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21/03/2001 | FRANCE | N°198232

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 21 mars 2001, 198232


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 29 octobre 1998 au secrétariat de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BAIL INVESTISSEMENT, dont le siège est ... Cedex 13 (75628) ; la SOCIETE BAIL INVESTISSEMENT demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement du 24 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné le département de la Seine-Maritime à payer à la société requérante la somme de

1 048 162,50 F assortie des intérêts et, d'autre part, rejeté s...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 29 octobre 1998 au secrétariat de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BAIL INVESTISSEMENT, dont le siège est ... Cedex 13 (75628) ; la SOCIETE BAIL INVESTISSEMENT demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement du 24 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné le département de la Seine-Maritime à payer à la société requérante la somme de 1 048 162,50 F assortie des intérêts et, d'autre part, rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-6 du 7 janvier 1982 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE BAIL-INVESTISSEMENT et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département de la Seine-Maritime,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge du fond que la Société d'investissement pour le commerce et l'industrie (SICOMI) BAIL-INVESTISSEMENT a sollicité auprès du département de la Seine-Maritime une aide financière en vue de la construction d'un atelier-relais destiné à accueillir la Société anonyme Germain, qui déclarait envisager la création de 52 emplois sur trois ans ; qu'en se fondant sur ces motifs, la délibération du 7 mai 1991 du bureau du conseil général de la Seine-Maritime "accorde à la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT une subvention de 1 815 000 F en vue de la réalisation de cette opération dont le coût s'élève à 20 067 000 F hors taxe" ; que, toutefois, la S.A. Germain ayant été déclarée en redressement judiciaire le 11 octobre 1991 et mise en liquidation le 2 décembre de la même année, le département de la Seine-Maritime n'a pas procédé au versement de cette subvention ; que, par un jugement en date du 24 octobre 1995, le tribunal administratif de Rouen a condamné le département à verser à la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT une quote-part de la subvention correspondant à la fraction des dépenses engagées par la requérante avant la mise en liquidation de la S.A. Germain, soit 1 048 162,50 F ; que, toutefois, la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT ayant fait appel en soutenant que le département était tenu, en vertu de la délibération du 7 mai 1991 et de l'arrêté du 26 juin pris pour son application, de lui verser les trois premiers quarts de la subvention, soit 1 361 250 F, au seul vu des dépenses exposées par elle, la cour administrative d'appel de Nantes a, par l'arrêt attaqué, faisant droit aux conclusions incidentes du département, annulé le jugement du 24 octobre 1995 et déchargé le département de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge ;
Considérant qu'aux termes de l'arrêté du 26 juin 1991 du président du conseil général de la Seine-Maritime, pris pour l'application de la délibération du 7 mai 1991 accordant une aide financière à la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT, et rédigé conformément aux prescriptions du règlement intérieur des aides départementales à l'économie annexé à la délibération du 14 juin 1989 du conseil général de la Seine-Maritime : "Le versement de la subvention sera effectué ...au vu de mémoires justificatifs de dépenses ... Le solde de la subvention, soit 25 %, sera réglé sur présentation : 1°) du contrat de bail conclu entre la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT et la Société Germain S.A. qui devra expressément mentionner le nombre d'emplois que la société s'est engagée à créer dans un délai maximum" ; qu'il résulte des termes mêmes de cet arrêté et de ceux de la délibération précitée du bureau du conseil général du 7 mai 1991 que le département de la Seine-Maritime n'a assorti le versement des trois premiers quarts de la subvention qu'il accordait à la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT d'aucune autre condition que la production de mémoires justificatifs de dépenses ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les termes de la délibération du 7 mai 1991, acte individuel, en jugeant que le versement de la subvention allouée à la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT était subordonné à la création d'emplois prévus par la S.A. Germain ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que le département soutient que la subvention accordée à la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT aurait été obtenue au prix d'informations erronées sur la situation financière de la Société Germain ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que l'ensemble de documents nécessaires à l'appréciation de la situation financière de la Société Germain avaient été joints à la demande de subvention faite par la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT, conformément au règlement des aides départementales à l'économie ; que le département n'est donc pas fondé à soutenir que la situation réelle de la Société Germain n'avait pas été portée à sa connaissance ;
Considérant par ailleurs qu'il résulte de l'instruction que l'atelier-relais dans lequel devait s'installer la S.A. Germain lui a été livré le 30 septembre 1991 ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte des termes mêmes de la délibération du 7 mai 1991 et de l'arrêté du 26 juin 1991 précités que le département de la Seine-Maritime n'a assorti le versement des trois premiers quarts de la subvention qu'il accordait à la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT d'aucune autre condition que la production de mémoires justificatifs de dépenses ; qu'il n'est pas contesté que de tels mémoires ont été produits à hauteur de 75 % de la subvention allouée, soit 1 361 250 F ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a limité à 1 048 162,50 F la somme due par le département de la Seine-Maritime et de condamner ce département à verser à la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT la différence entre la somme de 1 361 250 F, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 1992 et de la capitalisation des intérêts au 18 juillet 1994 et au 9 janvier 1996, et celle de 1 048 162,50 F ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la SOCIETE BAIL-INVESTISSEMENT qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au département de la Seine-Maritime la somme de 20 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner le département de la Seine-Maritime à verser à la SICOMI BAIL-INVESTISSEMENT la somme de 12 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 22 avril 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : Le jugement du 24 octobre 1995 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a limité à 1 048 162,50 F la somme due par le département de la Seine-Maritime à la SOCIETE BAIL-INVESTISSEMENT et refusé de faire droit aux conclusions de cette société tendant à ce que le département de la Seine-Maritime soit condamné à lui verser la somme de 1 361 250 F.
Article 3 : Le département de la Seine-Maritime est condamné à verser à la SOCIETE BAIL-INVESTISSEMENT la différence entre la somme de 1 361 250 F, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 1992 et de la capitalisation des intérêts au 18 juillet 1994 et au 9 janvier 1996, et celle de 1 048 162,50 F.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE BAIL-INVESTISSEMENT devant la cour administrative d'appel de Nantes ainsi que les conclusions d'appel incident présentées devant la cour par le département de la Seine-Maritime sont rejetés.
Article 5 : Les conclusions du département de la Seine-Maritime tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BAIL-INVESTISSEMENT, au département de la Seine-Maritime et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 198232
Date de la décision : 21/03/2001
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

