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06/04/2001 | FRANCE | N°198233

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 06 avril 2001, 198233


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 juillet et 24 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM dont le siège social est ... ; la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a partiellement rejeté sa requête aux fins d'annulation du jugement du 20 décembre 1994 du tribunal administratif de Dijon ayant rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la réduction du complément de taxe s

ur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er j...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 juillet et 24 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM dont le siège social est ... ; la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a partiellement rejeté sa requête aux fins d'annulation du jugement du 20 décembre 1994 du tribunal administratif de Dijon ayant rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1988 au 30 juin 1990 et des pénalités y afférentes et, d'autre part, à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos les 30 juin 1988, 30 juin 1989 et 30 juin 1990 dans les rôles de la commune d'Auxerre, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Vallée, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité ayant porté, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 31 décembre 1987, 31 décembre 1988, 30 juin 1989 et 30 juin 1990, et, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 1987 au 30 septembre 1990, la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM qui exploite à Auxerre une agence de travail intérimaire, a été assujettie à des suppléments d'impôt sur les sociétés, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à la pénalité pour distributions occultes prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ; que la société se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon n'a que partiellement fait droit à ses conclusions en décharge ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par deux décisions du 24 janvier 2001 postérieures à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du département de l'Yonne, a prononcé des dégrèvements, à hauteur de 981 F, au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et de 300 450 F, au titre de l'amende de l'article 1763 A ; que le litige est devenu sans objet à concurrence de ces sommes ;
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : "La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens ou services sont nécessaires à l'exploitation" ; que lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour contester la déductibilité de taxes d'un montant total de 11 216 F figurant sur des factures établies par la SARL Big Assistance au nom de LPB INTERIM, l'administration s'est fondée sur ce que les prestations de formation correspondant à ces factures avaient bénéficié à des personnes qui n'étaient pas des salariés de LPB INTERIM ; que, pour rejeter les conclusions en décharge de la requérante sur ce point, le tribunal administratif de Dijon a relevé que les faits dont se prévalait ainsi l'administration n'étaient pas sérieusement contestés ; que, dès lors, en jugeant qu'en se bornant à alléguer sans apporter de début de justifications que les dépenses de formation payées en 1987 et 1988 à la SARL Big Assistance auraient été engagées au profit de personnes destinées à être mises à la disposition d'entreprises clientes, la société requérante n'établissait pas que ces dépenses avaient été effectuées dans l'intérêt de son exploitation, la cour administrative d'appel n'a pas procédé à un renversement de la charge de la preuve, mais a seulement constaté que la société échouait àcombattre celle initialement rapportée par l'administration ; que le moyen tiré de l'erreur de droit commise par la cour dans la dévolution de la charge de la preuve doit donc être écarté ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes de l'article 39-1° du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "1- Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment ... 1°) Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre ... 5°) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ..." ;
Considérant, d'une part, qu'après avoir cité les dispositions sus-reproduites du 1) 5° de l'article 39-1° du code général des impôts et relevé que la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM avait à la clôture de l'exercice 1989 constitué une provision pour régulariser un excédent des salaires versés par rapport aux salaires comptabilisés, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation en jugeant que, cet écart comptable ne pouvant légalement faire l'objet d'une provision, l'administration avait à bon droit refusé d'admettre sa déduction ;

