Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 novembre 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 28 octobre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... ;
2°) rejette la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour annuler l'arrêté du 28 octobre 1999 par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a ordonné la reconduite à la frontière de M. Y..., le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a relevé que la décision préfectorale avait pour effet de faire obstacle au mariage de M. Y... avec une ressortissante française et portait ainsi une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; que, toutefois, si M. Y... se prévalait de ce qu'il vivait en concubinage avec une ressortissante française avec laquelle il devait se marier, il ne ressort pas des pièces du dossier que dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la courte durée du concubinage et du fait que le requérant pouvait se marier en Algérie, la décision attaquée ait porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ni empêché son mariage et ait ainsi méconnu les stipulations des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 2 novembre 1999, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le motif susmentionné pour annuler son arrêté du 28 octobre 1999 décidant la reconduite à la frontière de M. Y... ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... tant en première instance qu'en appel ;
Considérant que par arrêté du 30 septembre 1999 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a donné à M. X..., secrétaire général, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué soit entaché d'une erreur de fait notamment au regard de son entrée irrégulière ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui pouvait légalement reconduire M. Y... en application des dispositions du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, se soit estimé lié par l'entrée irrégulière en France de l'intéressé pour prendre une décision de reconduite à la frontière ;
Considérant que si M. Y... fait valoir qu'il n'a plus de lien avec sa famille demeurée en Algérie et qu'il s'est intégré depuis 5 ans en France où il a de nombreux amis, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite à la frontière sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant que l'arrêté attaqué doit être regardé comme fixant l'Algérie comme pays de destination ; que le requérant n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations relatives aux risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut, dès lors, être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen en date du 2 novembre 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Y... et au ministre de l'intérieur.