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14/02/2001 | FRANCE | N°200535;203519

France | France, Conseil d'État, 2 / 1 ssr, 14 février 2001, 200535 et 203519


Vu 1°), sous le n° 200535, la requête enregistrée le 13 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT (ADIS), représentée par sa présidente en exercice, Mlle Jacqueline X..., domiciliée ... ; l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT demande au Conseil d'Etat :
1) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 27 août 1998 par lequel le ministre de la jeunesse et des sports a accordé rétroactivement, à compter du 1er janvier 1997 et jusqu'au 31 décembre 2000, la délégation prévue à

l'article 17 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée à la Fédéra...

Vu 1°), sous le n° 200535, la requête enregistrée le 13 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT (ADIS), représentée par sa présidente en exercice, Mlle Jacqueline X..., domiciliée ... ; l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT demande au Conseil d'Etat :
1) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 27 août 1998 par lequel le ministre de la jeunesse et des sports a accordé rétroactivement, à compter du 1er janvier 1997 et jusqu'au 31 décembre 2000, la délégation prévue à l'article 17 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée à la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires (FFKAMA) ;
2°) de condamner l'Etat à verser la somme de 2000 F à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT en application de l'article 75-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°), sous le n° 203519, l'ordonnance en date du 5 janvier 1999, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 janvier 1999, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT, dont le siège social est ..., représentée par sa présidente en exercice, Mlle X... ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 9 décembre 1998 présentée par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT, et tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de la jeunesse et des sports a refusé d'abroger les textes illégaux contenus dans les statuts et le règlement intérieur de la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires (FFKAMA) et de surseoir aux élections internes de ladite fédération et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2000 F au titre de l'article 75-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, et notamment son article 16 ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 85-236 du 13 février 1985 ;
Vu le décret n° 85-237 du 13 février 1985 ;
Vu le décret n° 85-238 du 13 février 1985, modifié par le décret n° 89-260 du 21 avril 1989 fixant les conditions d'attribution et de retrait de la délégation prévue à l'article 17 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 ;
Vu le décret n° 93-1059 du 3 septembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 200515 et 203519 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu par suite, de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT justifie, en tant qu'elle a pour objet de défendre les intérêts des pratiquants du karaté et des arts martiaux, d'un intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du ministre de la jeunesse et des sports en date du 27 août 1998 accordant à cette fédération une délégation de service public, ainsi que contre la décision implicite par laquelle le ministre de la jeunesse et des sports a refusé d'abroger certains articles des statuts et du règlement intérieur de ladite fédération ;
Considérant que l'introduction de la requête n° 200535 a été précédée d'un recours gracieux qui a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du ministre de la jeunesse et des sports en date du 27 août 1998 :
Considérant que l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 impose l'obligation de motiver certaines catégories de décisions administratives individuelles ; que l'arrêté accordant à une fédération sportive une délégation de service public présente le caractère d'une mesure réglementaire ; qu'il n'est donc pas au nombre des décisions que la loi du 11 juillet 1979 oblige à assortir d'une motivation ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposait la motivation de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'il n'a pas été motivé, doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée relative à la promotion et à l'organisation des activités physiques et sportives : "... Dans chaque discipline sportive et pour une période déterminée, une seule fédération reçoit délégation du ministre des sports pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux et départementaux ..." ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 85-238 du 13 février 1985 modifié : "La délégation prévue à l'article 17 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 ne peut être accordée qu'à des fédérations sportives agréées, dont les statuts sont conformes aux statuts-types définis par le décret n° 85-236 du 13 février 1985 ..." ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret : "... sont conformes les statuts ne comportant pas de dispositions contraires par leur objet ou leur effet aux dispositions des statuts-types. Ils peuvent toutefois comporter des dispositions complétant, précisant ou adaptant, compte tenu de la spécificité de la fédération, les dispositions des statuts-types" ;