Considérant, d'autre part, que la déductibilité des charges ou frais mentionnés à l'article 39-1° du code général des impôts est, en toute hypothèse, subordonnée à la condition que ceux-ci soient appuyés de justifications suffisantes ; que l'article L. 225-47 du code de commerce, issu de la rédaction de l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales dispose : "Le conseil d'administration élit, parmi ses membres, un président ... Il détermine sa rémunération" ; qu'il résulte de cette disposition que le conseil d'administration d'une société anonyme a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération du président ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour le seul exercice clos en 1985 le conseil d'administration avait approuvé une diminution de 90 000 F de la rémunération de son président-directeur général ; qu'au titre de l'exercice clos le 30 juin 1990 le président-directeur général a fait inscrire au crédit de son compte courant ouvert dans les écritures de la société la même somme de 90 000 F à titre de rattrapage ; qu'en jugeant qu'en l'absence d'une nouvelle délibération du conseil d'administration décidant de revenir sur la diminution de rémunération allouée au président au titre de l'exercice 1985, l'administration était en droit de réintégrer la somme litigieuse dans les résultats de l'exercice clos en 1990, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
En ce qui concerne la pénalité de l'article 1763 A :
Considérant que l'administration a prononcé le dégrèvement de la pénalité appliquée aux revenus réputés distribués par la société requérante, à concurrence de 300 450 F, pour lesquels celle-ci avait désigné, comme bénéficiaire des distributions, le fils de son président ; que si la requérante soutient que l'administration serait également tenue de dégrever, à concurrence de 529 860 F, la pénalité appliquée aux distributions correspondant à la réintégration dans son bénéfice imposable de la provision pour charges de salaires susmentionnée, cette prétention, sur laquelle la cour n'a pas statué, est nouvelle en cassation et, par suite, irrecevable ;
En ce qui concerne les pénalités de mauvaise foi :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : "1- Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti ... d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi del'intéressé est établie ..." ;
Considérant, en premier lieu, qu'après avoir constaté que l'administration relevait qu'à la clôture de son exercice le 30 juin 1990, la société avait débité à hauteur de 279 273 F son compte de taxe sur la valeur ajoutée à payer par le crédit de ses comptes de banque, sans justifier du règlement de cette somme à la recette des impôts, la cour n'a pas donné aux faits de l'espèce une qualification inexacte, en déduisant de cette circonstance que l'administration devait être regardée comme établissant ainsi la volonté du contribuable de s'assurer de la trésorerie occulte en éludant l'impôt et, par suite, sa mauvaise foi au sens des dispositions précitées ;

Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant du redressement lié à la réintégration dans les bénéfices imposables de la provision pour écarts sur salaires, la cour a pu également juger, sans erreur de qualification juridique, qu'en relevant le caractère artificiel de la constitution de cette provision, le ministre établissait la mauvaise foi du contribuable ;
Considérant, enfin, que si la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM soutient que la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, faute de pouvoir être modulée par le juge, serait contraire aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est nouveau en cassation, et, par suite, irrecevable ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de condamner l'Etat à verser à la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence des dégrèvements de 981 F et 300 450 F accordés par l'administration.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME LPB-INTERIM et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Non-lieu à statuer rejet surplus
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - REMUNERATION DES DIRIGEANTS - Déductibilité de la rémunération du président d'une société anonyme - Condition - Respect de la règle de compétence énoncée par l'article L - 225-47 du code de commerce pour la détermination de la rémunération - Conséquence - Absence de déductibilité d'une somme inscrite à l'initiative du seul président-directeur général au crédit de son compte courant à titre de rattrapage d'une diminution décidée au titre d'un exercice antérieur par le conseil d'administration.

19-04-02-01-04-07 La déductibilité des charges ou frais mentionnés à l'article 39-1 du code général des impôts est, en toute hypothèse, subordonnée à la condition que ceux-ci soient appuyés de justifications suffisantes. L'article L. 225-47 du code du commerce, issu de la rédaction de l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales dispose : "Le conseil d'administration élit, parmi ses membres, un président ... Il détermine sa rémunération". Il résulte de cette disposition que le conseil d'administration d'une société anonyme a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération du président. Réintégration dans les bénéfices imposables d'une société de la somme que son président-directeur général a fait inscrire au crédit de son compte courant ouvert dans les écritures de la société à titre de rattrapage de la diminution de sa rémunération qu'avait décidée le conseil d'administration au titre du précédent exercice, en l'absence de nouvelle délibération du conseil d'administration décidant de revenir sur cette dernière.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - Déduction de la taxe ayant grevé les biens et services nécessaires à l'exploitation (article 230 de l'annexe II au CGI) - Mise en cause de la déductibilité dans le cadre de la procédure contradictoire ayant conduit à un redressement refusé par le contribuable - Charge de la preuve incombant à l'administration (1).

19-06-02-08-03 Aux termes de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : "La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens ou services sont nécessaires à l'exploitation". Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation.


Références :

CGI 1763 A, 39, 209, 1729
CGIAN2 230
Code de commerce L225-47
Code de justice administrative L761-1
Loi du 24 juillet 1966 art. 110

1.

Rappr., pour des factures que l'administration estime fictives, CE 1987-10-21, n° 46798 : RJF 12/87 et CE 1998-10-18, SARL Diva, n° 149341, RJF 11/98, n° 1330


Publications
Proposition de citation: CE, 06 avr. 2001, n° 198233
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Fouquet
Rapporteur ?: M. Vallée
Rapporteur public ?: Mme Mignon

Origine de la décision
Formation : 8 / 3 ssr
Date de la décision : 06/04/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 198233
Numéro NOR : CETATEXT000008041295 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2001-04-06;198233 ?
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