastre rénové, aucune modification de la situation juridique d'un immeuble ne peut faire l'objet d'une mutation si l'acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n'a pas été préalablement publié au fichier immobilier" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que, lorsqu'à la suite d'opérations de révision du cadastre, l'administration est saisie d'une demande tendant à la modification des énonciations portées sur les documents cadastraux relatives à la situation juridique d'une parcelle et qu'un litige s'élève sur le droit de propriété, elle est tenue de se conformer à la situation de propriété telle qu'elle a été constatée pour l'élaboration des documents cadastraux et ne peut que refuser la modification demandée tant qu'une décision judiciaire ou un accord entre les intéressés n'est pas intervenu ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la parcelle appartenant à Mme X..., mère de Mme Z..., enregistrée à l'ancien cadastre de la commune d'Aix-en-Provence sous le numéro 1627 section D pour une contenance de 50 a 25 ca a été inscrite au cadastre rénové de la commune lors des opérations de rénovation intervenues en 1973 sous le n° EA 10 pour une contenance de 28 a 39 ca après déplacement de sa limite nord ; que, sur réclamation de Mme X..., le service du cadastre a écrit à celle-ci le 27 février 1974 qu'il avait commis une erreur et que celle-ci allait être rectifiée, mais n'en a rien fait malgré plusieurs réclamations de la propriétaire de la parcelle ;
Considérant que l'administration a laissé croire aux consorts Y... que la limite parcellaire résultant du nouveau cadastre pourrait être replacée à son tracé antérieur par simple rectification unilatérale, alors que cette modification de la désignation parcellaire notifiée au propriétaire voisin nécessitait son accord, et en négligeant d'informer ce dernier de la contestation réitérée des consorts Y... sur l'emplacement de cette limite ; qu'ainsi, en jugeant que le service du cadastre n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de Mme Z..., la cour a donné aux faits dont elle était saisie une qualification juridique erronée ; que son arrêt doit donc être annulé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justicele justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et la requête de Mme Z... sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant que comme il a été dit plus haut, le service du cadastre de la commune d'Aix-en-Provence a, par sa négligence, commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur le préjudice :
Considérant que si Mme Z... allègue que diverses irrégularités ont entaché la procédure de rénovation du cadastre de la commune d'Aix-en-Provence, elle n'établit pas l'existence d'un lien direct de causalité entre de telles irrégularités, à les supposer établies, et le préjudice qu'elle invoque ;
Considérant que si la requérante invoque la violation du droit de propriété, la dépossession qu'elle allègue ne résulte pas de la faute commise par l'administration, dès lors que les limites séparatives de sa propriété ont été fixées par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 juin 1990, laquelle, contrairement à ce que soutient la requérante, ne s'est aucunement fondée sur les énonciations du cadastre rénové pour juger que le tracé retenu par l'ancien cadastre était erroné ; que le moyen tiré de la rupture d'égalité devant les charges de l'impôt et de la méconnaissance du droit communautaire n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée ;
Considérant que, comme il a été dit plus haut, le comportement fautif du service du cadastre n'est à l'origine d'aucune dépossession de Mme Z... ; que de ce fait, celle-ci n'est pas fondée à demander une indemnité correspondant à la valeur vénale du terrain que le juge judiciaire a estimé appartenir à son voisin, ni une indemnisation pour privation de jouissance ni le remboursement des frais exposés par elle dans les instances judiciaires l'ayant opposée à ses voisins ; que le tribunal administratif a fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la requérante du fait du comportement fautif de l'administration en fixant l'indemnisation du chef de ce préjudice à hauteur de 50 000 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Z... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 1997 ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 repris à l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme Z... la somme de 8 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 3 mai 1999 est annulé en tant qu'il a écarté toute responsabilité de l'Etat.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme Z... la somme de 8 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme Z... présentées devant la cour administrative d'appel de Marseille et le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 1997 sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Jacqueline Z... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 210141
Date de la décision : 10/01/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

60-02-05 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME.


Références :

CGI 1426
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Décret 55-471 du 30 avril 1955 art. 8
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jan. 2001, n° 210141
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laigneau
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:210141.20010110
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