Vu la requête enregistrée le 26 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 2 mai 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Youssouf X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Youssouf X... devant le tribunal administratif de Melun ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Youssouf X..., de nationalité comorienne, qui a déclaré être entré en France en 1991, a été interpellé à la suite d'une infraction le 1er mai 2000 ; qu'il n'a pu justifier ni d'une entrée régulière sur le territoire, ni de la détention d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas ou, en application du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que le PREFET DU VAL-DE-MARNE a pris, le 2 mai 2000 un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ; que, pour annuler cet arrêté, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun s'est fondé, en premier lieu, sur la possibilité ouverte au préfet de prendre une mesure purement gracieuse de régularisation au profit de M. X... ou de son pouvoir d'examiner d'office les droits de l'intéressé à une régularisation au titre de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et, en second lieu, sur la circonstance que l'autre motif de la décision préfectorale, écartant en l'espèce la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'aurait pas, à lui seul, conduit le préfet à prendre l'arrêté attaqué ;
Considérant que pour prendre l'arrêté attaqué, le PREFET DU VAL-DE-MARNE s'est fondé sur ce que M. Youssouf X... n'étant pas entré régulièrement sur le territoire, ne pouvait obtenir un titre de séjour ; qu'en se croyant ainsi lié par ce motif et en se refusant à exercer le pouvoir d'appréciation qu'il tient de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DU VAL-DE-MARNE a commis une erreur de droit ; que le PREFET DU VAL-DE-MARNE ne peut demander devant le juge de l'excès de pouvoir que soit substitué à ce motif erroné celui tiré de ce que M. X... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" en application des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ; que, dès lors, le PREFET DU VAL-DE-MARNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 2 mai 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Youssouf X... ;
Article 1er : Le recours du PREFET DU VAL-DE-MARNE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-DE-MARNE, à M. Youssouf X... et au ministre de l'intérieur.