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28/02/2001 | FRANCE | N°208179

France | France, Conseil d'État, 28 février 2001, 208179


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 14 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL MIXTE D'EQUIPEMENT RURAL POUR L'EAU ET L'ASSAINISSEMENT DE LA VIENNE (SIVEER), dont le siège est ..., représenté par son représentant légal en exercice ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 12 avril 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a réformé le jugement du 8 juin 1988 du tribunal administratif de Poitiers

et l'a condamné à verser à Mme Y... Bail une somme de 603 566,22 F...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 14 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL MIXTE D'EQUIPEMENT RURAL POUR L'EAU ET L'ASSAINISSEMENT DE LA VIENNE (SIVEER), dont le siège est ..., représenté par son représentant légal en exercice ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 12 avril 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a réformé le jugement du 8 juin 1988 du tribunal administratif de Poitiers et l'a condamné à verser à Mme Y... Bail une somme de 603 566,22 F, assortie des intérêts légaux, en réparation du préjudice subi dans son élevage de truites au cours des années 1984 à 1987 du fait de la réduction du débit des eaux de la rivière Fontaine de La Roche ;
2°) de rejeter la demande de première instance et, subsidiairement, de réduire l'indemnité ;
3°) d'ordonner le sursis à l'exécution de l'arrêt du 12 avril 1999 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
4°) de condamner Mme Y... Bail à lui verser une somme de 15 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural, et notamment son article 109 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courson, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL MIXTE D'EQUIPEMENT RURAL POUR L'EAU ET L'ASSAINISSEMENT DE LA VIENNE et de la SCP Boré, Xavier, Boré, avocat de Mme Y... Bail,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable : "Toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux articles R. 139 ou R. 140, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience./ Dans les deux cas, l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience ( ...)" et qu'en vertu des dispositions des articles R. 139 et R. 140 du même code les notifications des avis d'audience sont obligatoirement effectuées au moyen de lettres recommandées avec demande d'avis de réception ou, en cas de notification dans la forme administrative, avec récépissé ou procès-verbal de la notification par l'agent qui l'a faite ;
Considérant qu'il est constant que l'avis de la cour administrative d'appel de Bordeaux faisant connaître au SYNDICAT INTERCOMMUNAL MIXTE D'EQUIPEMENT RURAL POUR L'EAU ET L'ASSAINISSEMENT DE LA VIENNE (S.I.V.E.E.R.) que serait appelée à l'audience du 8 mars 1999, sur renvoi du Conseil d'Etat, l'affaire ayant donné lieu à l'appel formé par Mme Y... Bail contre le jugement du 8 juin 1988 du tribunal administratif de Poitiers, ne lui a pas été notifié par la voie administrative, ni adressé par lettre recommandée avec accusé de réception à son adresse ; qu'il résulte de l'instruction que l'avis d'audience a été adressé au SIVEER à une adresse erronée ; que, par suite, le SIVEER est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : "Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire" ;
Considérant que Mme Y... Bail possède, dans la commune de Payré (Vienne), une exploitation piscicole alimentée notamment par les eaux de la rivière Fontaine de la Roche ; qu'elle demande réparation du préjudice qu'elle a subi dans l'exercice de cette activité au cours des années 1984 à 1987 du fait de la réduction du débit des eaux, résultant selon elle des pompages effectués en amont de son installation par le SIVEER ;
Sur le droit à indemnité :
Considérant que la station de pompage à partir de laquelle le syndicat intercommunal a procédé au captage des eaux de la source alimentant la rivière Fontaine de la Roche est un ouvrage public ; qu'il résulte de l'instruction que Mme Y... Bail, qui a la qualité de tiersà l'égard de cet ouvrage, a été régulièrement autorisée à user des eaux de la rivière Fontaine de la Roche pour les besoins de son activité piscicole par un arrêté du préfet de la Vienne en date du 20 juin 1983 ;