Considérant que le décret n° 93-1059 du 3 septembre 1993 dispose à son article 1er que : "les fédérations sportives participant à l'exécution d'une mission de service publie doivent, en application de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 susvisée, adopter dans leur règlement intérieur ou dans un règlement disciplinaire particulier ... un règlement conforme au règlement figurant en annexe au présent décret ..." ;
Considérant que ces dispositions ne s'opposent pas à ce que des règles disciplinaires figurent dans les statuts fédéraux, dès lors qu'elles sont reprises, comme en l'espèce, dans un règlement spécifique ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les exigences relatives au règlement disciplinaire-type n'ont pas été respectées, doit être écarté ;
Considérant qu'aucune disposition des statuts-types du règlement disciplinaire-type ne faisait obstacle à ce que les statuts fédéraux prévoient la saisine de la commission fédérale disciplinaire d'appel d'une proposition nouvelle de mesure disciplinaire, en cas d'annulation contentieuse de la décision précédente ;
Considérant qu'en vertu de l'article 9 des statuts-types des fédérations sportives annexés au décret n° 85-236 du 13 février 1985 précité, l'assemblée générale d'une fédération délégataire doit être composée "des représentants des groupements affiliés à la fédération ainsi que, le cas échéant, des représentants des licenciés dont la licence a été délivrée en dehors des groupements dans les établissements agréés par la fédération" ; que ces représentants doivent être licenciés à la fédération et élus ; que chaque représentant doit disposer d'un nombre de voix déterminé en fonction du nombre de licences délivrées dans le cadre du groupement par lequel été désigné ; que le même décret prévoit, dans la note 4 annexée aux statuts-types, à laquelle renvoie l'article 9 de ces statuts, que les représentants à l'assemblée générale de la fédération sont désignés, selon le choix fait par la fédération en cause dans le cadre de son autonomie statutaire, soit directement par les groupements affiliés, soit par les assemblées générales des organismes régionaux ;

Considérant que, selon les stipulations de l'article 7 des statuts de la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires, dans leur version en vigueur à la date à laquelle a été pris l'arrêté contesté, l'assemblée générale de ladite fédération "se compose des représentants des ligues spécialement élues à cet effet par les assemblées générales des ligues" ; que chaque ligue désigne à l'assemblée générale de la fédération un représentant qui dispose d'un nombre de voix déterminé en fonction du nombre de licences délivrées dans ce groupement sportif selon un barème figurant au même article 7 ; qu'il ressort des pièces du dossier que les ligues de la fédération précitée constituent les organismes départementaux et régionaux, visés à la note 4 annexée aux statuts-types ; qu'il suit de là que les statuts de la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires sont conformes, sur ce point, aux dispositions du décret précité du 13 février 1985 ;
Considérant que l'article 11 A des statuts-types prévoit divers cas dans lesquels des personnes ne peuvent être élues au comité directeur ; qu'en particulier, cette élection est subordonnée à la circonstance que l'intéressé ait la nationalité française et n'ait pas été condamné à une peine faisant obstacle à son inscription sur les listes électorales ;
Considérant, toutefois, que ces exigences n'ont pas un caractère limitatif et peuvent, conformément à ce que prévoit l'article 2 du décret du 13 février 1985, être complétées par une fédération sportive, sous le contrôle du juge, en fonction des exigences propres de la discipline dont elle a la charge ;
Considérant que la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires, en disposant dans ses statuts que seuls pouvaient être élus au comité directeur des amateurs, licenciés depuis au moins six mois et titulaires de la ceinture noire, n'a pas édicté une règle qui excède les pouvoirs que cette fédération pouvait mettre en oeuvre ; qu'il ne saurait, par suite, être valablement soutenu que la disposition dont s'agit serait contraire aux statuts-types, que la fédération était en droit de compléter ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la fédération délégataire pouvait, sans méconnaître les statuts-types, imposer les mêmes conditions aux candidats aux fonctions de président et de membre du bureau directeur ;
Considérant que les fédérations sportives ne peuvent légalement porter atteinte au principe du libre accès aux activités sportives pour tous et à tous les niveaux, qui résulte de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1984 modifiée, que dans la mesure où les atteintes ne sont pas excessives au regard des objectifs poursuivis ; que, selon les stipulations de l'article 3 des statuts fédéraux, la délivrance d'une licence à un membre individuel peut être refusée par décision motivée du comité directeur ; que cette règle, qui n'est contraire à aucune stipulation des statuts-types, n'excède pas, par son importance, les mesures justifiées par la nécessité de contrôler l'aptitude individuelle à la pratique d'un sport de combat ;
Considérant qu'aucune disposition des statuts-types n'imposait à la fédération intéressée ni de mentionner dans ses statuts le nom de ses établissements tenus d'avoir une comptabilité distincte et visés à l'article 3 desdits statuts, ni de faire référence à l'article 30 de ces derniers, relatif aux conditions d'agrément de ces établissements ;

