Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 19 août et 20 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude X... demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler sans renvoi la décision en date du 22 juin 1999 par laquelle le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts, après avoir annulé la décision en date du 18 décembre 1998 du conseil régional de l'Ordre des géomètres-experts de Nancy le suspendant pour une durée d'un an, l'a, après évocation, suspendu pour une durée de deux mois ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-630 du 3 mai 1974 qui en porte publication ;
Vu la loi n° 85-1475 du 31 décembre 1985 autorisant la ratification du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 89-37 du 24 janvier 1989 qui en porte publication ainsi que les déclarations et mesures publiées au Journal officiel du 27 janvier 1989 ;
Vu la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 ;
Vu le décret n° 96-471 du 31 mai 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. X... et de Me Copper-Royer, avocat du Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts :
Considérant que, pour annuler la décision rendue par le conseil régional de l'Ordre des géomètres-experts de Nancy, le Conseil supérieur s'est fondé sur la circonstance que le président du conseil régional, qui avait été à l'origine d'une des deux plaintes formées contre M. X..., avait été le rapporteur de cette affaire devant le conseil régional siégeant en formation disciplinaire et avait assuré la présidence de cette formation lorsqu'elle avait examiné son cas ; que si ces éléments entachaient d'irrégularité la procédure suivie devant le conseil régional, ils étaient sans incidence sur la recevabilité des plaintes ; qu'ainsi le Conseil supérieur, après avoir censuré comme juge d'appel la décision du conseil régional pour irrégularité de la procédure, a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, se prononcer lui-même, par voie d'évocation, sur les plaintes formées à l'encontre M. X... ;
Considérant que la répression par l'Ordre des géomètres-experts des manquements de l'un de ses membres à ses devoirs professionnels se rattache à l'exercice de droits et obligations de caractère civil et non à des accusations en matière pénale ; que, par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 2 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu desquelles toute personne déclarée "coupable d'une infraction pénale" a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure sa déclaration de culpabilité ou sa condamnation ;
Considérant que si M. X... soutient que le rapport de l'enquêteur désigné par le conseil régional de l'Ordre des géomètres-experts a été directement transmis au conseil régional, sans lui permettre d'en prendre préalablement connaissance, ce moyen, qui n'a pas été soulevé devant le juge d'appel et n'est pas d'ordre public, n'est pas recevable devant le juge de cassation ;
Sur la légalité de la sanction prononcée par le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts :
Considérant que, selon l'article 2 de la loi du 7 mai 1946, les géomètres-experts inscrits à l'ordre peuvent seuls exercer les études et travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers ; qu'aux termes de l'article 45 du décret du 31 mai 1996, le géomètre-expert "s'interdit tout acte ou fait de nature à favoriser directement ou indirectement l'exercice illégal de la profession." ; que l'article 50 du même décret interdit la sous-traitance, et ne permet la cotraitance qu'entre les membres de l'ordre ;
Considérant que le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts, par la décision attaquée, a relevé que M. X..., géomètre-expert a présenté sa candidature conjointement avec la société SCIDE, qui n'est pas inscrite à l'Ordre des géomètres-experts, pour un lot d'un marché pour lequel la qualification de géomètre-expert était légalement requise ; que siM. X... soutient que la participation de la société SCIDE se limitait à la fourniture de plans sous la forme de fichiers informatiques, cette argumentation, qui relève de l'appréciation souveraine du juge du fond, a implicitement mais nécessairement été écartée dès lors que le Conseil supérieur a rejeté le moyen tiré de ce que la société SCIDE ne participait pas aux travaux fonciers objets du monopole ; que, dès lors, le Conseil supérieur, en estimant que l'intervention de M. X... conjointement avec celle de la société SCIDE constituait une atteinte au monopole des géomètres-experts, n'a pas donné aux faits dont il était saisi une qualification inexacte ;
Considérant que le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts a, par une appréciation des faits de la cause qui, en l'absence de dénaturation, ne relève que de lui, estimé que c'est à la suite des interventions du président du conseil régional de l'Ordre des géomètres-experts et du délégué du commissaire du gouvernement auprès de la ville et du district de Reims que la société SCIDE n'a pas participé à l'exécution des travaux litigieux ; que c'est dès lors par une exacte qualification des faits qui lui étaient soumis que le Conseil supérieur a estimé que M. X... avait contrevenu aux dispositions de la loi du 7 mai 1946 et du décret du 31 mai 1996 et avait commis une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision, en date du 22 juin 1999, par laquelle le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts l'a suspendu pour une durée de deux mois ;
Sur les conclusions du Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts tendant à la condamnation du M. X... à lui verser une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens :
Considérant que le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts, n'ayant pas été partie en appel et n'ayant été appelé en la cause que pour produire des observations, n'a pas la qualité de partie à la présente instance ; qu'il s'ensuit qu'il ne saurait utilement demander, sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative, que M. X... soit condamné à lui verser la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Claude X..., au Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.