Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 janvier 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 23 décembre 1998 décidant la reconduite à la frontière de Mme Hawa X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de la nationalité ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Auditeur,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., ressortissante du Mali, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 juin 1998, de la décision du PREFET DU VAL-D'OISE en date du 11 juin 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées par les personnes vivant en situation de polygamie ; qu'il en résulte que Mme X..., qui est l'épouse de M. X..., lequel réside en France avec une autre épouse et les enfants nés de ces deux unions, ne peut, en raison de la situation de polygamie de son mari, utilement se prévaloir de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et soutenir que l'arrêté attaqué porterait au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; qu'ainsi, le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 23 décembre 1998 décidant la reconduite à la frontière de Mme X..., le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le motif que cet arrêté serait contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DU VAL-D'OISE ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur la situation personnelle de Mme X... ;
Considérant que, si Mme X... invoque les dispositions qui interdisent de reconduire à la frontière les parents d'enfants français, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas allégué que les enfants de Mme X... aient acquis la nationalité française ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL D'OISE est fondé à demander l'annulation du jugement susvisé du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles et le rejet de la demande présentée devant ce tribunal par Mme X... ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles en date du 4 janvier 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-D'OISE, à Mme Hawa X... et au ministre de l'intérieur.