Considérant que les statuts fédéraux ne sauraient être regardés comme contraires aux statuts-types en ce qu'ils portent autorisation, pour le président, d'agir en justice au nom de la fédération, dès lors que les statuts-types disposent à l'article 16 que "le Président représente la fédération ... devant les tribunaux ..." ;
Considérant que l'article 18 des statuts-types dispose que "l'Assemblée générale est seule compétente pour se prononcer sur les acquisitions, les échanges et les aliénations de biens immobiliers ..." ; qu'il ressort des termes mêmes de l'article 17 des statuts de la fédération intéressée que ceux-ci sont, sur ce point, conformes aux statuts-types ;
Considérant qu'il ne résulte pas des statuts fédéraux que la fédération soit chargée de délivrer des "dans" et autres grades propres aux arts martiaux à titre exclusif, ainsi que les diplômes de l'enseignement sportif bénévole ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les statuts de la fédération seraient sur ce point contraires aux dispositions de la loi du 16 juillet 1984 modifiée, doit être écarté ;
Considérant que les critiques formulées à l'encontre du fonctionnement de la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires sont sans rapport avec la conformité des statuts de cette fédération aux statuts-types ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative, en accordant la délégation sollicitée aurait entaché sa décision d'erreur manifeste ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le ministre de la jeunesse et des sports a accordé la délégation litigieuse à compter du 1er janvier 1997, soit à une date antérieure à celle de la publication de l'arrêté de délégation pris le 27 août 1998 ; que, dès lors, cet arrêté doit être annulé en tant qu'il comporte un effet rétroactif ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande de l'association requérante :
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions susmentionnées que le ministre chargé des sports ne tient d'aucun texte le pouvoir d'abroger les dispositions, fussent-elles illégales, des statuts d'une fédération sportive ; que, dès lors, les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la ministre de la jeunesse et des sports a rejeté la demande présentée par l'association requérante en vue d'abroger certains articles des statuts de la fédération susvisée, ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que L'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en vertu des mêmes dispositions, de condamner l'Etat à verser à l'association requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêté du ministre de la jeunesse et des sports en date du 27 août 1998 est annulé, en tant qu'il comporte un effet rétroactif.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4: La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT, à la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires et au ministre de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 2 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 200535;203519
Date de la décision : 14/02/2001
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

63-05-01-01 SPECTACLES, SPORTS ET JEUX - SPORTS - FEDERATIONS SPORTIVES - STATUTS -Eligibilité au comité directeur d'une fédération sportive - Possibilité pour une fédération de compléter les conditions prévues par les statuts-types - Existence - Contrôle du juge sur le caractère justifié des exigences complémentaires - Existence.

63-05-01-01 Si les statuts-types posent un certain nombre de conditions à l'éligibilité au comité directeur d'une fédération sportive, ces exigences n'ont pas un caractère limitatif et peuvent, conformément à ce que prévoit l'article 2 du décret du 13 février 1985, être complétées par une fédération sportive, sous le contrôle du juge, en fonction des exigences propres de la discipline dont elle a la charge. Statuts de la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires ayant subordonné l'éligibilité au comité directeur au fait d'être licencié depuis au moins six mois et titulaire de la ceinture noire. Légalité.


Références :

Arrêté ministériel du 27 août 1998 jeunesse et sports décision attaquée annulation partielle
Code de justice administrative L761-1
Décret 85-236 du 13 février 1985
Décret 85-238 du 13 février 1985 art. 1, art. 2
Décret 93-1059 du 03 septembre 1993 art. 1
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1
Loi 84-610 du 16 juillet 1984 art. 17, art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 14 fév. 2001, n° 200535;203519
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Mary
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:200535.20010214
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