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14/03/2001 | FRANCE | N°196199;196203

France | France, Conseil d'État, 5 / 7 ssr, 14 mars 2001, 196199 et 196203


Vu, 1°) sous le n° 196199, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 29 avril 1998 et le 31 août 1998 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI dont le siège est ... ; la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 26 février 1998 en tant que, la cour, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 22 février 1995, a limité à 240 000 F la somme que l'Etat a ét

condamné à lui verser en réparation du préjudice que lui a causé la d...

Vu, 1°) sous le n° 196199, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 29 avril 1998 et le 31 août 1998 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI dont le siège est ... ; la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 26 février 1998 en tant que, la cour, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 22 février 1995, a limité à 240 000 F la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation du préjudice que lui a causé la décision du 8 décembre 1993 du préfet de police refusant de l'autoriser à mener une campagne publicitaire ayant pour support les taxis ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 934 410 F assortie des intérêts légaux, en réparation du préjudice subi, ainsi qu'une somme de 20 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu 2°) sous le n° 196203, le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 avril 1998 et 8 juin 1998, présentés par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande au Conseil d'Etat d'une part d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 26 février 1998 en tant que, la cour, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 22 février 1995, a condamné l'Etat à verser la somme de 240 000 F à la Société Rouge Petrus le Média Taxi en réparation du préjudice causé à cettedernière par la décision du 8 décembre 1993 du préfet de police refusant de l'autoriser à mener une campagne publicitaire ayant pour support les taxis, et d'autre part, de rejeter les conclusions indemnitaires de la Société Rouge Petrus le Média Taxi ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ;
Vu l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Aladjidi, Auditeur,
- les observations de la SCP Bouzidi, avocat de la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI et du MINISTRE DE L'INTERIEUR sont dirigées contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Paris ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que l'arrêt attaqué évalue à 240 000 F la perte de bénéfices subie par la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI en raison de la décision prise illégalement par le préfet de police le 8 décembre 1993 de ne pas autoriser la campagne publicitaire que la société entendait mener au profit de la société Mac Donald's ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge du fond et notamment d'un document produit par la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI que le bénéfice escompté pour cette campagne publicitaire était de 60 240 F ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est dès lors fondé à soutenir que l'arrêt attaqué est entaché sur ce point d'une dénaturation des pièces du dossier ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a également jugé dans l'arrêt attaqué que si la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI demandait réparation des préjudices que lui auraient causé des refus d'autorisation ultérieurs prononcés par le préfet de police le 18 mars 1994, elle n'invoquait aucun vice propre à ces décisions ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société a invoqué des moyens mettant en cause la légalité de ces décisions du 18 mars 1994 ; qu'ainsi la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI est fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Paris a dénaturé les conclusions qui lui étaient présentées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé ;
Considérant toutefois qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que par jugement du 22 février 1995, devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 8 décembre 1993 par laquelle le préfet de police a refusé à la société requérante l'autorisation de lancer une campagne publicitaire ayant pour support des taxis parisiens ; que si la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI demande réparation du préjudice que lui a causé cette décision, elle demande en outre réparation du préjudice que lui ont causé trois décisions du 18 mars 1994 par lesquelles le préfet de police lui a refusé l'autorisation de lancer des campagnes similaires ; qu'elle soutient à l'appui de ses conclusions que ces décisions sont entachées d'illégalité ;
Considérant que pour prendre ces décisions de refus, le préfet de police s'est fondé sur les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance interpréfectorale du 8 avril 1980, aux termes desquelles "la publicité à l'intérieur et l'extérieur des taxis est soumise à autorisation préalable dans les conditions fixées par un arrêté", et de l'arrêté interpréfectoral susvisé du même jour pris pour l'application de cette ordonnance ;