Considérant que, si cet arrêté dispose, dans son article 9, que le permissionnaire ne pourra prétendre à aucune indemnité ni dédommagement quelconque si l'administration reconnaît nécessaire de prendre, dans l'intérêt de la salubrité publique, de la police et de la répartition des eaux, des mesures qui le privent, d'une manière temporaire ou définitive, de tout ou partie des avantages résultant du règlement, le SIVEER ne peut utilement, pour refuser de réparer les dommages résultant des pompages qu'il a effectués en amont de l'exploitation de Mme Y... Bail, se prévaloir de ces dispositions qui concernent uniquement les mesures que le préfet peut prendre dans l'exercice des pouvoirs de police des eaux et de la pêche qu'il tient de l'article 109 du code rural ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Poitiers, que la réduction du débit des eaux alimentant l'exploitation piscicole de Mme Y... Bail est en relation directe avec l'utilisation d'une partie des eaux alimentant la rivière Fontaine de la Roche par le SIVEER qui a augmenté le volume de ses pompages entre 1984 et 1987, réduisant le débit des eaux dont Mme Y... Bail disposait pour les besoins de son élevage de truites, alors que le préfet n'avait pas jugé nécessaire de modifier la répartition des eaux sans indemnité pour le bénéficiaire, en vertu de ses pouvoirs de police des eaux ; que les conditions d'utilisation des eaux captées par le SIVEER ont entraîné une réduction durable et répétée de l'alimentation de l'exploitation piscicole de la requérante, alors qu'un débit important et constant est nécessaire à la survie des truites ; que la réduction du débit des eaux a entraîné la perte d'un certain nombre de truites et a amené la requérante à fermer un des quatre bassins d'élevage de sa pisciculture ; que, par suite, celle-ci est fondée à demander réparation des dommages subis par son exploitation piscicole du fait du captage des eaux par le SIVEER ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant que le préjudice subi par la requérante comprend, en premier lieu, les pertes de truites ainsi que les frais de constat et de sommation effectués pour établir ce chef de préjudice ; qu'en fixant celui-ci à 92 960,62 F, le tribunal administratif en a fait une exacte appréciation ;
Considérant que le préjudice subi par la requérante comprend, en second lieu, les frais exposés du fait de la fermeture du bassin dont l'exploitation a cessé ainsi que le manque à gagner résultant de la réduction du nombre de truites produites ; que, par suite, Mme Y... Bail est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a refusé de tenir compte de ce préjudice ; que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par la requérante, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 510 606 F ;
Sur les intérêts :

Considérant que la requérante a droit aux intérêts de la somme de 603 566,92 F à compter du 21 octobre 1987, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ; que la demande de capitalisation des intérêts présentée le 8 août 1988 ne peut être accueillie, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, dès lors qu'à cette date il n'était pas dû au moins une année d'intérêts ; qu'en revanche, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de faire droit aux demandes de capitalisation présentées les 8 décembre 1988, 24 août 1990, 27 décembre 1991 et 9 avril 1998 ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du SIVEER les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Poitiers ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner le SIVEER à payer à Mme Y... Bail la somme de 10 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que Mme Y... Bail, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer au SIVEER la somme qu'il demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Bordeaux en date du 12 avril 1999 est annulé.
Article 2 : La somme que le SIVEER a été condamné à payer à Mme Y... Bail par le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 8 juin 1998 est portée à 603 566,92 F, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 1987. Les intérêts échus les 8 décembre 1988, 24 août 1990, 27 septembre 1991 et 9 avril 1998 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 juin 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL MIXTE D'EQUIPEMENT RURAL POUR L'EAU ET L'ASSAINISSEMENT DE LA VIENNE versera à Mme Y... Bail une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du SIVEER et le surplus des conclusions de l'appel de Mme Y... Bail devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERCOMMUNAL MIXTE D'EQUIPEMENT RURAL POUR L'EAU ET L'ASSAINISSEMENT DE LA VIENNE, à Mme Anne Y...
X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 208179
Date de la décision : 28/02/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

60-02-06 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES PUBLICS COMMUNAUX.


Références :

Arrêté du 20 juin 1983 art. 9
Code civil 1154
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R193, R139, R140
Code rural 109


Publications
Proposition de citation : CE, 28 fév. 2001, n° 208179
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Courson
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:208179.20010228
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