135-03-02-02-01 COLLECTIVITES TERRITORIALES - DEPARTEMENT - ATTRIBUTIONS - INTERVENTION ECONOMIQUE - AIDES DIRECTES ET INDIRECTES -Aide financière accordée à une société en vue de la constitution d'un atelier-relais sous la seule condition de production de mémoires justificatifs de dépenses - Condition implicite de création d'emploi - Absence.

135-03-02-02-01 Aux termes de l'arrêté du président du conseil général pris pour l'application de la délibération du bureau du conseil général accordant une aide financière à une société en vue de la constitution d'un atelier-relais, le versement des trois premiers quarts de la subvention sera effectué "au vu de mémoires justificatifs de dépenses" et le solde de la subvention sera réglé sur présentation du contrat de bail conclu entre la bénéficiaire de la subvention et la société appelée à être hébergée dans l'atelier-relais, qui déclarait envisager la création de 52 emplois sur 3 ans. Il résulte des termes mêmes de cet arrêté et de la délibération dont il fait application que le département n'a assorti le versement des trois premiers quarts de cette subvention d'aucune autre condition que la production de mémoires justificatifs de dépenses. Est entaché de dénaturation l'arrêt par lequel la cour a jugé que le versement de la subvention était subordonné à la création d'emplois par la société devant être accueillie dans l'atelier-relais.


Références :

Arrêté du 07 mai 1991
Arrêté du 26 juin 1991
Code de justice administrative L821-2, L761-1


Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2001, n° 198232
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Fouquet
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:198232.20010321
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