Considérant que si le préfet de police tient des articles L. 2512-3 et L.2512-4 du code général des collectivités territoriales ainsi que de l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII des compétences de police générale, il ne tient pas de ces textes contrairement à ce qu'il soutient, le pouvoir de subordonner la mise en place d'enseignes publicitaires sur les taxis à la délivrance d'une autorisation préalable ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'ordonnance interpréfectorale et de l'arrêté du 8 avril 1980 sont dépourvues de base légale ; qu'il suit de là que société requérante est fondée à soutenir que les décisions du 18 mars 1994 refusant à la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI l'autorisation de lancer les campagnes publicitaires qu'elle souhaitait mener sont entachées d'illégalité ;
Sur le préjudice résultant de la décision du 8 décembre 1993 :
Considérant que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Paris, la circonstance que la décision du préfet de police en date du 8 décembre 1993 a été prise en réponse à une demande présentée le 2 novembre précédent, de telle sorte que l'administration n'a disposé que d'un bref délai pour se prononcer, ne saurait, en tout état de cause, dans les circonstances de l'affaire, faire obstacle à l'indemnisation de la société requérante ; que l'interdiction par ladite décision de la campagne que la société entendait mener au profit de la société Mac Donald's a causé à cette société de manière directe et certaine un préjudice consistant en la perte de bénéfices qu'elle escomptait tirer de la réalisation de cette campagne ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du document produit en appel par la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI que le préjudice ainsi subi par la société doit être fixé à la somme de 60 000 F ;
Sur le préjudice résultant des décisions du 18 mars 1994 :
Considérant que l'impossibilité dans laquelle la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI s'est trouvée à la suite des décisions du 18 mars 1994 du préfet de police de mener les campagnes de publicité qu'elle projetait pour les sociétés "Citeaux mural", "actif mode" et "carte bémol" lui a causé de manière directe et certaine un préjudice consistant en la perte des bénéfices qu'elle pouvait tirer de la réalisation de ces campagnes ; qu'il en sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 400 000 F ;
Considérant que la réalité du préjudice qui serait résulté pour la société d'atteinte à sa réputation n'est pas établie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI est fondée à demander, d'une part, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 22 février 1995 en tant qu'il a rejeté sa demande de réparation et, d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 460 000 F en réparation des préjudices résultant des décisions du 8 décembre 1993 et du 18 mars 1994 du préfet de police ;
Sur les conclusions de la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI la somme de 40 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 février 1998, ensemble le jugement du tribunal administratif de Paris du 22 février 1995 en tant qu'il a rejeté la demande de réparation de la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI une somme de 460 000 F, assortie des intérêts légaux, en réparation des préjudices résultant des décisions du préfet de police du 8 décembre 1993 et du 18 mars 1994.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI une somme de 40 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI et du MINISTRE DE L'INTERIEUR est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ROUGE PETRUS LE MEDIA TAXI, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 196199;196203
Date de la décision : 14/03/2001
Sens de l'arrêt : Annulation condamnation de l'état
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

AFFICHAGE ET PUBLICITE - AFFICHAGE - POUVOIRS DES AUTORITES COMPETENTES - PREFETS - Préfet de police - Pouvoir d'instituer un régime d'autorisation préalable en matière d'affichage publicitaire sur les taxis - Absence.

02-01-01-02, 135-06-01-01-03 Si le préfet de police tient des articles L. 2512-3 et L. 2512-4 du code général des collectivités territoriales ainsi que de l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII des compétences de police générale, il ne tient pas de ces textes le pouvoir de subordonner la mise en place d'enseignes publicitaires sur les taxis à la délivrance d'une autorisation préalable. Par suite, les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance interpréfectorale du 8 avril 1980, aux termes desquelles "la publicité à l'intérieur et l'extérieur des taxis est soumise à autorisation préalable dans les conditions fixées par un arrêté", et de l'arrêté interpréfectoral susvisé du même jour pris pour l'application de cette ordonnance sont dépourvues de base légale. Illégalité d'un refus d'autorisation de lancer une campagne publicitaire ayant pour support des taxis parisiens opposé à une société par le préfet de police sur le fondement de ces dispositions.

COLLECTIVITES TERRITORIALES - DISPOSITIONS PARTICULIERES A CERTAINES COLLECTIVITES - COLLECTIVITES DE LA REGION ILE-DE-FRANCE - DISPOSITIONS PARTICULIERES A PARIS - COMPETENCES - Compétences du préfet de police - Pouvoir d'instituer un régime d'autorisation préalable en matière d'affichage publicitaire sur les taxis - Absence.

60-01-04-01 Si le préfet de police tient des articles L. 2512-3 et L. 2512-4 du code général des collectivités territoriales ainsi que de l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII des compétences de police générale, il ne tient pas de ces textes le pouvoir de subordonner la mise en place d'enseignes publicitaires sur les taxis à la délivrance d'une autorisation préalable. Par suite, les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance interpréfectorale du 8 avril 1980, aux termes desquelles "la publicité à l'intérieur et l'extérieur des taxis est soumise à autorisation préalable dans les conditions fixées par un arrêté", et de l'arrêté interpréfectoral susvisé du même jour pris pour l'application de cette ordonnance sont dépourvues de base légale. Illégalité d'un refus d'autorisation de lancer une campagne publicitaire ayant pour support des taxis parisiens opposé à une société par le préfet de police sur le fondement de ces dispositions. Indemnisation du préjudice subi par la société, correspondant à la perte des bénéfices que la société requérante escomptait tirer de la réalisation de cette campagne.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - Refus illégal du préfet de police d'autoriser une campagne d'affichage publicitaire sur des taxis - Indemnisation de la perte des bénéfices que la société requérante escomptait tirer de la réalisation de cette campagne.


Références :

Code de justice administrative L761-1, L821-2
Code général des collectivités territoriales L2512-3, L2512-4


Publications
Proposition de citation : CE, 14 mar. 2001, n° 196199;196203
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Aladjidi
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:196199.20010314
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