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14/03/2001 | FRANCE | N°208923

France | France, Conseil d'État, 5 / 7 ssr, 14 mars 2001, 208923


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin 1999 et 22 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hacine X..., demeurant chez M. Antoine Y..., maison Pierraggi à Ghisonaccia (20240) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 mai 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Corse, en date du 12 mars 1999, ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... et

de la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin 1999 et 22 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hacine X..., demeurant chez M. Antoine Y..., maison Pierraggi à Ghisonaccia (20240) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 mai 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Corse, en date du 12 mars 1999, ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... et de la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions et d'ordonner qu'il soit sursis à leur exécution ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié notamment par les avenants du 22 décembre 1985 et 28 septembre 1994 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... ait soutenu devant le tribunal administratif de Bastia que l'arrêté de reconduite en date du 12 mars 1999 aurait été insuffisamment motivé ; que, par suite, le tribunal administratif n'a pu entacher son jugement d'irrégularité en ne répondant pas à un tel moyen ;
Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... :
Considérant que l'arrêté du 12 mars 1999 par lequel le préfet de la Haute-Corse a ordonné la reconduite à la frontière de M. X... comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui constituent le fondement de cet arrêté ; que la circonstance qu'il ne mentionne pas, dans ses visas, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 n'est pas de nature à le faire regarder comme insuffisamment motivé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, est entré régulièrement en France ; que les conditions dans lesquelles un ressortissant algérien peut être admis à séjourner en France sont régies de manière complète par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'il suit de là qu'en se fondant, pour décider la reconduite à la frontière de M. X..., sur l'irrégularité de son entrée en France et sur les conditions d'octroi des titres de séjour prévus par l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, le préfet de la Haute-Corse a entaché sa décision d'erreurs de fait et de droit ;
Considérant toutefois que la décision du préfet de la Haute-Corse ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... est également motivée par la circonstance que celui-ci s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 juin 1998, de la décision du 9 juin 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire et qu'il était ainsi dans le cas prévu à l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où peut être décidée la reconduite d'un étranger à la frontière ; qu'il résulte de l'instruction que, s'il n'avait retenu que ce motif, le préfet aurait pris la même décision ;
Considérant que M. X... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 24 juin 1997 relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière, qui n'a pas de caractère réglementaire ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... ait rempli les conditions posées par l'accord franco-algérien modifié pour la délivrance d'un certificat de résidence ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 12 mars 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière, de l'illégalité de la décision du 9 juin 1998 par laquelle le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que M. X... relève devant le Conseil d'Etat qu'il n'a pas été en mesure de présenter ses observations écrites avant que le préfet de la Haute-Corse fixe, par une décision portant la même date que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière mais distincte de celui-ci, le pays de destination vers lequel il doit être reconduit et soutient que cette décision méconnaît ainsi les dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles 22 et 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, lesquelles ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet de ces recours et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 susvisé selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. Le recours contentieux contre cette décision n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au II de l'article 22 bis, que s'il est présenté au président du tribunal administratif en même temps que le recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière que la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter" ; que M. X..., qui, eu égard à la date à laquelle le préfet de la Haute-Corse a pris la décision fixant le pays de renvoi, a eu la possibilité de déférer cette décision au président du tribunal administratif, en même temps que l'arrêté de reconduite, a bénéficié des dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée et ne peut par suite invoquer utilement celles de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, susvisé ;
Considérant que, si M. X... affirme qu'il encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte pas au soutien de ses allégations des justifications probantes sur la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé et qui feraient légalement obstacle à sa reconduite dans son pays d'origine ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Hacine X..., au préfet de la Haute-Corse et au ministre de l'intérieur.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - PROCEDURE CONTRADICTOIRE - OBLIGATOIRE - Reconduite à la frontière - Fixation du pays de destination par une décision distincte - Obligation de respecter les dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 - sauf si l'étranger a eu la possibilité de déférer cette décision au juge en même temps que l'arrêté de reconduite (1).

01-03-03-01, 335-03 Il résulte de l'ensemble des dispositions des articles 22 et 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, lesquelles ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet de ces recours et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales. Aux termes de l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France : "La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. Le recours contentieux contre cette décision n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au II de l'article 22 bis, que s'il est présenté au président du tribunal administratif en même temps que le recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière que la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter". Lorsque l'étranger, eu égard à la date à laquelle le préfet a pris la décision fixant le pays de renvoi, a eu la possibilité de déférer cette décision au président du tribunal administratif en même temps que l'arrêté de reconduite et a bénéficié des dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il ne peut invoquer utilement celles de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983.

- RJ1 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - Fixation du pays de destination par une décision distincte - Obligation de respecter les dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 - Existence - sauf si l'étranger a eu la possibilité de déférer cette décision au juge en même temps que l'arrêté de reconduite (1).


Références :

Accord franco-algérien du 27 décembre 1968
Arrêté du 12 mars 1999
Circulaire du 24 juin 1997
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 8
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 22 bis, art. 27 ter

1. Comp. CE Sect., 1991-04-19, Préfet de police c/ Demir, p. 149


Publications
Proposition de citation: CE, 14 mar. 2001, n° 208923
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: Mme Le Bihan-Graf
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Avocat

Origine de la décision
Formation : 5 / 7 ssr
Date de la décision : 14/03/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 208923
Numéro NOR : CETATEXT000008067582 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2001-03-14;208923 ?
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